(c) S. Lemoine

Soins sans consentement, au fil du temps, éthique et pratiques

Folie, soins et liberté. En passant par l'Histoire, la philosophie, le cinéma et l'étude des conditions pratiques et juridiques actuelles d'hospitalisation à la demande de tiers... regard approffondi sur les soins sans consentement.


Par Maël Lemoine, Laure Martin et Pascal Pistacio.

MaelLemoineLaureMartinPascalPistacio

 

SOMMAIRE

DANS L'HISTOIRE

Perspectives sur le soin sans consentement

  • La lettre de cachet : un symbole de l’internement arbitraire
  • Nature et conditions du consentement : fondamentaux de l’analyse philosophique
  • Débats et controverses
  • Conclusion

EN PRATIQUE

Soins sans consentement : le rôle clef des médecins

  • Quatre situations de soins sans consentement
  • Les conditions aux soins sans consentement

AU CINÉMA

Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête

  • Parler avec son perroquet est-il un symptôme ?
  • À huis clos
  • La gloire sinon rien
  • Folie douce ou folie furieuse ?
  • Où sont les limites ?
  • La belle ouvrage

DANS L'HISTOIRE

Perspectives sur le soin sans consentement

La littérature et le cinéma sont un peu plus pleins que la vie ordinaire de ces individus apparemment exceptionnels que l’on prend pour des fous. Sans doute expriment-ils la peur que nous avons tous de s’être engagés, sans s’en rendre compte, sur la voie de la folie qui nous isole du sens commun ; mais aussi, la peur que ce soit le reste du monde qui dérape, et se mette à condamner l’innocent pour son originalité ou sa marginalité. Suivent quelques éléments de réflexion sur l’histoire et la philosophie du soin sans consentement.

Par Maël Lemoine, Philosophe des sciences médicales, enseignant à l'université de Bordeaux.

La lettre de cachet : un symbole de l’internement arbitraire

Dans l’Ancien Régime, la lettre de cachet est un pli revêtu du sceau royal, portant un ordre direct à un officier royal. Généralement à la demande de la famille, parfois d’un voisin, sa rédaction justifie souvent l’exécution d’une sentence d’internement. Les motifs peuvent être divers : mœurs, tapage nocturne, mais aussi « folie ».

La lettre de cachet court-circuite le procès et, à cet égard, constitue un internement arbitraire sans appel possible. En comparaison des arrestations pratiquées par la police du Roi sur simple constat, elle est une pratique de régulation de la demande d’internement – une demande n’étant pas nécessairement acceptée par l’autorité royale.

Cette lettre de cachet contre laquelle s’insurgea l’éloquence d’un Mirabeau, qui en subit les rigueurs à la demande de sa famille pour dettes de jeu, ne constitue qu’un symbole du pouvoir discrétionnaire d’interner sous l’Ancien Régime. « L’hôpital général » est un lieu où l’on interne, sans discernement ni justification cohérente, les pauvres, les chômeurs, les correctionnaires, les profanateurs, les libertins et les insensés. Contre pitance quotidienne, ils sont privés de leur liberté. Selon Michel Foucault dans son Histoire de la folie à l’âge classique, ce serait le fait de les interner ensemble, qui aurait conduit d’abord à construire une figure unitaire, celle de la déraison, expliquant tous ces comportements, et dont la folie serait la manifestation suprême. Cette fiction aurait tenu, toujours selon Foucault, jusqu’à quelques dizaines d’années avant la Révolution, date à laquelle l’hétérogénéité de la population internée, et la peur de la contagion de la folie, auraient choqué la conscience européenne.

Louis XVI a réglementé l’usage de la lettre de cachet, notamment en en rendant l’effet temporaire par défaut. Plus précisément, l’internement pour folie doit répondre à certaines conditions précises. Il ne peut être permanent que si le fou est tenu pour incurable. Depuis toujours dans l’Ancien Régime, lorsqu’il y a procès, le médecin peut être cité à comparaître pour éclairer la justice sur la raison du prévenu.

Au XIXème siècle, la folie est considérée par défaut comme traitable, sinon curable, toujours au sein de lieux clos dans lesquels le fou peut avoir été privé de sa liberté à la demande d’un tiers ou sur décision des autorités. Il doit être traité par la douceur et l’humanité (et non pas seulement avec douceur et humanité), ce qui conduit à un paradoxe : privation de liberté d’un côté, bienveillance de l’autre. Le médecin est chargé d’incarner ce paradoxe : il est l’autorité « paternelle » par mandat de la société, la force et la morale unies sous le visage de la douceur et de la fermeté.

