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Pollutions de l'air, de l'eau... un enjeu de taille pour les pros de santé

 

Sommaire

Médecins et chercheurs scientifiques, confrontés aux impacts délétères sur la santé de toutes les formes de pollutions

    La diversité des facteurs environnementaux
    L'origine développementale de la santé et des maladies (DOHaD)
    Les vétérinaires en vigilance
    Pollutions de l’eau de boisson et contaminations par ingestion
    Effets de l’exposition précoce aux polluants atmosphériques
    Changements climatiques, peut-on encore éviter le pire ?
    Les actions en faveur de la qualité de l’air
    Pollution lumineuse, pollution visuelle
    Les bruits tapent sur le système !

Haro sur les perturbateurs endocriniens 

    Les effets bénéfiques à chercher
    Prêter attention à notre environnement quotidien

 


Médecins et chercheurs scientifiques, confrontés aux impacts délétères sur la santé de toutes les formes de pollutions

« Devant les crises écologique et climatique, nous avons des responsabilités citoyennes, associatives, collectives et institutionnelles » a déclaré le Dr Michel Cazaugade, président de la mutuelle Groupe Pasteur Mutualité destinée aux professionnels de santé  au cours d'un colloque dont elle était organisatrice et qui portait sur les effets de toutes les formes de pollutions sur nos santés et l' obligation d'y remèdier pour les médecins et chercheurs scientifiques. Quelles sont les maladies émergentes liées à ces pollutions et les maladies chroniques aggravées par celles-ci ? Comment anticiper le diagnostic pour être plus efficace sur le plan thérapeutique et curatif ?

par Cécile Menu et Laure Martin.

Cecilemenu

 LaureMartin

Chaque année, la pollution est responsable de 9 millions de décès dans le monde et représente 16% de la mortalité globale soit trois fois plus que le sida, la tuberculose et le paludisme combinés. Les pollutions tuent plus que le tabagisme, que la faim, que les catastrophes naturelles. « Les pollutions, qu’elles affectent l’eau, l’air, les sols, qu’elle soit thermiques, chimiques, bactériologiques, nucléaires, qu’elles soient hormonales, visuelles, ou auditives, représentent chaque jour davantage une menace existentielle pour l’humanité et pour notre planète » déclarait le Pr Bernard Devulder. Qu’avons-nous fait depuis le IV Sommet de la Terre le 2 septembre 2002 à Johannesburg, en Afrique du Sud, que pouvons-nous faire, qui peut agir ? Toutes les académies médecine, vétérinaire, pharmacie, agriculture sont concernées et travaillent activement pour caractériser les émissions de polluants et en comprendre leurs effets.

La diversité des facteurs environnementaux

« Depuis 4 milliards d’années, l’environnement nous a fait devenir ce que nous sommes sous l’influence du climat, des virus, des bactéries incorporés dans notre génome, de la flore et de la faune » remarquait Rémy Slama. De la révolution industrielle à la révolution pétrochimique, l’influence des hommes sur l’environnement est devenue majeure, nous sommes entrés dans l’ère anthropocène. Cette influence, liée à l’émission de déchets dans notre environnement, se manifeste par le changement climatique, la diminution de la couche d’ozone, le phénomène des pluies acides... Les facteurs environnementaux impliqués peuvent être de nature physique, chimique ou biologique. Leur effet est étudié en décortiquant la chaîne allant de l’émission des polluants à leur dispersion dans l’environnement (eau, alimentation, air, sol). L’apparition d’éventuels effets biologiques puis cliniques peut être traduisible en termes d’impact sanitaire à l’échelle de la population. « On commence à savoir faire de la bio-surveillance »  avec notamment en France, les Etudes de l’alimentation totale (EAT) infantiles menées par l’ANSES, et le projet européen HELIX sur l’exposome(1) des premières années de vie. Une fois dans l’organisme, la molécule peut avoir des effets biologiques, épigénétiques, des effets sur les protéines, sur les cellules, sur notre système hormonal. « Cette marche vers la pathologie est le résultat d’un long cheminement en plusieurs étapes » explique R. Slama, « chacune pouvant être influencée par des facteurs environnementaux ». Par une meilleure connaissance de l’exposome humain, on peut estimer l’impact global de l’environnement et intervenir auprès des personnes déjà malades ou, en amont, sur les comportements ou sur l’environnement.

