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SOS Hépatites : mobilisation collective pour l’éradication de l’hépatite C

Lors du Congrès de l’European Association for the Study of the Liver (EASL) – le 12 avril dernier, l’Association SOS Hépatites, soutenue par la Société française d’hépatologie (AFEF) et l’Association des hépato-gastroentérologues des hôpitaux généraux (ANGH), a lancé une campagne d’actions de terrain et de communication visant à éradiquer le virus de l’hépatite C (VHC).

Par Cécile Menu.

Cecilemenu

Le 26 mars dernier, le gouvernement annonçait son souhait d’éradiquer l’hépatite C à l’horizon 2025 par des actions de prévention et de dépistage auprès des publics exposés. SOS Hépatites entend engager dès maintenant la dernière bataille contre le VHC. « Il ne s’agit pas de stigmatiser une partie de la population car aujourd’hui tout le monde peut être atteint du VHC » rappelle Pascal Melin, Président de l’association.
Dépister les porteurs ignorants dans des espaces sociaux connus (villes, cabinets de consultation, prisons…) et ce en s’appuyant notamment sur le concours des patients guéris, tel est l’un des objectifs de SOS Hépatites. Il est estimé en effet que 75 000 personnes porteuses chroniques du virus ne sont pas identifiées comme telles.

"Il est estimé en effet que 75 000 personnes porteuses chroniques
du virus ne sont pas identifiées comme telles."

« Pour trouver les introuvables, il faut dépister tous les adultes au moins une fois dans sa vie et dépister régulièrement les populations les plus vulnérables (usagers de drogues, migrants, détenus…), inciter tous les professionnels de santé prescripteurs à proposer un test de dépistage à chaque usager ou patient rencontré, amener tous les professionnels de santé et acteurs non-prescripteurs à conseiller aux patients de se faire dépister (laboratoires, assurance maladie, pharmaciens…) » explique Frédéric Chaffraix de SOS Hépatites.
SOS Hépatites a mis en place une stratégie : entretiens téléphoniques, réunions, permanences, rendez-vous avec les populations vulnérables pour des dépistages rapides (TROD, tests d’orientation diagnostique), incitation au dépistage de référence et à la vaccination (Hépatite B) avec le soutien du CeGIDD (Centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic) et, accompagnement des patients ayant une hépatite ou autre hépatopathie.

La bataille contre l’hépatite C, un travail d’équipe pour une amélioration du parcours de soin

Des actions complémentaires pour tendre vers l’éradication ont été lancées par l’AFEF avec la mise en place d’un tutoriel à destination de tous les médecins. « L’élimination du VHC est l’affaire de tous et passe par l’élargissement des prescripteurs… l’ère des traitements non efficaces et mal tolérés est derrière nous » déclare Christophe Bureau son président. Aujourd’hui, dépister, réaliser un état des lieux et mettre en place un traitement est simple. Aussi la Société recommande-t-elle l’instauration d’un parcours simplifié où la prise en charge du patient est effectuée par un médecin non spécialiste. Un algorithme a été élaboré favorisant la prise de décision : une fois la charge virale détectable et en l’absence de comorbidités ou d’antécédents de traitement de l’hépatite C, le patient peut intégrer le parcours simplifié. Dans le cas contraire, une mesure de la sévérité de la maladie hépatique est effectuée par Fibroscan® (élasticité hépatique) et par des tests sanguins, Fibrotest® et Fibromètre®. En dessous de certaines valeurs seuils, il y a peu ou pas de risque d’avoir une hépatite sévère et le patient pourra être orienté vers le parcours simplifié. Au-delà de ces valeurs, le patient sera maintenu dans le parcours spécialisé.

« L’élimination du VHC est l’affaire de tous et passe par l’élargissement des prescripteurs…
 l’ère des traitements non efficaces et mal tolérés est derrière nous »

Le choix du traitement sera ensuite discuté avec les patients en termes d’efficacité et de tolérance. « Ce qui est très important, c’est la vérification des interactions médicamenteuses, vérifications à réaliser de manière systématique ».
L’hépatite C étant une maladie silencieuse, le médecin généraliste doit identifier les antécédents du patient (transfusion, partage de seringue, comportements sexuels à risque…) et les autres facteurs de risque : appel à la mésothérapie, à l’acupuncture ou aux tatouages réalisés dans les années quatre-vingt. De manière générale, dès qu’il y a eu un contact potentiel avec le sang, un dépistage est recommandé.

L’ANGH quant à elle, déjà impliquée par ses actions de dépistage réalisées annuellement avec les Restaurants du Cœur, a participé à l’écriture d’un livre blanc regroupant les propositions souhaitées de SOS Hépatites et de la Société française d’hépatologie. Ce livre blanc présente un état des lieux de la situation des populations migrantes et précaires et ce qui peut être fait en termes de prise en charge et de dépistage.

Des résultats prometteurs

« Avec l’arrivée en 2013 des agents antiviraux directs (AAD), pour la première fois au monde, on peut guérir une maladie chronique entre 8 et 12 semaines », déclare le Professeur Marc Bourlière, co-créateur du « Baromètre de l’éradication de l’hépatite C ». L’existence d’autres traitements pour traiter les patients « rechuteurs » permet d’atteindre un taux de guérison de 99 %. Alors qu’en 2004 (Enquête InVS), la prévalence était d’environ 230 000 patients infectés en France, elle est passée à près de 112 000 cas à fin mars 2018. L’accès universel au traitement de l’hépatite C en avril 2017 a renforcé cette baisse de la prévalence. Entre 2016 et 2017, 33 % de cas de guérison en plus en France ont été observés (13 657 vs 18 236). Le baromètre a permis d’évaluer à 21 934 depuis le début 2017 le nombre de patients guéris.
Outre les 75 000 porteurs ignorant leur séropositivité, restent 30 000 patients « traumatisés » par les traitements à l’interféron. Le changement de traitement sans risque d’effets secondaires est un message à faire passer auprès des patients. « Les meilleurs avocats sont les patients guéris eux-mêmes » conclut le Pr Bourlière. Il est par ailleurs important de préparer le futur patient guéri à sortir de son statut de malade chronique.
Enfin, plus tôt le patient sera dépisté puis pris en charge, moins il aura de risque de développer une cirrhose et d’évoluer vers une décompensation et/ou un cancer.
La diminution du recours aux transplantations en est un résultat probant. La cirrhose décompensée ou le CHC liés au VHC n’est plus la première cause de transplantation aux États-Unis, bénéfice direct de la guérison des patients atteints d’hépatite C.

 

Pour en savoir plus
La Journée Nationale de lutte contre les Hépatites (JNH) : 15 mai 2018
Les actions de SOS Hépatites sont en ligne sur SOShepatites.org
Témoignages de patients guéris sur Youtube : SOS HEPATITES TÉMOIGNAGES - Patients guéris 'FRANCE SANS HEPATITE C', EASL avril 2018 - https://www.youtube.com/watch?v=lsq3zwOGYrk

 

par Cécile Menu