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StopBlues – Outil de prévention du mal-être lié au confinement de l'Inserm

Depuis deux ans, une équipe Inserm travaille sur la prévention de la souffrance psychique. Ils ont développé StopBlues, un outil web qui permet d’aider les personnes à dépister leur souffrance psychique. Professeure de santé publique et responsable du projet, Karine Chevreul présente cet outil et ses adaptations à la période du confinement.

propos recuyeillis par Laurent Joyeux.

LaurentJoyeux

Dépression, anxiété, addiction, trouble alimentaire, trouble schizophrénique, trouble bipolaire : en France, une personne sur cinq risque de développer un trouble psychique au cours de sa vie. Pourtant, beaucoup ne parlent pas de leur souffrance. Quand les enfants craignent d’aller à l’école, ils se plaignent souvent d’un mal au ventre, les adultes consulteront pour un mal au dos. Un signal d’alerte important quand on sait que beaucoup de personnes vont consulter leur médecin généraliste une semaine avant de se suicider. Pour étudier ce phénomène et prévenir les passages à l’acte, l’Inserm a conçu StopBlues .

Karine Chevreul en quoi consiste StopBlues ?

Ce projet est né du constat que la prévention est difficile dans le domaine psychologique. L’équipe Inserm « Épidémiologie clinique et évaluation économique appliquées aux populations vulnérables » que je dirige est composée de chercheurs de plusieurs disciplines dont des psychiatres et des spécialistes de santé publique. Elle a créé StopBlues il y a deux ans pour prévenir la souffrance et la dégradation vers la dépression et le suicide. Elle en assure la coordination afin d’aider les gens à identifier un coup de déprime ou une situation plus grave. Il s’agit d’un outil web, site et application, financé par Santé publique France. Internet permet de respecter l’intimité et l’anonymat : on peut se renseigner seul, sans honte et sans craindre d’être jugé faible ce qui libère la parole.

Nous avons voulu un outil qui permette aux utilisateurs de se tester et de savoir « où ils en sont ». Au début nous avons eu quelques détracteurs parmi les psychiatres, un « effet d’école », mais globalement nous avons beaucoup de soutien du Psycom qui suit la recherche sur les programmes de santé mentale.

Quelle a été la méthode de travail ?

Nous avons effectué une très large revue de la littérature et travaillé avec des psychiatres et des psychologues pour réaliser des vidéos et des questionnaires. Toute cette matière permet de donner des conseils en fonction des individus. Un plan de soutien aide les utilisateurs à rester maîtres de ce qu’ils vivent et à identifier la gravité de leur coup de blues.

Nous pouvons aussi bien aider  les gens à faire la liste des choses du quotidien qui leur font du bien : «Voir ma sœur, promener mon chien… », que les guider pour enclencher le bouton d’urgence qui les met en contact avec le Samu. Les utilisateurs peuvent refaire les tests pour un suivi de leurs émotions.

StopBlues s’intègre dans une étude plus générale Des essais contrôlés randomisés étudient son impact dans les villes qui en font la promotion ou pas et celles où les médecins généralistes sont partenaires. Les utilisateurs sont invités à participer à la recherche intitulée « Programme INTErventionnel et Evaluatif Mené pour la Prévention du Suicide (PRINTEMPS) ».

Quelle est la spécificité de la rubrique Covid 19 de StopBlues ?

Pendant la période de l’épidémie, nous avons mis en ligne une rubrique dédiée à la lutte contre les répercussions psychologiques du confinement. Je tiens à remercier notre développeur qui a réalisé tous les ajustements bénévolement pour participer à la lutte contre le Covid 19.

Nous donnons des détails sur les effets de la pandémie et du confinement ainsi que des conseils pour mieux vivre cette période inédite. Quels problèmes peut-on rencontrer en subissant une longue période d’isolement ou de promiscuité ? Comment gérer les tensions en famille quand l’un travaille et pas l’autre ? Qui fait faire leur travail aux enfants ? Des interventions vidéos donnent la parole aux psychiatres. Par exemple, Marie-Rose Moreau, professeure de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, rappelle aux parents de bien prendre en compte qu’ils ne sont pas enseignants et le Dr Jean-Dominique Nicolas donne des conseils pour gérer les tensions familiales. On trouve également sur le site tous les numéros d’aide psychologique et des liens vers des activités pour rester bien dans son corps telles que le yoga, l’hypnose ou la méditation ainsi que des conseils pour passer le temps. La rubrique "Aide et signalement" donne la conduite à tenir en cas de maltraitance.

Et demain ?

Aujourd’hui, nous avons des financements pour développer l’application en direction des adolescents et des jeunes adultes. Nous travaillons également un projet adapté aux agriculteurs et envisageons de développer un outils prenant en compte les spécificités de la relation entre souffrance psychologique et travail.

De nouvelles orientations auxquelles il faut ajouter l’aide au stress que ne manquera pas de générer la sortie du confinement. Retrouvez toutes les informations sur www.stopblues.fr.

par Laurent Joyeux