C’est une question de savoir ce qui a vraiment changé depuis l’Ancien Régime. A coup sûr, notre tolérance à l’égard de ce que la loi française appelle aujourd’hui le « soin sans consentement » diminue progressivement à mesure que nous estimons ce consentement indispensable. Nous sommes enclins à faire grandir l’empire du consentement de l’individu concerné. Mais nos pratiques de contrainte n’évoluent guère, sans doute parce que l’on touche à l’os qui charpente nos sociétés. Il y a beaucoup de choses que nous ne pourrions faire, librement, tranquillement, dans une société privée de la possibilité du soin sans consentement. Nous voulons faire ces choses. D’un autre côté, nous craignons tous l’application à soi de telles mesures. D’où l’ambivalence.

Nature et conditions du consentement : fondamentaux de l’analyse philosophique

Consentir est l’expression d’une volonté passive : c’est accepter ce qui est proposé, ce n’est pas la volonté active de se proposer à soi-même. On consent à un soin qui est proposé parce qu’on ne peut se le dispenser à soi-même. On consent donc déjà dans une situation dans laquelle la pleine liberté est diminuée. On consent, plutôt qu’on ne veut, précisément parce qu’on n’est pas « autonome » au sens où une personne handicapée peut n’être pas autonome. A l’opposé de l’autonomie, se tient donc la dépendance. Celle-ci n’exclue pas une liberté fondamentale, celle de consentir.

Il reste en effet dans la notion de consentement l’idée d’une souveraineté : je peux toujours ne pas consentir, accepter ou refuser. C’est bien de cette dernière liberté d’un sujet qui, non seulement n’est pas autonome au sens de la dépendance, mais encore, ne pourrait pas même accepter ou refuser, qu’il s’agit dans la privation de consentement.

Dans un ouvrage influent, les Principes de l’éthique biomédicale, les éthiciens Childress et Beauchamp ont proposé une théorie de l’ « autonomie », c’est-à-dire dans leur analyse, de la liberté de consentir. Pour être autonome, une décision doit remplir trois conditions : l’intentionnalité de l’acte, la compréhension de l’acte et l’absence d’influence sur l’acte. L’intentionnalité d’un acte est le fait qu’il soit vraiment voulu par la personne, tandis que l’absence d’influence est le fait qu’il ne soit pas imposé par l’entourage, la société, une autre volonté en général. On peut en effet vraiment vouloir quelque chose, mais rester néanmoins sous influence.

Ces trois dimensions de la décision autonome comportent en réalité des degrés, selon Childress et Beauchamp. Personne n’agit de manière pleinement autonome, c’est-à-dire, en voulant sans réserve ce qu’il fait, en le comprenant parfaitement, et sans aucune influence extérieure. Il en faut cependant, disent-ils, un degré suffisant pour que l’acte soit réputé « libre ». Ce degré, peut-on imaginer, varie selon l’importance de la décision. Plus elle a de conséquences pour la personne, plus il est important de s’assurer qu’elle le veut, n’est pas influencée, comprend ce qu’elle fait. Il faut enfin distinguer l’autonomie d’un acte et celle d’une personne. Une personne non autonome peut agir de manière pleinement autonome dans une certaine occasion ; une personne réputée autonome peut également temporairement agir dans l’aveuglement, ou sous influence.

Débats et controverses

Dans le cas d’un jugement réputé affecté par un trouble mental, les choses sont délicates. Très rares sont les troubles mentaux qui affectent de manière permanente et continue, dans toutes les dimensions de la vie, le jugement de la personne atteinte. Il s’agit donc toujours, pour protéger réellement la personne, de protéger l’exercice de son libre-arbitre autant que possible.

Dans une thèse de médecine remarquable consacrée au processus d’entrée en EHPAD, soutenue à Tours en 2016, le psychiatre Thomas Léonard récapitule les discussions philosophiques contemporaines sur la question du consentement, en prenant pour exemple la maladie d’Alzheimer et les troubles associés de la démence.