(1) Exposome : intégration sur la vie entière de l’ensemble des expositions qui peuvent influencer la santé humaine (définition projet de loi Touraine)

L'origine développementale de la santé et des maladies (DOHaD)

L’environnement durant la période fœtale peut entraîner des modifications prédisposant à certaines maladies chroniques à l’âge adulte, c’est le concept de l’origine développementale. David Barker(2) a été le premier a montré la relation entre le faible poids de naissance et la mortalité d’origine cardiovasculaire à partir d’un registre d’un comté anglais. Des interventions nutritionnelles enrichies en protéines et calories ont révélé qu’à des périodes critiques après la naissance, elles pouvaient modifier le devenir développemental des enfants. Ainsi, Singhal et Coll. ont observé qu’un gain pondéral plus rapide en période postnatale précoce était associé à une tension artérielle plus élevée à l’âge de 6-8 ans. La période fœtale est une période de grande adaptabilité mais aussi de grande vulnérabilité. Cette adaptation du fœtus à son environnement peut avoir des conséquences à long terme comme il l’a été mis en évidence à la fin des années 90, lors de la survenue d'un diabète gestationnel.

Une exposition environnementale physique et chimique aux premiers jours de la vie peut être reliée au développement ultérieur de maladies chroniques, tels le diabète de type 2, l’obésité, l’asthme, les maladies auto-immunes…

Par ailleurs, une exposition environnementale physique et chimique aux premiers jours de la vie peut être reliée au développement ultérieur de maladies chroniques, tels le diabète de type 2, l’obésité, l’asthme, les maladies auto-immunes… Ces expositions environnementales peuvent en effet avoir des conséquences au niveau de la structure et la fonction des organes et des tissus, par effet direct ou via des modifications épigénétiques, et sur le microbiote.

(2). Barker DJ, Winter PD, Osmond C, Margetts B, Simmonds SJ. Weight in infancy and death from ischaemic heart disease. Lancet 1989 ; 2 :577-80).

Les vétérinaires en vigilance

« Nous avons un réseau de maillage de vétérinaires sanitaires sur tout le territoire » nous apprend le Pr Brugère-Picoux. « Nous disposons d’un panel très important d’animaux sentinelle dans nos interventions vétérinaires ». Il existe des animaux sentinelles du risque chimique (les abeilles, les poissons, les oiseaux, les animaux de compagnie et les animaux de production). Pour exemple, les truites, sentinelles de la pureté d’eau, sont utilisées à Marseille pour l’eau de consommation humaine. Les animaux sentinelles du risque physique nucléaire sont les mammifères herbivores chez qui le risque est le plus important, comme le renne de Laponie après l’accident de Tchernobyl. Il existe aussi des animaux sentinelles du risque nutritionnel pour l’homme. Dans la maladie de Creutzfeldt-Jakob et la maladie de Kuru, ce sont les vétérinaires qui ont montré la transmissibilité du prion de l’animal à l’animal puis à l’homme grâce aux travaux d’inoculation réalisés chez la souris et la brebis. Parmi les virus, « le seul virus qui m’inquiète » précise le Pr Brugère-Picoux « est celui de l’hépatite E qui est hébergé par les porcs et les lapins. En effet nous n’avons pas d’évaluation suffisante pour nous rendre compte de ses aspects zoonotiques* ». Chez les bactéries, trois agents sont identifiés comme agents zoonotiques par le rapport de la European Food Safety Authority, y compris les colibacilles à l’origine de cas de syndrome hémolytique urémique que l’on trouve dans l’environnement et « dont on ne parle pas assez ». « Je tiens à souligner I’importance du vétérinaire à tous les niveaux », concluait le Pr Brugère, « les vétérinaires sont essentiels pour la santé publique en particulier dans les zoonoses(3)».

