Bio-pic, Bohemian Rhapsody, Queen et Freddie Mercury, la mythologie en images.

Bio-pic, Bohemian Rhapsody, Queen et Freddie Mercury, la mythologie en images.

Les « années sida », Freddie Mercury icône mondiale du Rock and Roll.

Les progrès de la science face au sida.
2005 la maladie fait, 1,9 million morts dans le monde,
en 2017, 940 000

Saga musicale tout public

freddy mercury

Bohemian Rhapsody (Bio-pic)
Sortie le 31 octobre

 

PascalPistacio

Par Pascal Pistacio

Une gestation hors norme

C’est en 2010 que la genèse du projet de bio-pic, autour du mythique groupe Queen et de son emblématique chanteur, Freddie Mercury, voit le jour. Bohemian Rhapsody, titre charismatique du groupe donne son nom au film.
L’étymologie grecque de rhapsodie (rhaptein : coudre et ôidé : chant) illustre bien la « saga » qui accompagna sa création. Coudre, assembler tous les éléments pour qu’ils deviennent un drapé chant-musical cinématographique.
Peter Morgan, scénariste et Graham King, producteur britannique basé aux USA rompu aux grosses productions, associés aux fondateurs du groupe, Brian May le guitariste et Robert Taylor le batteur entreprennent de construire l’édifice, puis le réalisateur Bryan Singer entre dans la danse.
Mille et une difficultés vont se présenter à eux. Initialement c’est Sacha Baron Cohen, fantasque et talentueux acteur anglais, qui doit incarner Freddie Mercury. Brian May et Robert Taylor sont enthousiastes, puis ils vont se brouiller avec lui. En 2013, c’est Ben Whishaw qui doit jouer la star et Dexter Fletcher réaliser le film.

2017, Rami Malek est choisi pour le rôle phare et Bryan Singer pour la réalisation. Début, enfin, du tournage le 8 septembre 2017 à Londres. En décembre les péripéties continuent, Bryan Singer est remplacé par Dexter Fletcher. The show must go on… toutes les épopées ont une fin, Bohemian Rhapsody arrive sur nos écrans !

L’histoire

Le film est construit comme un immense flash-back.
13 juillet 1985, Freddie Mercury est seul chez lui. Ses chats qui assistent à son réveil, le regardent s’habiller. Il quitte les lieux dans sa Rolls avec chauffeur. Arrive au stade de Wembley pour retrouver les autres membres du groupe. Queen participe au concert Live Aid for Africa pour lever des fonds contre la famine. Freddie Mercury entre en scène…
1970, un jeune homme, Farrokh Bulsara, travaille dans une équipe de bagagistes à l’embarquement des valises au pied de la soute d’un avion. Ces amis l’appellent déjà
Frederique. Le prénom qu’il s’est choisi pour angliciser Farrokh.

De religion Zoroastrienne (Zarathoustra) qui vit le jour en Perse 1000 AV JC, Farrokh a passé son enfance à Zanzibar où sa famille avait trouvé refuge. En 1964 les Bulsara s’installent définitivement en Angleterre…

Malgré sa timidité, Freddie, qui a une bonne formation musicale, hante les petits lieux où les groupes sont prometteurs. En 70 il intègre Smile qui vient de perdre son chanteur, Brian May et Robert Taylor en sont le guitariste et le batteur.
Le groupe signe avec Mercury Records, et sous l’impulsion de Freddie change de nom pour s’appeler : Queen. Lui-même s’émancipe et devient : Freddie Mercury. La légende peut commencer !

freddie mercury 1

Copyright Concorde Filmverleih GmbH

Saga musicale tout public

Grosse production « oblige », décors, costumes, bande son, tout est soigné et maitrisé à l’extrême. Le moindre détail de papiers peints dans les lieux de vie de la star est à l’identique. La copie des instruments de musique, les tenues de scènes extravagantes, tout est là afin de réjouir et rassurer les fans.
Pour les puristes, qui sont plus sensibles au côté bordeur line de l’immense artiste que fut Freddie Mercury, la soupe est un peu sans saveur, trop lisse et consensuelle.

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Copyright Concorde Filmverleih GmbH

Sans soufre

Si l’on doit convoquer les grands absents, le sulfureux et génial réalisateur allemand, Rainer Werner Fassbinder aurait trouvé un malin plaisir à épicer une telle épopée.
Freddie Mercury en s’approchant du soleil s’est brûlé les ailes. L’ivresse de l’altitude et la solitude qui l’accompagne ont un prix.

