Une université pour diplômer les patients

© AMELIE-BENOIST / BSIP

L’Université Pierre et Marie Curie à Paris a créé en son sein une « Université des patients » qui œuvre à former les malades dans leurs droits et leurs capacités à devenir acteurs du soin à travers l’éducation thérapeutique et l’accompagnement.

L’initiative n’est pas banale et résulte de la conviction profonde d’un médecin et d’un doyen. A l’heure où émerge la notion de « patients experts », l’Université Pierre et Marie Curie de Paris a décidé de prendre une nouvelle voie et d’offrir la possibilité aux malades de se former directement en son sein.

En janvier, le Pr Catherine Tourette-Turgis a ainsi prononcé la leçon inaugurale de l’Université des patients qui délivre désormais trois diplômes universitaires aux patients. L’aboutissement d’une démarche commencée il y six ans, en intelligence avec les instances de cette faculté de médecine parisienne à l’avant-garde du mouvement des droits des patients. « Longtemps, le patient a été un homme couché, a rappelé le Pr Bruno Riou, doyen de la faculté de médecine Pierre et Marie Curie. Le médecin a dépassé la notion de respect du patient pour aller vers celui de droit du patient. Notre démarche est le long aboutissement de la défense de certaines valeurs auxquels nous sommes attachés ». Depuis la dernière rentrée, la faculté a créé un premier diplôme universitaire sur la « démocratie en santé », partant du constat que les formations délivrées par les associations de patients à leurs membres étaient courtes et ne répondaient pas entièrement à tous leurs besoins. « Certains patients voulaient aller plus loin car ils avaient besoin d’outils pour mener de solides combats » explique le Pr Tourette-Turgis. L’intitulé du DU est « Démocratie en santé » plutôt que « démocratie sanitaire », le terme consacré depuis la loi Kouchner de mars 2002 sur les droits des malades parce que « nous ne les formons pas qu’à être seulement des représentants des usagers mais aussi des acteurs de la démocratie et que leurs besoins ne couvrent pas que le seul champ sanitaire » explique Eric Salat, codirecteur du diplôme.

A noter que la loi Touraine adoptée en janvier dernier conforte le rôle des associations de patients puisque son premier article crée une Union nationale des associations agréées d’usagers du système de santé dont le décret vient de paraître. La loi donne également davantage de poids aux représentants des usagers à l’intérieur de l’hôpital puisque les nouvelles Commission des usagers (CDU) pourront écrire un « projet usagers » en lien avec la Commission médicale d’établissement (CME). La CDU sera aussi directement impliquée dans la procédure de certification des hôpitaux. De plus, elle sera associée à politique de gestion des risques et informée des événements indésirables graves survenus dans l’hôpital. Des attributions nouvelles qui nécessitent effectivement des patients de mieux en mieux formés.

Mais c’est également dans le domaine du soin que les patients sont de plus en plus impliqués. « Il faut reconnaître que le patient a sa propre expertise sur sa maladie à travers son expérience, explique le Pr Riou. On le sait par exemple dans l’évaluation de la douleur ».

Le premier sujet où la participation des patients a montré toute sa pertinence, c’est l’éducation thérapeutique. C’est d’ailleurs sur cette thématique que l’Université des patients a monté son premier diplôme universitaire en 2009 alors que la loi Bachelot venait justement de reconnaître l’éducation thérapeutique. Ce sont 80 patients qui ont déjà été diplômées. Grâce à une aide accordée depuis cette année par le fonds MSDAvenir, l’Université des patients a pu monter en charge et pourra former une soixantaine de patients par an. Un troisième diplôme d’ « accompagnement de parcours du patient en cancérologie » a aussi été lancé cette année. « Il y a une expérience très importante qui est celle du patient atteint de cancer, rappelle le Pr Serge Uzan, ancien doyen de la faculté. C’est d’ailleurs sur quoi nous avions insisté dans les trois plans cancers ». Brigitte, psychologue de formation, est une ancienne patiente qui s’est lancée dans cette formation depuis la rentrée dernière. « Une personne qui a eu l’expérience de la maladie peut intervenir en complément des soignants car elle aura une écoute un peu différente, explique-t-elle. Mais l’expérience ne suffit pas, il faut être capable de prendre le recul de l’analyse par rapport à sa propre maladie si on veut être crédible. C’est pourquoi ce type de formation est extrêmement riche et utile. Il ne s’agit en aucun cas de se substituer au médecin ou aux infirmières ».

L’Université des patients espère pouvoir prolonger ses filières de formation des patients vers des masters voire peut-être un jour des doctorats. Il ne s’agit pas, pour autant, d’une expérience unique en France. La faculté de médecine d’Aix-Marseille a également mis en place un certificat universitaire d’éducation thérapeutique pour les patients experts. Enfin à Grenoble, l’Université des patients est née de la volonté d’une association de patients experts qui a contractualisé avec le CHU et la faculté de médecine.

Des patients interviennent même désormais dans la formation des soignants, en particulier dans les écoles d’infirmières. « Quand les malades se mêlent de ce qui leur arrivent, il y a beaucoup de problèmes qui disparaissent » a plaidé le Pr Tourette-Turgis, lors de sa leçon inaugurale de l’Université des patients.