(3)Les zoonoses sont des maladies ou infections qui se transmettent des animaux vertébrés à l'homme, et inversement

Pollutions de l’eau de boisson et contaminations par ingestion

En France métropolitaine, nous avons, grâce à 33 000 captages, à nos nombreuses stations de purification et nos réseaux (canalisations et réservoirs), une excellente qualité d’eau du robinet qui, pour 70%, provient des eaux souterraines. Il existe deux types d’eaux de boisson (eaux destinées à la consommation humaine - EDCH) : les eaux distribuées en réseau public et les eaux conditionnées en bouteille et en bombonne. Les normes sanitaires de ces eaux sont déterminées à partir des recommandations de l’OMS. Le contrôle est assuré par le ministère chargé de la Santé via les agences régionales de santé. Cependant, l’élimination des traces de nitrates et de pesticides a un coût. C’est pourquoi, les petites communes à faibles moyens peuvent être en non-conformité et de nombreux concitoyens d’outre-mer ne disposent pas d’eau potable. Enfin, « II y a une pression sur la qualité et la quantité de l’eau » explique le Pr Yves Lévi.

La réutilisation des eaux usées se développe partout dans le monde mais n’est en rien positive pour l’avenir de la santé


Le changement climatique contribue à diminuer la masse d’eau douce favorisant ainsi la concentration des polluants. Par ailleurs, avec l’augmentation de la démographie dans le monde, les besoins en eau vont croissants et engendrent de fait des masses d’eaux polluées qui repartent, la plupart du temps non traitées, dans l’environnement. La pénurie de ressources en eau douce conduit à utiliser ou réutiliser les eaux d’égouts soit pour fabriquer de l’eau potable, soit pour irriguer des aliments qui, une fois sur le marché, contaminent la population. « La réutilisation des eaux usées se développe partout dans le monde mais n’est en rien positive pour l’avenir de la santé ». Pour protéger nos ressources, il faut estimer quantitativement les risques et garantir la fiabilité des filières de traitements.

Quels sont les risques d’une eau non potable ?
Les risques microbiologiques. Les résultats des contrôles assurés par l’ARS montrent que 98% de la population en France métropolitaine est alimentée en permanence avec une eau conforme aux normes microbiologiques. Mais nos contrôles sanitaires sont uniquement basés sur les bactéries ; il manque des indicateurs de contamination par les virus ou par les protistes. Dans tous nos réseaux, les bactéries poussent et fabriquent des biofilms à l’intérieur des canalisations, parfois certaines de ces écologies bactériennes conduisent à une prolifération de bactéries qui contaminent les douches et peuvent provoquer la légionellose.
Le danger chimique représenté par la présence de contaminants émergeants dans l’environnement (résidus de médicaments et produits aux effets perturbateurs endocriniens) est le reflet de toute la chimie moderne développée depuis les années 50. « N’accusons pas l’eau de tous les maux », l’ANSES évalue que l’exposition aux pesticides est pour 10% liée à l’eau et pour 90% aux aliments. Les résidus des médicaments dans l’eau


La problématique de la présence de médicaments dans l’environnement est liée à leurs effets biologiques. Les résidus de ces médicaments, contaminants émergents au même titre que les pesticides, vont rejoindre le système de collecte des eaux usées et être traitées au niveau des stations d’épuration. Du fait de l’amélioration croissante des performances analytiques, « il est établi qu’une fraction de ces résidus se retrouve dans les milieux aquatiques des eaux de surface et des eaux souterraines » précisait le Dr Émilie Bailly. Ces mêmes eaux serviront de ressources pour produire de l’eau potable. Devant l’absence d’obligation de surveillance de normes de qualité dans les écosystèmes aquatiques ou de valeur guide pour l’eau potable, des politiques gouvernementales ont été adoptées (action 11- Engagement 103 du Grenelle de l’Environnement en 2007- PNSE2 (2009 - 2013) - Plan National sur les Résidus de Médicaments dans l’eau en 2011- le plan d'action national pour lutter contre la pollution des milieux aquatiques 2010-2013). Dans ce cadre, plusieurs campagnes nationales d’occurrence des résidus de médicaments dans les EDCH ont été menées pour détecter et quantifier la présence de résidus de médicaments et évaluer les risques sanitaires liés à leur présence. Ces études ont mis en évidence certaines limites, notamment le manque de données relatives aux métabolites et aux produits de transformation, ainsi qu’aux effets éventuels des mélanges de substances. Des solutions existent pour prévenir les risques engendrés par la consommation sur le long terme de ces résidus de médicaments en mélange et à de très faibles concentrations. Elles passent entre autres par la formation et l’information (www.medicamentsdansleau.org).