D’un côté, le psychiatre américain Paul Appelbaum a proposé une série de questionnaires qui permettent d’évaluer la capacité d’un patient à consentir à un soin. Ces questionnaires tentent d’évaluer la capacité cognitive, indépendamment de la pertinence de l’acte lui-même. Cette distinction est fondamentale : si le processus cognitif est suffisamment fonctionnel, peu importe que l’acte soit jugé déraisonnable, irresponsable, contre-productif, nuisible, mauvais, etc. Appelbaum distingue ainsi compréhension, appréciation (c’est-à-dire capacité à reconnaître que le choix à faire concerne bien la personne impliquée), raisonnement et expression d’un choix.

Cet outil a été critiqué pour ne pas tenir compte d’autres dimensions importantes du processus de décision normal, notamment, la cohérence avec les valeurs du sujet, ses émotions, son histoire, le contexte, la société, etc.

De l’autre côté, le philosophe du droit Richard Dworkin s’est lui-même intéressé à la question. Il a proposé une distinction entre intérêts immédiats d’une personne, tournant autour de son bien-être immédiat, et intérêts critiques d’une personne, tournant autour de ce qui compte pour elle en fonction de ses valeurs, de son histoire, de son raisonnement. Les intérêts immédiats d’une personne doivent toujours être respectées dans le soin sans consentement. En revanche, lorsqu’une personne perd la capacité à construire des intérêts critiques, c’est-à-dire des choix impliquant des valeurs supérieures à son bien-être immédiat, il ne doit plus en être tenu compte selon Dworkin, qui préconise dans ces cas de s’en tenir aux intérêts critiques tels que la personne a pu les exprimer dans sa vie antérieure.

L’argument de Dworkin a été critiqué par une autre philosophe, Jaworska, qui reconnaît à la personne privée de jugement une certaine capacité à construire un choix cohérent jusque dans sa maladie elle-même.

Conclusion

Paradoxe de la liberté humaine : Adam est libre tant qu’il est seul, sa volonté faisant loi, il ne peut ni se tromper, ni commettre de faute. Mais nous sommes de fait, et ne pouvons être en droit, une société d’Adams. De nombreuses règles de vie en société s’imposent en général, mais peu s’imposent en particulier. A celui qui divague, on oppose donc des normes à la fois consensuelles et arbitraires. Nous ne pouvons pas souvent être assurés de distinguer ce qui, dans la divagation, parle au nom de la maladie et ce qui parle au nom de la personne. Mais nous nous sentons un intérêt, sinon un devoir, à démêler le plus possible l’un de l’autre, de manière à étendre le plus loin possible le champ du consentement, jusque dans la folie.


EN PRATIQUE

Soins sans consentement : le rôle clef des médecins

Plus de 92 000 personnes ont été hospitalisées en psychiatrie au moins une fois sans leur accord en 2015. Les soins sans consentement sont régis par des lois et des règles précises pour les praticiens.

Par Laure Martin

La première loi sur le placement contraint date de 1838. Depuis, elle a été plusieurs fois réformée notamment en 1990, en 2011 et en 2013. « Si auparavant on parlait de placements puis d’hospitalisation sous contrainte, aujourd’hui on parle de soins sans consentement, rapporte le Dr Jean-Pierre Capitain, psychiatre, membre du Syndicat des psychiatres français et de l’association française de psychiatrie. Dans les faits, cela ne change pas grand-chose si ce n’est que le contrôle administratif est devenu plus important. » La France était en effet l’un des rares pays où les soins sans consentement ne donnaient pas lieu à un contrôle judiciaire, ce qui est le cas depuis la loi de 2011.

Les lois de 2011 et de 2013 ont apporté trois modifications : 
– La judiciarisation de la procédure. Le juge des libertés et de la détention doit se prononcer, avant le 12e jour d’hospitalisation, sur la forme de l’organisation des soins sans consentement. « Il doit vérifier que les éléments du certificat médical ayant conduit à des soins sans consentement, permettent de se prononcer sur la poursuite ou non de l’hospitalisation, explique le Dr Capitain. Il peut décider, s’il y a un vice de forme ou si le certificat médical n’est pas assez motivé, que la personne peut sortir de l’hôpital psychiatrique. Il s’agit d’une garantie judiciaire. » L’audience est publique et les patients doivent être représentés par des avocats, souvent commis d’office.  
– Les droits des patients sont renforcés, c'est-à-dire qu’ils doivent être informés sur leur maladie et sur leurs droits.  
– Les certificats médicaux doivent être détaillés et circonstanciés.

