La première année de médecine : parcours du combattant indispensable pour les uns, inique pour les autres
La première année de médecine est-elle un filtre obligé afin de laisser « entrer » les plus endurants au stress, pour pratiquer ensuite un métier-vocation où la maîtrise de soi est indispensable ? Après Hippocrate et Médecin de campagne, Première année est le dernier opus de la trilogie de Thomas Lilti.
Par Pascal Pistacio
Première année (Fiction)
sortie le 12 septembre 2018
Bande annonce
Vintage
Dans quelques années les étudiants en 1ère année de médecine regarderont avec un œil amusé et curieux le film de Thomas Lilti. Ils verront comment c’était avant. Un peu comme on regarde avec tendresse La guerre des boutons.
En effet, au moment où Première année sort sur les écrans, les études de médecines vivent une révolution : la suppression du redoublement de la première année. Les étudiants n’ont plus le droit à l’erreur ; ils n’ont plus qu’une seule tentative possible pour « faire » médecine !
Numerus clausus
Antoine (Vincent Lacoste) est, comme des centaines d’autres, assis dans l’amphithéâtre de la fac de médecine de la rue des Saints-Pères à Paris. Les étudiants, après les résultats du concours de la fin de première année, espèrent que des défections leur permettront d’être dans le numerus clausus.
Comme l’année précédente, Antoine est à quelques places du Graal : passer en 2e année. Sur un cahier, il coche les places. Une étudiante admise opte pour pharmacie. Il croise les doigts ; malheureusement les suivants choisissent médecine. Il ferme son cahier de statistiques. À l’appel de son nom, il décide de tripler sa première année, applaudi par tout l’amphi. Antoine veut être médecin, un point c’est tout !
Il repart en RER rejoindre sa chambre studieuse dans le petit pavillon de banlieue où il a grandi. Ses parents le soutiennent avec une discrète ferveur.
Au gré du vent
Benjamin (William Lebghil) vient de réussir son bac S. Dans son lycée, face à la conseillère d’orientation, il n’a toujours aucune idée de son avenir. Elle lui propose des études pour devenir vétérinaire, pharmacien, médecin. Pourquoi pas médecin, cela fera plaisir à son père qui est chirurgien et rassurera sa mère, universitaire.
Installé dans une chambre sous les toits, louée par ses parents, à deux pas de la fac, Benjamin n’a aucune conscience du colossal labeur qui l’attend.
Une impressionnante pile de cours patiente sur son bureau, pendant qu’il joue sur son ordinateur.
« Tu connais la différence entre un étudiant en médecine
et un étudiant en prépa ?
– Demandent leur d’apprendre le bottin par coeur.
L’étudiant en prépa il te demandera pourquoi ?
Et l’étudiant en médecine il te demandera pour quand ? »
(Réplique du film)
Les deux font la paire
Antoine et Benjamin, qui ont sympathisé lors d’un cours dans l’amphi décident de bachoter ensemble. Les voilà partis pour un marathon : gaver leur cervelle des mille et unes connaissances à ingurgiter et à restituer par cœur lors des examens. Dans la chambre de Benjamin, les murs recouverts de post-it et pense-bêtes, ils s’acharnent jusqu’au bout de leurs forces à mémoriser un programme « inhumain ».
Très vite, Benjamin, le petit nouveau, comprend les roueries du système et s’adapte. Antoine, obnubilé par le son désir de devenir médecin, est aveugle aux chausse-trappes. En vain, Benjamin tente de l’éclairer.
Benjamin : « Faut qu’on devienne des machines à répondre aux questions. »
Antoine : « 3 heures pour répondre à 72 questions avec 5 réponses au choix ça fait environ 2’ par questions. »
Benjamin : « À ce rythme-là c’est impossible de réfléchir.
Soit on répond par réflexe reptilien soit au hasard,
donc je pense que les meilleurs, ceux qui deviendront médecins,
se rapprochent plus du reptile que de l’être humain. »
Un regard doux amer
Pour clore sa trilogie cinématographique, le réalisateur et docteur en médecine, Thomas Lilti signe un film plein de tendresse pour ses chères études. L’action se passe de nos jours. Lui, qui fut étudiant en médecine il y a une vingtaine d’années, s’est replongé presque de façon journalistique dans le bain bouillonnant des premières années.
On sent bien que le réalisateur se pose quelques questions sur l’a propos d’un tel gavage de connaissances, qui a priori n’est pas indispensable pour exercer la médecine de terrain.
Le rythme est enlevé ; Vincent Lacoste et William Lebghil sont parfaits en postulants carabins.
Réalisation et scénario : Thomas Lilti
Avec : Vincent Lacoste, William Lebghil, Michel Lerousseau, Darina Al Joundi
Durée : 1 h 32
- par Pascal Pistacio