Effets de l’exposition précoce aux polluants atmosphériques

Des études réalisées chez la femme enceinte et vérifiées chez l’animal ont révélé un effet de la pollution sur le fœtus, à court et à long terme. Des femmes enceintes étaient équipées de dosimètres personnels pour estimer le niveau de benzène. Le benzène se retrouve dans l’air intérieur et est le marqueur de certaines pollutions dont le trafic routier. Les résultats ont mis en évidence une relation entre l’exposition au benzène et une diminution du diamètre bipariétal du fœtus (corrélé au périmètre crânien) dès le milieu de la grossesse – suggérant des effets très précoces – et un poids de naissance plus faible.

Des études ont mis en évidence une relation entre l’exposition au benzène et une diminution du diamètre bipariétal du fœtus (corrélé au périmètre crânien) dès le milieu de la grossesse

« Il se peut donc qu’il y ait des altérations de la trajectoire de la croissance du fœtus en lien avec la pollution » notait R. Slama. Il était intéressant d’avoir une preuve expérimentale de cet effet des particules atmosphériques, c’est pourquoi des chercheurs de l’INRA ont mis en place une étude avec des lapines soumises à des particules fines et des lapines témoins pour comparer la croissance fœtale. La présence de tâches observées au microscope électronique a démontré le passage transplacentaire de ces nanoparticules de benzène. En outre, on observait sur la deuxième génération, une altération du niveau de cholestérol en lien avec l’exposition, évoquant l’effet des particules fines sur le métabolisme. L’impact des particules fines sur le poids de naissance a été observé chez les femmes enceintes en observant l’effet du remplacement de foyers ouverts, source très importante de particules fines, par des foyers fermés. "L’exposition aux particules fines pendant la vie précoce a également montré des effets à plus long terme tels que des troubles du spectre autistique et de la fonction respiratoire, même si le niveau de preuve reste moins fort." a complété l'épidémiologiste et directrice de recherche Inserm la Pr Isabella Annesi-Maesano.


Changements climatiques, peut-on encore éviter le pire ?

Depuis le début de l’ère industrielle, nous avons émis 2 200 milliards de tonnes de  gaz carbonique dont 40 % sont stockés dans l’atmosphère, 30 % dans les océans avec comme conséquence leur acidification, et 30 % puisés par les écosystèmes terrestres. L’effet de serre lié à l’augmentation de la concentration de CO2 dans l’atmosphère terrestre (connu depuis la fin du 19e siècle) est la principale cause du changement climatique en cours– canicules et précipitations intenses. Des modèles de climat permettent de produire des projections liées à l’augmentation de la température moyenne de la Terre (source http://www.realclimate.org/). Sur cette base, les signataires des Accords de Paris (2015) ont fixé pour objectifs que le réchauffement global soit « bien en dessous de 2°C », de produire des efforts pour le limiter à +1.5°C, d’atteindre au plus tôt un pic mondial d’émission des gaz à effet de serre (GES)(4) et d’avoir zéro émissions nettes dans la deuxième partie du siècle, c’est-à-dire retirer autant de gaz carbonique de l’atmosphère que l’on en émet. Le réchauffement global a déjà atteint + 1°C depuis 1850. Selon le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC),  les engagements pris par les signataires de l’Accord de Paris en termes de réduction des GES sont très loin du compte et nous mèneraient vers +3°C en 2100. « C’est la première fois que l’humanité connaît les conséquences de son action … ou de son inaction » remarque Éric Brun, secrétaire général de l'Observatoire national des effets du réchauffement climatique (Onerc). Les solutions pour éviter le pire sont multiples et reposent sur tout un jeu d’actions à la fois technologiques et comportementales. «Des pans entiers de la société recherchent des solutions pour éviter le pire. Tous les efforts que nous ne faisons pas, ce sont nos petits-enfants et nos enfants qui devront les faire ».

