HOUIN / BSIP

La France à la traîne sur l’automédication

Par rapport à ses voisins européens, la France accuse un certain retard concernant le développement de l’automédication. L'Association française de l'industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (Afipa)(1), qui a présenté le 2 février son baromètre des produits du selfcare, souhaiterait que les pouvoirs publics prennent des mesures pour son déploiement.

  1. L’Afipa est une association professionnelle qui représente les industriels produisant et commercialisant des produits de santé disponibles en pharmacie sans ordonnance.

L’automédication est en retrait de -3.7 % en 2017 après deux années en hausse, révèle l’étude d’OpenHealth Company pour l’Afipa. Cela reflète le profil des pathologies saisonnières, avec une gastroentérite plus tardive et des allergies saisonnières moins fortes en 2017 que les deux années précédentes. Pesant près de 11 % du chiffre d’affaires des officines, le selfcare reste un marché structurellement en croissance grâce aux dispositifs médicaux et aux compléments alimentaires – les deux autres composantes du selfcare avec l’automédication.

Appui politique nécessaire

La part de marché de l’automédication en France est l’une des plus faibles d’Europe. Elle est de 12.9 % contre 39.6 % pour la Belgique, 41.9 % pour l’Allemagne et même 51 % pour le Royaume-Uni. La moyenne européenne est de 23.5 %. Pour booster ce recours à l’automédication, l’Afipa souhaiterait davantage d’implication des pouvoirs publics. La stratégie nationale de santé 2018-2022 prévoit certes « que de nouvelles réflexions sur l’automédication et la distribution des médicaments à l’unité pourront être engagées ». Mais « il manque tout de même une volonté politique pour donner l’impulsion à une vraie politique de l’automédication », regrette Pascal Brossard, président de l’Afipa.

Selon l’association, la dynamique de développement de l’automédication connaît un coup d’arrêt depuis 2010. Un seul délistage – processus qui consiste à rendre un médicament accessible sans prescription – a été effectué entre 2012 et 2014 contre 6 en 2010. De plus, sur le dernier trimestre 2017, le relistage de médicaments à base de codéine et de dextrométhorphane a eu un impact sur les ventes des médicaments d’automédication. « L’analyse des délistages européens montre des décalages de 6 ans à 14 ans pour l’accès aux molécules en France par rapport aux pays pionniers », indique Daphnée Lecomte-Somaggio, déléguée générale de l’Afipa. Cette analyse démontre également que sur la base du périmètre de molécules délistées dans au moins un des huit pays étudiés, 92 molécules pourraient être rendues disponibles sans ordonnance en France pour des pathologies telles que la migraine, les allergies, « permettant ainsi un accès rapide pour les patients à des traitements efficaces », ajoute-t-elle.

L’association souhaite que les patients puissent gérer leur santé et leur bien-être de manière autonome et responsable, mais toujours dans le cadre du conseil pharmaceutique. « Les pharmaciens ont la capacité d’accompagner l’automédication et de conseiller le public, soutient Pascal Brossard. De plus, les médecins sont à 63 % favorables à l’automédication responsable, car ils comprennent que c’est une façon de rationnaliser notre système de soin. »

Prendre modèle sur l’Europe

L’Afipa voudrait que les pouvoirs publics français prennent modèle sur d’autres pays européens qui « ont bien compris l’intérêt de l’automédication pour réguler la chaîne de soins ». Au Royaume-Uni par exemple, une campagne des autorités sanitaires Stay well this winter encourage les patients à demander conseil à leur pharmacien dès les premiers symptômes hivernaux, l’objectif étant d’alléger la charge des cabinets médicaux.

En Suède, une initiative conduite par les industriels du médicament et les représentants des pharmaciens s’est inspirée de la campagne britannique. L’objectif est de favoriser les bonnes pratiques en santé et d’encourager les Suédois à prendre en charge leur santé en amont de la maladie. Ils ont donc mis en place un outil spécifique de géolocalisation des épidémies afin de permettre une sensibilisation en région au plus près du terrain.

« On constate une réflexion positive de leur côté », rapporte Daphnée Lecomte-Somaggio. « Nous voulons développer cette politique de promotion du droit de chacun à être acteur de sa propre santé », conclut le président.  

 

En chiffres

  • - Chiffre d’affaires de l’activité officinale en 2017 : 36.2 milliards d’euros.
  • - Part du selfcare dans le CA total de l’officine : 10.8 %
  • - CA du selfcare : 3.9 milliards d’euros

dont :

  • l’automédication : - 3.7 % en valeur à 2240 milliards d’euros
  • les dispositifs médicaux : +3.5 % à 845 millions d’euros
  • les compléments alimentaires : +12.1% à 825 millions d’euros

 

  • Les solutions de l’Afipa pour le développement de l’automédication responsable
  • Intégrer le selfcare comme première étape du parcours de soin pour les pathologies bénignes.
  • Inscrire systématiquement au dossier pharmaceutique les médicaments d’automédication.
  • Protocoliser le conseil pharmaceutique qui reconnaît le rôle primordial de l’accompagnement officinal dans le parcours de soins.
  • Mettre en place des mesures d’éducation à une automédication responsable.
  • Développer une offre de soin par des délistages semblables aux autres pays européens.
par Laure Martin