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Alliance entre la recherche médicale et l'intelligence artificielle

La signature du partenariat entre Owkin, une startup d’analyse prédictive, et l’Inserm, plus grand établissement public français dédié à la recherche biologique, médicale et à la santé humaine, le 4 avril dernier, est la première pierre d’un édifice prometteur mettant l’intelligence artificielle au service de la recherche médicale. Imaginez l’impact d’une alliance qui permettra aux chercheurs académiques, hospitaliers et pharmaceutiques d’avoir à leur disposition une plateforme unique, « Owkin Socrates », mise au point par des génies de l’intelligence artificielle et des médecins.

Une plateforme révolutionnaire

Concrètement, Owkin Socrates est l’outil de démocratisation du deep learning dans la recherche médicale. Elle a été pensée pour répondre à deux mouvements de fond scientifiques incontournables : l’accumulation massive de données à un rythme sans précédent possible grâce à la digitalisation, notamment dans le secteur de la santé, et l’apparition de nouvelles technologies permettant d’analyser toutes ces données afin d’en tirer de nouveaux savoirs. Le présent rattrape les rêves d’anticipation les plus fous. Pour Gilles Wainrib, co-fondateur de la société Owkin, depuis 2012, « les différentes formes d’intelligences artificielles ont connu un développement fulgurant, presque imprévisible il y a une dizaine d’années pour les plus calés du secteur des nouvelles technologies. Ce phénomène hors du commun donne la possibilité aux chercheurs de développer des apprentissages profonds, qui vont avoir un retentissement remarquable sur la recherche et les traitements dans la santé ». 

"Le présent rattrape les rêves d’anticipation les plus fous"

Cette intelligence est la clé d’accès à des systèmes qui sont capables de faire des prédictions de réponse à un traitement. « Cet usage va être fondamental dans le développement de l’immunothérapie par exemple. Les médecins vont parvenir à anticiper sur l’efficacité ou la non-efficacité d’un traitement appliqué à un patient, et les raisons expliquant ces variations d’un patient à l’autre. » A plus long terme, le but est de démocratiser l’accès de cette technologie aux 15 000 chercheurs de l’Inserm, afin que chacun devienne acteur de cette intelligence artificielle. « Avec Owkin Socrates, chaque chercheur peut accéder à cette interface directement. Il n’y a pas une interface par chercheur ou par type de recherche » comme c’était le cas jusqu’à présent, ajoute le Pr. Yves Levy, président directeur général de l’Inserm.

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Pr Yves Lévy, président de l'Inserm et Gilles Wainrib
co-fondateur de la start-up d'analyse prédictive Owkin.

Les retentissements du côté patient

Cette intelligence artificielle va générer des connaissances inédites qui seront à l’origine de nouveaux traitements et stratégies thérapeutiques de demain. Chaque patient va bénéficier de l’expérience acquise par le croisement de données multiples provenant de dossiers d’autres patients, d’imageries, de tolérance ou non aux traitements.

"Le patient sera suivi de plus en plus fréquemment en temps réel :
au travers des consultations, mais aussi d’un ensemble de capteurs intégrés "

L’errance et les erreurs diagnostiques, les examens invasifs couteux inutiles, et les traitements mal tolérés devraient être bien mieux pronostiqués. Le patient sortira donc gagnant de l’utilisation de cette intelligence artificielle. En résumé, il s’agit de parvenir à mieux comprendre les maladies, leur fonctionnement et de faire des découvertes. Le patient sera suivi de plus en plus fréquemment en temps réel : au travers des consultations, mais aussi au travers d’un ensemble de capteurs intégrés à l’individu.

Et la confidentialité des données ?

Contrairement à de nombreux acteurs de l’intelligence artificielle qui cherchent à amasser le plus de données possibles, la plateforme Owkin Socrates fonctionne par « apprentissage fédéré ». « Cela signifie qu’aucune donnée patient ne sort de l’hôpital ou de l’institut auxquels elle appartient initialement. Les algorithmes utilisés voyagent de centre en centre, tout en apprenant, sans passer par l’étape de l’agrégation des bases de données » explique Gilles Wainrib. Ce process est un moyen de respecter la confidentialité des données, point ô combien délicat dans le secteur de la santé ! La souveraineté et l’éthique réglementaire sont ainsi respectées.

La santé, un secteur prioritaire de l’intelligence artificielle

Dans le rapport Villani, commandé par Emmanuel Macron, et rendu public le 28 mars dernier, la santé est identifiée comme le premier des quatre secteurs prioritaires pour lequel la France doit concentrer son effort de développement de l’intelligence artificielle.  Le plan sur l’intelligence artificielle devrait être financé à hauteur de 1,5 milliard d’euros de crédits publics, dont 400 millions consacrés aux appels à projets et aux défis d’innovation de rupture. Le rapport Villani est clair sur ces recommandations : « pour développer le potentiel de l’IA en santé, la France doit se doter de nouvelles infrastructures d’information sur un modèle de plateforme, et doit pour cela créer une plateforme d’accès et de mutualisation des données pertinentes pour la recherche et l’innovation en santé. » Et le rapport de préciser un petit peu plus loin : « L’Inserm, qui est en particulier chargé d’assurer la mise à disposition effective des données pour le monde de la recherche, doit être armé pour tenir ce rôle de guichet et faire face à une demande qui ne peut qu’exploser ».
Le Pr Yves Levy de résumer : « l’Inserm est au carrefour de l’intelligence artificielle et sera un institut incontournable visant à asseoir le leadership de la recherche biomédicale française dans ce domaine. Pour ce faire, il faut créer un data hub, c’est à dire une interface entre toutes les données que l’on stocke et l’utilisation que l’on en fait ».
Le premier pas est déjà fait. L’année à venir sera sans aucun doute une année clé pour le secteur de la santé. 

par Carole Ivaldi