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#4  Combien de cas de covid-19 non détectés ?

Dans ce 4e épisode de "Comme à la fac" la question cruciale du nombre de gens atteints, voire immunisés est posée, car de nombreux calculs dépendent de ces chiffres : le taux de cas graves, le taux de létalité, la distance qui nous sépare de l’immunité de groupe et le temps que durera cette crise en l’absence de traitement efficace. COMME À LA FAC - Comprendre la crise coronavirus est animée par Maël Lemoine, professeur à l'Université de Bordeaux et chercheur dans une unité CNRS d’immunologie, ImmunoConcept. Son but est de prendre du recul sur les événements Covid-19 en vous livrant un éclairage court et posé de niveau universitaire.

Ci-dessous UNE VIDEO de 3 minutes immédiatement  suivie D'UN ARTICLE

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Voir l'épisode #1 sur 
le scénario d'atténuation
Voir l'épisode #2 sur le scénario d'endiguement
Voir l'épisode #3 sur les traitements à l'étude

#4 Combien de cas de covid-19 non détectés passés inapercus ?

Le nombre de cas d’infection au SARS CoV-2 est annoncé tous les soirs peu avant le journal de 20h sur le site santepubliquefrance.fr. Les cas sont comptabilisés d’après des critères peu fiables et peu standardisés d’un pays à l’autre, les tests biologiques disponibles étant réservés pour l’essentiel aux cas graves et aux soignants. 

Par Maël Lemoine.

MaelLemoine

Combien de gens sont-ils déjà atteints, voire immunisés ? Tous nos calculs dépendent de ces chiffres : le taux de cas graves, le taux de létalité, la distance qui nous sépare de l’immunité de groupe et le temps que durera cette crise en l’absence de traitement efficace (j’ai parlé justement de ces traitements dans la vidéo précédente).

Quelques études ont proposé une évaluation indirecte du nombre de cas inaperçus. Un nombre élevé de personnes infectées non détectées tient de la bonne et de la mauvaise nouvelle en même temps ; un nombre élevé de personnes immunisées serait une excellente nouvelle. La bonne nouvelle, ce serait qu’il y aurait bien plus de cas bénins et qu’on serait plus proche qu’on ne le croit de l’immunité de groupe et de la fin des mesures de restrictions diverses qui sont nécessaires pour le moment (sur les scénarios de sortie de crise, je vous renvoie à mes deux premières vidéos).

Pluralité des études

Il y a plusieurs manières d’évaluer ce nombre de cas asymptomatiques. Une étude réalisée sur les passagers du « Diamond Princess » concluait qu’il y avait environ autant de passagers atteints, mais asymptomatiques, que de passagers atteints et symptomatiques. Une autre réalisée sur les proches de patients atteints à Shenzen concluait qu’il y avait environ 20% à 30% de patients asymptomatiques. Une troisième basée sur le nombre de personnes décédées du covid-19 établit une fourchette d’estimation très large, allant jusqu’à suggérer que la majorité de la population pourrait avoir été déjà contaminée sans s’en apercevoir.
L’étude la plus sérieuse à ce jour a été publiée dans Science le 16 mars dernier. Comment est-elle conçue ?

Elle est fondée sur une simulation de l’épidémie dans 375 villes chinoises entre le 10 janvier et le 23 janvier, date à laquelle les restrictions de déplacement et de contact ont été décrétées. Les hypothèses de départ sont : un taux de transmission pour les sujets symptomatiques et un taux de transmission, inférieur, pour les sujets asymptomatiques ; une estimation de l’ensemble des déplacements de la quasi-totalité des habitants de ces villes, soit un total d’environ 3 milliards de trajets, fondée sur les données de géolocalisation récoltées sur les téléphones mobiles de tous les habitants de ces villes en 2018 ; une période de latence moyenne et une durée d’infection moyenne.

Contagion « Sous-terraine »

Le résultat est que 86% des cas seraient passés inaperçus. Ce chiffre élevé serait corroboré par la dynamique de la courbe en Chine après la mise en vigueur des mesures de restriction : ce qui apparaît en effet comme une efficacité modérée de mesures pourtant drastiques et sévèrement contrôlées, serait en réalité l’effet d’une contagion « sous-terraine » par les sujets asymptomatiques.

Si nous extrapolions simplement ces résultats à la population française, il faudrait multiplier le nombre de personnes atteintes par 7. Ce serait plutôt une mauvaise nouvelle, car il n’y aurait au mieux que quelques centaines de milliers de personnes déjà atteintes et moins encore immunisées.
Evidemment, il ne faut pas extrapoler de manière aussi simpliste. Une extrapolation donne l’estimation d’un ordre de grandeur, et permet de choisir, par exemple, entre deux grandes politiques – mais elle ne permet de faire des choix fins. En outre, la seule manière d’affiner les chiffres, c’est de pratiquer des tests à grande échelle et d’extrapoler. On n’en est pas là – notamment, il se pose des difficultés de choix du type de test. Ce sera l’objet de la prochaine vidéo.

par Maël Lemoine