Les actions en faveur de la qualité de l’air

« L’urgence d’agir en faveur de la qualité de l’air n’est plus à démontrer » rappelle Nadia Herbelot, chef du service "Qualité de l'air" à l'Ademe. La première action consiste à diminuer l’exposition aux polluants atmosphériques. À cet effet, il est possible de repenser la conception de nos villes et de nos espaces. Il faut se poser les bonnes questions pour réduire le trafic. Ai-je besoin de me déplacer ? Comment puis-je me déplacer ? Et si je n’ai pas le choix, quelle voiture utiliser, quel carburant ? L’autosolisme est largement pratiqué bien que de nombreuses solutions soient disponibles, co-voiturage, transports en commun, vélo, marche... Dans le domaine de l’agriculture, des solutions existent. Pour preuve, les couvertures de fosses pour le stockage des effluents d’élevage diminuent de 50% l’émission d’ammoniac…

"Les couvertures de fosses pour le stockage des effluents d’élevage diminuent de 50 % l’émission d’ammoniac."

Dans le domaine résidentiel, le chauffage au bois est une source majeure de pollution en particules fines de même que le brûlage de déchets verts pourtant interdit depuis 2011. Enfin l’intérieur a son lot de polluants or nous y passons 80% de notre temps. Comment agir ? En limitant l’usage des bougies, d’encens et de déodorants intérieurs (source d’émissions de benzène), en utilisant des produits d’entretien et des matériels de décoration et de construction (privilégier l’étiquetage A+) moins émissifs, en renouvelant l’air, matin et soir.  Pour accompagner collectivités et grand public dans cette démarche de réduction des émissions, l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) met à leur disposition des guides très pratiques (https://www.ademe.fr/guides-fiches-pratiques).

Pollution lumineuse, pollution visuelle

La vision ne se réduit pas à l’acuité visuelle, elle concerne également le champ visuel, la vision des couleurs, la sensibilité aux contrastes, la vision binoculaire et l’oculomotricité. L’homme est un être à activité diurne et à régénération nocturne. La nuit, l’obscurité doit être totale afin que l’épiphyse puisse fabriquer la mélatonine tandis que la rétine régénérera ces photorécepteurs. « Il est donc particulièrement important de respecter le rythme circadien » précise le Pr Jean-Louis Dufier. La phototoxicité correspond à des lésions de nature photochimique par libération de radicaux libres toxiques pour la rétine. Aujourd’hui, le tissu rétinien est exposé à de nouvelles sources de lumière artificielle, les diodes électroluminescentes. Mille fois plus puissantes que les lampes à incandescence, elles émettent dans des longueurs d’onde très proches des UV dont la toxicité pour la rétine est connue.

Les diodes électroluminescentes. Mille fois plus puissantes que les lampes à incandescence, émettent dans des longueurs d’onde très proches des UV dont la toxicité pour la rétine est connue.


« Les organes des sens peuvent être l’objet de pollution lumineuse ou pollution visuelle »
car nous sommes dans un état de débauche de lumière (télévision, ordinateurs, smartphones, enseignes lumineuses, phares automobiles, éclairage urbain…). Les enfants s’approprient très vite toutes les nouvelles technologies dont l’utilisation trop précoce, moins de 2 ans, ou trop intense, plus de 2 heures par jour, expose au développement de la myopie. Toutes ces technologies peuvent par ailleurs induire un manque de sommeil, des troubles de l’attention, de la concentration et l’obésité.

Se faire une photoprotection, c’est avoir une bonne hygiène visuelle
une lecture à 33 cm, un éclairage venant de la main gauche pour un droitier, une télévision que l’on regarde à 5 fois la diagonale de l’écran, un ordinateur que l’on utilise avec un contraste non éblouissant, une correction visuelle exacte. Une photoprotection est indispensable après l’intervention de la cataracte, les cristallins artificiels filtrant très imparfaitement les rayons UV.


Les bruits tapent sur le système !

