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L’expérience-patient : un levier de transformation des pratiques en santé

Pour sa première conférence de la rentrée, organisée le 17 janvier, la Chaire de gestion des services de santé du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam) a abordé la question de l’expérience patient et du patient expert comme enjeux et perspective pour améliorer la qualité des soins. Comment sensibiliser les soignants et l’intégrer à leurs pratiques ?

par Laure Martin.

LaureMartin

Le plan gouvernemental Ma Santé 2022 mentionne la nécessité de tenir compte de l’expérience patient notamment du vécu et du retour d’expériences des malades avec la mise en place d’indicateurs qui doivent être mesurés systématiquement, en commençant par les pathologies les plus fréquentes. Mais l’expérience patient va au-delà des résultats. Il s’agit aussi d’un partage de ressentis. « L’expérience patient peut se définir comme l’ensemble des interactions et situations vécues par une personne, susceptible d’influencer sa perception au cours de son parcours de santé », a expliqué Amah Kouevi, fondateur de l’Institut français de l’expérience patient (lire encadré). Ces interactions sont façonnées par les attitudes des intervenants mais aussi par l’histoire et la culture de chacune des personnes accueillies. » Il est généralement possible d’avoir recours à cette expérience patient de trois manières : le récit des personnes, leur observation ou encore au travers de données, d’indicateurs.

Recueillir le récit patient

Recueillir le récit du patient implique quelques changements de comportement du côté des professionnels de santé. Plutôt que d'interroger le patient l'idée est plutôt d'essayer d’apprendre de lui. Ils doivent faire preuve de disponibilité, d’objectivité, d’ouverture d’esprit, d’empathie. « Il faut éviter les remarques, les commentaires factuels et tout jugement de valeur, a mis en garde Amah Kouevi. De même que les soignants ne doivent pas anticiper ou craindre des jugements sévères des patients, ni attendre d'éloges. » S’ils adoptent cette attitude, ils  ont de grandes chances de se trouver face à des patients manifestant des perceptions positives vis-à-vis de la démarche.

Modification du système de santé

« Cette approche peut constituer un levier de changement du système de santé, car elle enrichit les connaissances des professionnels de santé mais aussi ce que vivent les patients », a fait savoir Amah Kouevi. D’ailleurs, l’Institut français de l’expérience patient, organisme indépendant à but non lucratif, souhaite renforcer l’interaction des acteurs, construire des alliances et des synergies pour transformer le système de santé. Il s’agit aussi d’améliorer la qualité des soins, car s’appuyer sur l’expérience patient est une façon de faire prévaloir les relations avec les personnes accueillies. D’autant plus qu’il reste difficile pour un professionnel de santé de savoir ce que ressent un malade. « Le patient et le soignant n’ont pas la même notion du temps, de base d’appréciation, a-t-il ajouté. L’expérience patient devient donc un facteur de cohésion. »

Définir une méthodologie

En en tenant compte, les pratiques individuelles des professionnels de santé vont généralement s’en trouver modifiées : développement de la bienveillance, de l’empathie. C’est le cas aussi pour les pratiques collectives avec un rééquilibrage des pratiques organisationnelles, une adaptation des contraintes internes aux besoins du patient, un meilleur partage de l’information pour une meilleure coordination des professionnels de santé. « Il faut néanmoins penser à les accompagner, car cette approche est encore nouvelle, a rappelé Amah Kouevi. Ils sont dans l’attente de méthodes afin de comprendre comment s’y prendre pour travailler avec les patients dans le but d’une amélioration de la qualité des soins dans la santé. » Et de poursuivre : « Cela passe par une évolution de la culture des professionnels. Il s’agit d’un processus de moyen et long terme même si l’attente des citoyens exige une mobilisation rapide. »  

Formation des patients

Pour s’intégrer complètement dans cette démarche, des patients pionniers de plus en plus nombreux se forment, au sein d’universités des patients, qui voient le jour depuis quelques années dans les facultés de médecine à Paris, Aix-Marseille, Grenoble ou Lyon. L’objectif avec ces diplômes universitaires ou Master sur la démocratie en santé ou l’éducation thérapeutique du patient, est de « professionnaliser » les patients sur leur apport au système de santé. Il s’agit d’une réelle reconnaissance et validation de leur expérience. « Notre objectif est de répondre à une demande grandissante des patients vivant avec une maladie chronique, de pouvoir mobiliser leur expérience, faire reconnaître leur expertise au service de la collectivité, a fait savoir Catherine Tourette-Turgis, fondatrice de l'université des Patients et enseignant-chercheur à l'Université Pierre-Marie-Curie. Nous voulons aussi participer à l’employabilité des personnes malades par la création de cursus diplômants s’inscrivant dans l’émergence des nouveaux métiers de la santé. » Ces diplômes sont un moyen de renforcer le droit à la formation et à l’éducation tout au long de la vie, d’affirmer la légitimité des volontaires et bénévoles des associations pour leur permettre de faire reconnaître, par un diplôme, leur expérience de terrain en termes de compétences mobilisées et acquises.

L’Institut de l’expérience patient
L'Institut de l'expérience patient est une organisation à but non lucratif dont la vocation est de contribuer à faire de l'expérience patient un levier de transformation du système de santé en France.
La volonté des membres fondateurs est de porter une mission d'intérêt général en résonance avec les attentes de la population.
Son positionnement :
  • Renforcer l'intérêt à agir de tous en rendant explicites les avantages de la prise en compte de l'expérience patient.
  • Accompagner les établissements dans leurs mutations.
  • Outiller les professionnels pour favoriser l'adaptation de leurs pratiques individuelles et collectives
  • Explorer de nouveaux canaux pour faire participer les patients et leurs proches.



par Laure Martin