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Crise sanitaire : vers un renouveau du système de santé dans les territoires

L’Université du Change management en médecine (UC2M) a organisé le 22 octobre un séminaire sur le thème de la territorialisation et nouveau management. L’occasion d’aborder l’impact de la crise sanitaire sur l’organisation des acteurs de santé dans les territoires et le renouveau à mettre en œuvre.

Par Laure Martin.

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La territorialisation de l’offre de soins pose inévitablement la question des rapports d’organisation et de pouvoir entre centres et périphéries. Plusieurs expériences et projets se sont mis en place pendant la crise sanitaire par exemple du côté de Grenoble. « Nous cherchons à proposer une réforme structurelle et systémique qui peut fonctionner pour toutes les filières de prise en charge, a fait savoir Monique Sorrentino, directrice générale du CHU de Grenoble lors du séminaire. Sur notre territoire, les professionnels libéraux, les cliniques privées, les hôpitaux publics, les établissements médico-sociaux, les usagers et les élus se sont mobilisés pour répondre à la crise. » Tous se sont retrouvés autour d’une table dans l’idée de travailler ensemble pour trouver une réponse à la prise en charge de la demande en soins.« La modification de la posture a été réelle, s’est félicitée la directrice du CHU. Nous nous sommes découverts un socle de valeurs partagées qui constituent notre force, à savoir, que nous sommes tous des professionnels de santé, et quelle que soit la structure dans laquelle nous exerçons, nous faisons le même travail : soigner les patients d’un territoire. »

Déjà avant la crise sanitaire, certaines instances avaient débuté une restructuration avec les Groupements hospitaliers de territoire (GHT), rendant les échanges plus faciles à organiser. « Pour la médecine de ville, comme il n’existe pas une seule représentation officielle, nous nous sommes tournés vers le Conseil départemental de l’Ordre des médecins, l’Union régionale des professionnels de santé (URPS), les Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), le médico-social et les représentants des usagers, indispensables pour aider les professionnels de santé à organiser les parcours de soins. »

Les professionnels libéraux, les cliniques privées, les hôpitaux publics, les établissements médico-sociaux, les usagers et les élus [...] Nous nous sommes découverts un socle de valeurs partagées qui constituent notre force, à savoir, que nous sommes tous des professionnels de santé.

Une logique populationnelle

Les acteurs réunis ont décidé de travailler sur un projet médical de territoire, qui concerne notamment l’organisation de la prise en charge des soins non programmés. « Notre objectif est de co-construire ce projet médical de territoire, qui éviterait à chaque établissement d’élaborer sa propre stratégie, a indiqué Monique Sorrentino. Nous serions alors dans une logique de responsabilité populationnelle, dans le cadre de la subsidiarité et non de la décentralisation. »

La mise en œuvre implique des sources de financements à l’échelon local. Les territoires pourraient en être responsables dans le cadre d’un Objectif régional des dépenses de l’assurance maladie (Ordam) voire d'un Objectif territorial des dépenses de l’assurance maladie (Otdam). « Cette démarche permettrait, lorsqu’une dépense doit avoir lieu à l’échelle d’un territoire, d’éviter de repartir dans des négociations nationales pour obtenir l’argent des années plus tard », a-t-elle défendu avant d’ajouter : « Avec un Otdam, nous pourrions peut-être même consacrer plus d’argent à la prévention et à l’éducation plutôt qu’à des actes techniques coûteux. Mais les professionnels de santé doivent le vouloir, il faut en parler autour de la table. »

Un cycle de changement

Cette révolution du fonctionnement du système de santé doit être menée pas à pas. Créer des groupements de professionnels de santé de territoire n’est pas trop compliqué à mettre en œuvre dans les faits, mais les acteurs doivent s’en saisir. « Nous sommes dans un nouveau cycle, avec un changement de paradigme fort pour les professionnels de santé de ville, a témoigné le Dr Martial Olivier Koehret, président de Soins Coordonnés et président de la CPTS de Luxeuil-les-Bains et environs (Haute-Saône). Alors que les libéraux étaient isolés et concurrents, aujourd’hui, ils sont dans une logique de regroupement et de travailler ensemble, ce qui est facilité par les CPTS. »

Le système est donc passé de professionnels de santé responsables de leurs propres patients à des soignants responsables de la santé de la population de leur territoire, y compris dans la réduction des inégalités. « Cette réponse organisée a été boostée par l’épidémie de la Covid 19, a-t-il précisé. Elle nous a obligés à nous serrer les coudes et à développer des valeurs communes pour trouver des réponses. »

par Laure Martin