« C’est avec le cerveau que vous écoutez, c’est avec la cochlée que vous entendez » résume le Pr André Chays. Lorsqu’il est question de l’ensemble du système de transmission sonore, l’ORL est concerné et peut intervenir. C’est le cas, entre autres, du barotraumatisme avec perforation tympanique. Mais ce qui perturbe le complexe auditif au niveau de la cognition relève du médecin généraliste, du neurologue, du psychiatre, du psychologue... Il y a deux façons de capter un bruit, vous l’entendez et il n’est pas désagréable ou vous l’écoutez et cela peut être insupportable (cas du syndrome éolien).

Il y a deux façons de capter un bruit : vous l’entendez et il n’est pas désagréable ou vous l’écoutez et cela peut être insupportable (cas du syndrome éolien) !

La dangerosité du bruit est partout. Une durée d’écoute trop intense et sur un temps trop long peut donner lieu à la destruction des cellules ciliées de l’oreille interne ; il y a alors rupture de transmission. Cette destruction est quasi irréversible s’il n’y a pas de récupération spontanée ou par les traitements. L’oreille est menacée à tous les âges. La législation au travail a défini des seuils (80db) au-delà desquels il faut prendre des mesures pour protéger l’oreille. Des lésions peuvent apparaître en restant dans un environnement à partir de 107 db pendant plus d’une minute par jour. En gardant ses écouteurs pour éviter de parler à ses parents, l’enfant fait des dégâts au niveau de sa cognition. Enfin, le Pr Chays conclue : « Rien de mieux pour protéger son oreille que d’écouter ce qui a disparu. Soyez toujours inquiet lorsque vous avez une altération unilatérale de l’audition et consultez votre médecin généraliste ou votre ORL... Les progrès en matière de réparation cochléaire sont extraordinaires mais le meilleur progrès c’est d’écouter votre bon sens et de ne pas mettre votre audition en danger. N’ayez pas peur d’entendre, utilisez votre oreille à bon escient ».

 CM


Haro sur les perturbateurs endocriniens 

Quelles mesures prendre depuis le plus jeune âge pour réduire impact des perturbateurs endocriniens sur la santé ?

« L’incidence des maladies chroniques non communicables, à l’opposé des maladies infectieuses, augmente avec le temps, a expliqué Laurent Storme, professeur de pédiatrie au CHU de Lille et coordinateur du projet Fédératif hospitalo-universitaire (FHU) « 1 000 jours pour la santé ». Quel que soit les niveaux de revenus des pays, ce problème va s’accentuer avec le temps : cancer, maladies allergiques, neurodégénératives, cardiovasculaires… » L’origine de ces maladies est en partie génétique, les gènes définissant une sorte de parcours de santé du jour de la conception d’une personne jusqu’à sa mort. « Notre environnement altère notre santé et plus nous sommes exposés précocement dans la vie à un environnement délétère, plus l’impact sur la santé à l’âge adulte sera important », a précisé le Pr Storme. Il existe néanmoins une fenêtre de vulnérabilité ou d’opportunité de 1000 jours, c’est-à-dire de la conception jusqu’aux deux ans de l’enfant, au cours de laquelle tout doit être mis en œuvre pour réduire l’exposition aux facteurs délétères de l’environnement. « Il s’agit d’une sorte de rampe de lancement dans la vie, a-t-il souligné. Si nous sommes lancés dans un angle favorable et dans un environnement favorable, alors notre santé à l’âge adulte sera de meilleure qualité. »

Notre environnement altère notre santé et plus nous sommes exposés précocement dans la vie à un environnement délétère, plus l’impact sur la santé à l’âge adulte sera important

Les effets bénéfiques à chercher

Les méfaits des perturbateurs endocriniens sont très importants sur la santé : retard de croissance, survenue de pathologies cardiovasculaires. Le Pr Storme a révélé que des liens ont été trouvés entre les perturbateurs endocriniens et les troubles du spectre autistique ainsi que les troubles de l’attention, l’impact le plus important étant neuro-développemental. Il souhaite donc qu’un message soit passé aux patientes enceintes et aux mères de jeunes enfants mais regrette que les professionnels de santé soient peu informés sur le sujet. « Nous avons besoin de transmettre des informations scientifiquement fondées, a-t-il soutenu. Or, les professionnels de santé s’informent auprès des mêmes canaux que le grand public, c’est discordant. »