La facture est cruelle mais très rares sont ceux qui en réchappent. L’alcool, la drogue, l’homosexualité trash, le sida, sont évoqués de façon très aseptisée.
Pour pouvoir chanter l’Humanité, il faut en avoir connu les ombres et les lumières. Comme Jimi Hendrix qu’il admirait tant (mort à Londres au moment de la création de Queen), Freddie Mercury s’est consumé pour offrir la quintessence de son art, de son être.

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Bohemian Rhapsody, photo via Twentieth Century Fox

Au final

Le film se termine sur le concert d’anthologie de Wembley Live Aid for Africa.
Rami Malek est un magistral Freddie Mercury ! Extraordinaire de finesse et de sensibilité. Toute la distribution est formidable, grâce à eux les spectateurs suivent sans ennui cette rhapsodie quelque peu light.

Bande annonce : à découvrir ici 

Réalisateur : Bryan Singer
Scénario : Anthony McCarten et Peter Morgan
Avec : Rami Malek, Lucy Boynton, Ben Hardy, Joseph Mazzello
Durée : 2h 14


Informer sur le VIH, c’est quoi ?

La résurgence des IST ne s’explique probablement par des raisons biologiques, mais par des raisons sociales et culturelles. C’est donc sur ce facteur qu’il s’agit d’agir pour les professionnels de santé. Informer suffit-il ?

Cecilemenu

Par Cécile Menu

 

Face aux IST, l’arme principale des professionnels de la santé publique n’est pas le préservatif : c’est l’information. Le modèle le plus simple des actions menées contre la contamination est le suivant : 

Le sujet non informé ne sait pas ce que sont les IST
Le sujet non informé ne sais pas comment les IST sont transmises.
-
L’information explique ce que sont les IST.
L’information explique comment elles sont transmises.
L’information explique que le préservatif permet de s’en prémunir.
-
Le sujet informé sait comment les IST sont transmises.
Le sujet informé souhaite s’en prémunir.
Le sujet informé utilise un préservatif pour s’en prémunir.

Ce modèle n’est qu’un idéal simplifié. Il est sans doute le plus pertinent dans les populations les plus jeunes. Mais on sait les nombreux obstacles qui s’opposent à ce parcours linéaire, de l’information à l’utilisation du préservatif. Ce modèle continue pourtant d’inspirer les campagnes d’information, comme si tous les sujets à risque étaient majoritairement jeunes et non informés. Comment s’expliquer alors la résurgence des IST dans des populations de seniors ? Il faut notamment s’interroger sur une étape essentielle : comment l’explication fait du sujet « non-informé » un sujet « informé ». Qu’est-ce qu’être informé ? La difficulté commence quand on ne peut plus dire que le comportement à risque provient du fait de ne pas savoir, mais plutôt de ne pas vouloir comprendre.

L’information, modèle correctif et modèle cumulatif

L’enseignement fonctionne encore beaucoup sur le modèle de la tabula rasa, la tablette de cire vierge sur laquelle il s’agit d’inscrire la connaissance. Mais elles sont rares, les circonstances dans lesquelles l’enseignant s’adresse à un public qui n’a jamais entendu parler du sujet abordé. Plus rares encore, celles dans lesquelles ce que l’on enseigne ne vient pas interférer avec des croyances ou des comportements préalablement adoptés et renforcés par des liens et des pratiques. Le médecin n’informe sans doute presque jamais un patient qui ignorait tout des IST ou qui n’a aucune pratique sexuelle que cette information conduirait à contrarier.

Le modèle « correctif » de l’information consiste à croire que l’information donnée par l’autorité qui sait, efface toute information erronée et corrige toute pratique contraire, aussitôt qu’elle est assimilée. Mieux vaudrait adopter un modèle « cumulatif » de l’information. Selon ce modèle, l’information est intégrée aux informations, croyances et pratiques préalables pour former un nouveau tout plus ou moins cohérent. Il y a ce que dit le médecin, et il y a ce que disent les partenaires sexuels. La plupart des sujets font une sorte de synthèse qui conserve ce qui paraît le plus confirmé, en privilégiant toujours les croyances qui sous-tendent les aspirations les plus fortes. Ce modèle cumulatif permet en particulier de comprendre ce que font les plus jeunes de l’information sur la sexualité. Chacun d’eux se construit une conduite sexuelle plutôt qu’il ne la conforme nécessairement soit aux comportements idéalisés véhiculés par les autorités de santé, soit aux comportements diffusés par la pornographie, qui fonctionnent eux aussi comme des modèles idéalisés. La première liberté du sujet – malheureusement pour la santé publique – se trouve dans la latitude dont chacun dispose pour intégrer l’information comme il lui plaît.