Quatre situations de soins sans consentement

En règle générale, faire admettre une personne en soins sans consentement dans le cadre des soins psychiatriques à la demande d’un tiers (SDT), requiert un certificat médical établi par un médecin extérieur à l’établissement de soins, qui doit « donner des éléments expliquant la raison du placement », indique le Dr Capitain. L’admission requiert deux certificats. Le premier est généralement effectué par le médecin traitant, qui envoie le patient aux urgences où le deuxième certificat est rédigé. Ensuite, un certificat médical est émis après 24 heures d’hospitalisation par le médecin du service, puis 72 heures après. Un certificat est également élaboré avec un avis motivé, juste avant l’intervention du juge des libertés et de la détention.

La loi de 2011 a introduit les soins psychiatriques à la demande d’un tiers en urgence (SPDTU) qui ne requiert qu’un seul certificat médical. « C’est le médecin traitant, celui de SOS Médecins ou le praticien des urgences qui va le rédiger », rapporte le Dr Capitain. Mais souvent, à l’arrivée dans le service, un deuxième certificat est établi. Les SPDTU sont généralement demandés lors d’épisode de délires actifs ou de troubles du comportement très importants. La demande peut être réalisée directement à l’hôpital. La procédure est ensuite identique pour les certificats après 24 heures puis 72 heures d’hospitalisation et pour celui avant l’intervention du juge des libertés et de la détention.

Un troisième cas concerne les soins psychiatriques en cas de péril imminent sans tiers (SPI), « pour les personnes qui n’ont pas de famille généralement en situation de précarité ou pour lesquelles la famille renonce à demander des soins sans consentement », explique le Dr Capitain. Dans ce cas, lorsque la personne a été hospitalisée souvent après une prise en charge par le Samu, les médecins de l’établissement doivent s’assurer qu’il n’y a pas de tiers. S’il n’y en a pas, c’est un médecin extérieur à la structure qui doit rédiger le certificat. Ensuite, la procédure est identique.

Enfin, la dernière forme de soins sans consentement peut avoir lieu sur décision d’un représentant de l’Etat (SDRE). « C’est le maire qui généralement fait la demande, indique le Dr Capitain. La décision est rendue par arrêté du préfet, au vu d’un certificat médical circonstancié, émanant d’un médecin extérieur à l’établissement d’accueil. » La personne doit être considérée comme dangereuse pour les autres.

Les conditions aux soins sans consentement

Trois conditions doivent être réunies pour qu’une personne reçoivent des soins sans consentement. Elle doit avoir des troubles mentaux, être dans l’impossibilité de consentir aux soins, et nécessité des soins immédiats et une surveillance médicale constante ou régulière. Le tiers est toute personne susceptible d’agir dans l’intérêt du patient, c'est-à-dire un membre de sa famille ou de son entourage ou une autre personne pouvant justifier de l’existence de relations avec le patient antérieures à la demande de soins lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt du patient, à l’exclusion des personnels soignants qui exercent dans l’établissement d’accueil.

Pour lever l’hospitalisation, il suffit d’un certificat médical. « Après une hospitalisation, il est possible de mettre en place des "soins obligés" en ambulatoire, rapporte le Dr Capitain. Il s’agit d’un programme de soins, d’un contrat conclu avec le patient, qui s’engage à prendre régulièrement son traitement et de se rendre régulièrement à des consultations. » Mais le médecin est dans l’impossibilité de contraindre le patient s’il ne suit pas le contrat.

Pour les mineurs
Un mineur ne peut pas être hospitalisé à la demande d’un tiers. Il peut l’être à la demande des parents uniquement ou à la suite d’une ordonnance de placement provisoire (OPP) délivrée par le juge pour enfant.


AU CINEMA

Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête

Tragi-comédie (mai 2018)

Internement sous la contrainte

Notre devoir n’est pas de nous débarrasser du fou,
mais de débarrasser le fou de sa folie.
Albert Londres

Folie douce ou folie furieuse ? Normalité hors norme ?

Où sont les limites Quels sont les signes

La tête dans les étoiles

Folie ou inspiration

 

 

Le film

La folie est le propre de l’homme.
Blaise Cendrars, Bourlinguer

 

 

Parler avec son perroquet est-il un symptôme ?