Le but du projet FHU « 1000 jours pour la santé » est de faire le lien entre les données scientifiques et les patientes exposées. Des conseils sont ainsi donnés aux mères : faire attention à leurs cosmétiques qui les exposent aux perturbateurs endocriniens, ne pas oublier de préparer la chambre du bébé quelques mois avant la naissance afin de laisser dégazer les meubles et penser à aérer la chambre tous les jours deux fois par jour. Les mères sont encouragées à privilégier l’allaitement maternel qui a un impact clairement favorable sur la santé en offrant des bénéfices neurocognitifs pour le développement psychomoteur des enfants. « On le constate à l’âge de 20 ans et même de 67 ans, » a précisé le Pr Storme. De même que l’activité physique est importante tout comme éviter le stress, toxique pour le développement de l’enfant.

Nous sommes tous très exposés aux phtalates, et nous en trouvons beaucoup à l’hôpital, notamment dans les dispositifs médicaux en PVC


Dans le cadre du FHU « 1000 jours pour la santé », un projet d’envergure a été mené au CHU de Lille. « Nous sommes tous très exposés aux phtalates, et nous en trouvons beaucoup à l’hôpital, notamment dans les dispositifs médicaux en PVC, a fait savoir le Pr Storme. C’est le cas aussi dans la prise en charge des bébés prématurés qui sont reliés à de nombreux dispositifs médicaux. Or, en sélectionnant les dispositifs médicaux concernés et en les remplaçant par d’autres, il a été possible de réduire les expositions des nourrissons. » Pour mener cette démarche pour un hôpital sans perturbateurs endocriniens, une mobilisation des acheteurs, des pharmaciens, des cadres de santé et de la néonatalogie a été nécessaire.

Prêter attention à notre environnement quotidien

François Veillerette, directeur de l’association Générations Futures qui, cherche, comme son nom l’indique, à protéger les générations futures des pesticides, approuve les conseils donnés aux futures mamans et mères de jeunes enfants. L’association a mené de nombreux combats dans le domaine de la lutte contre les perturbateurs endocriniens. A titre d’exemple, sa campagne Menus Toxiques en 2010, a donné un aperçu de l’exposition alimentaire à divers polluants. L’étude a montré que 36 pesticides différents sont ingérés dans la journée par un enfant d’une dizaine d’années tout comme 128 résidus chimiques, ce qui représentent 81 substances chimiques différentes. « L’exposition alimentaire aux perturbateurs endocriniens est réelle », a fait savoir François Veillerette. De même que nous sommes quotidiennement exposés aux perturbateurs endocriniens dans les moquettes, les matelas, les tissus d’ameublement.

L’association a également mené une enquête afin de savoir si les populations vivant dans des zones agricoles (vignes, vergers et champs) étaient exposées en permanence et jusque dans leur habitation aux pesticides. Entre 8 et 30 pesticides par habitation ont été détectés dans la poussière des habitations testées, sur les 61 pesticides recherchés. Des pesticides ont également été retrouvés dans les cheveux des enfants.

Législation européenne
En novembre 2018 la Commission européenne a publié la stratégie de l’Union européenne (UE) sur les substances chimiques perturbatrices endocriniennes. Pour Générations futures, ce texte manque de mesures précises et d’un calendrier sur la manière de mieux protéger les citoyens et l’environnement des polluants chimiques dangereux. L’association salue le fait que la Communication se donne pour objectif de réduire les expositions. Les autres aspects positifs reposent sur les engagements pour davantage de collaboration internationale, de recherche et d’information des citoyens sur les perturbateurs endocriniens, notamment en encourageant les Etats membres à mener des campagnes de sensibilisation. Cependant, d’après l’association cette Communication n’évoque aucune initiative pour parvenir à réduire réellement les expositions et ne propose rien qui permet d’homogénéiser le contrôle des perturbateurs endocriniens dans l’ensemble des législations européennes, afin de réduire l’exposition de la population et de l’environnement à ces substances. Un réel regret pour Générations Futures.

 

 LM

par Cécile Menu et Laure Martin