Savoir ce qui en est et savoir qu’en faire

Le deuxième facteur limitant le pouvoir de l’information sur la sexualité et les IST, c’est la marge de liberté que les sujets ont dans le choix de leurs buts et de l’importance qu’ils leurs accordent respectivement. Personne ne veut avoir le SIDA ou la syphilis, mais chaque sujet à risque est attiré par des pratiques sexuelles qui les transmettent. On peut être parfaitement informé sur le risque, sur les moyens de s’en prémunir, et préférer jouer à la roulette que contraindre ses pratiques sexuelles par un « tue l’amour ».

Dans l’arène, il est peu probable que la santé publique terrasse ses adversaires : la quête du plaisir, l’érotisme, la vie amoureuse, tant ces buts sont puissants et tant ils sont centraux dans une vie qui a du sens. De plus, l’arme principale de la santé publique n’est plus l’information, mais la peur. Qu’elle soit utilisée brutalement ou avec tact, c’est bien seulement la peur de contracter une maladie, qui peut conduire un sujet à tenir compte de l’information pour s’en prémunir. Or jouer avec la peur qu’on inspire, en d’autres termes, menacer, est d’un maniement délicat – le médecin est bien plus à l’aise lorsqu’il la dissipe que lorsqu’il la suscite. Il préférerait tenter de convaincre quelqu’un qui croit qu’on ne peut rien faire contre le SIDA en lui expliquant que le préservatif est efficace, que quelqu’un qui ne veut pas utiliser un préservatif pour prémunir ses partenaires sexuels contre le SIDA ou se prémunir lui-même. Enfin le maniement de la menace en émousse inéluctablement l’intensité : on s’habitue au discours de la peur, qui se démonétise progressivement.

Ritualisation du fait

Il existe un troisième facteur, plus redoutable encore, que l’on pourrait appeler la ritualisation. L’information scientifique bien maniée a suffisamment de force pour se faire une place dans l’ensemble des croyances d’un sujet. Lorsqu’elle est efficacement utilisée, elle change les pratiques.

"L’information sur les dangers associés à la sexualité peut avoir un effet dévastateur, mais celui-ci n’a qu’un temps. La sexualité se ritualise à nouveau autour de l’information intégrée."

Mais elle produit un effet de désenchantement majeur. Ce n’est pas la connaissance qui désenchante le monde. Ce qui le désenchante, c’est le déracinement du réseau des croyances qui sous-tendaient des aspirations. Ce rhizome repousse tout seul : c’est ce que l’on peut appeler la ritualisation. Les professionnels de santé que l’on force à modifier leurs habitudes de travail se trouvent, temporairement, dans un monde désenchanté. Si la « réforme » suivante ne survient pas trop vite, ils s’installent progressivement dans le monde nouveau de leurs pratiques de soin, en le ritualisant – c’est-à-dire, en construisant de nouvelles aspirations, de nouvelles pratiques et de nouvelles croyances adaptées à ce nouveau cadre. Il en va de même de la sexualité. L’information sur les dangers associés à la sexualité peut avoir un effet dévastateur, mais celui-ci n’a qu’un temps. La sexualité se ritualise à nouveau autour de l’information intégrée. La sexualité à risque – par exemple, le rapport homosexuel non protégé avec un sujet séropositif non-traité par antirétroviraux – peut ainsi devenir un objet de fantasme, bref, être érotisé et apparaître désirable, justement à cause du risque. Cette ritualisation est la troisième expression de la liberté des individus : ils peuvent rendre désirable jusqu’au danger dont on les menace, et ce, en connaissance de cause.

Conclusion

Il faut sans doute admettre les limites de l’action de santé publique, s’il faut admettre ces trois libertés de l’individu face à l’information : celle de la manière d’intégrer la connaissance, celle d’en faire ce que l’on veut, et celle de la ritualiser. Cela ne signifie pas pour autant qu’il faudrait renoncer à informer. La fin d’une action de santé publique n’est pas d’informer : c’est de réduire des risques de santé. Il y a un devoir d’informer non pas nécessairement pour réduire le risque, mais pour permettre de construire son existence comme on l’entend sur la base de ce que l’on sait. Il existe donc une tension entre la fin, prévenir les IST, et le moyen, informer sur les IST : car ce moyen est lui-même une fin en son genre, promouvoir la liberté.

 

par Pascal Pistacio & Cécile Menu