Cinquantenaire, Bruno (Laurent Poitrenaux) est en Visio conversation, sur son ordinateur portable, avec une femme. Un bébé joue dans la pièce derrière elle. Ils prennent rendez-vous pour se retrouver dans un love hôtel, vendredi. C’est la nuit. En slip, chaussé de vieilles pantoufles de cuir, il arpente à vive allure son salon, en chuchotant tout seul. Des murs pas finis d’être peints, des cartons de déménagement jamais vidés, un étendoir à linge plein. Le soliloque semble sans fin, il parle de désir. Puis, énergique, il monte à l’étage, dans sa chambre. Le chuchotement continue, menaçant : « Je vais tout dire à Sébastien comme cela tu seras obligée de m’aimer, tu n’auras plus le choix ». Tout ce qu’il vient de dire est adressé à un perroquet qui le regarde d’un œil morne. Puis il s’assoit sur son lit défait et tape la tirade sur son ordinateur. Des piles de livres à même le sol, des bols à thé, des photos jaunies. Tout semble entassé depuis des lustres.

Le phénomène de la folie n’est pas séparable du langage pour l’homme.
Jacques Lacan, Écrits

À huis clos

Il passe sa vie en slip ou en peignoir. Boit des thés avec Justyna (Alma Jodorowsky), sa jeune colocataire femen. Danse seul, chante et écrit toutes les nuits. Il sort le moins possible de chez lui.
À 14h, alors qu’il dort profondément, il entend crier son prénom « Bruno ! Bruno ! ». Il dévale l’escalier et arrive en slip dans le salon. Un couple âgé, ses parents, accompagné d’une quarantenaire avenante, ont fait irruption chez lui.
Sous le prétexte de visiter des amis dans le quartier, ils en profitent pour passer le voir ; ils ne se sont pas vus depuis longtemps. Bruno leur dit clairement qu’il faut arrêter de lui présenter des femmes, qu’il est assez grand pour se débrouiller tout seul.
La femme se présente : Anne Andreux (Camille Chamoux). Bruno semble flasher sur son nom et sa personne.
Pendant que Bruno est allé s’habiller, ses parents s’inquiètent du capharnaüm dans lequel il vit.

Une idée fixe aboutit à la folie ou à l’héroïsme.
Victor Hugo, Quatre-vingt-treize

La gloire sinon rien

Bruno est écrivain. En 1996, son premier roman, Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête, fut un triomphe, encensé par la critique. Depuis, il vit reclus, traquant l’inspiration, n’ayant pratiquement plus aucun lien social. Son « originalité » inquiète ses parents vieillissants.

C’est une grande folie que de vouloir être sage tout seul.
François de la Rochefoucauld

Folie douce ou folie furieuse ?

Anne Andreux observe les lieux et lit à haute voix des bribes de textes laissées là par Bruno.
Elle est psychiatre et répond au désarroi des parents qui, voyant leur fils partir à la dérive, préconisent un internement sous la contrainte. Elle doit évaluer le cas de Bruno et gérer la situation, afin que celui-ci accepte de partir se faire soigner.
Avant d’agir, elle le fait parler. Il lui explique qu’on se lave beaucoup trop ; l’eau altère le film protecteur de la peau…

Jamais la psychologie ne pourra dire sur la folie la vérité,
puisque c’est la folie qui détient la vérité de la psychologie.
Michel Foucault, Maladie mentale et psychologie

Où sont les limites ?

Bruno tombe sous le charme d’Anne Andreux. Et, dans sa tête d’écrivain, il commence à se raconter une histoire. Son comportement, quelque peu fébrile, surprend. Il se met à raconter l’idée de son prochain roman. C’est l’histoire d’une tique qui vit sur un ficus et qui attend son heure…

On ne peut être poète sans quelque folie
Démocrite

La belle ouvrage

Ilan Klipper, le réalisateur, et toute son équipe ont ciselé un film tout en rythme et en tension. Un sujet grave, veiné d’humour, avec en tête de distribution un Laurent Poitrenaux / Bruno qui habite magnifiquement la folie de ce personnage hors norme. La mise en scène laisse respirer le jeu des acteurs. Le souffle de Jean Eustache irrigue Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête.


Réalisation : Ilan Klipper
Scénario : Ilan Klipper et Raphael Neal
Avec : Laurent Poitrenaux, Camille Chamoux, Marilyne Canto, Alma Jodorowsky
Durée : 1h 17


 

 

 

 

 

 

 

 

par Maël Lemoine, Laure Martin et Pascal Pistacio