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Bruits de Think tanks : le rapport Villani, la santé et autres actualités des sphères cogitantes

Le « Rapport Villani », commandé par le Premier Ministre au mathématicien et député Cédric Villani, et intitulé « Donner un sens à l’intelligence artificielle », a été rendu public en mars dernier. Ce rapport extrêmement dense et complet, consacre une dizaine de pages très éclairantes au thème de la santé.

Par Maël Lemoine, philosophe des sciences médicales, Professeur à l'université de Bordeaux

MaelLemoine

Distinguant ce que peut apporter l’intelligence artificielle, ce qui va nécessairement survenir dans le domaine de santé, et les ressources dont dispose dans le fait l’écosystème français, le rapport conclut à ce que devrait faire le gouvernement : au lieu de se concentrer sur le maintien à court terme du système tel qu’il existe, s’engager résolument dans les opportunités qui se créent pour garder la maîtrise des évolutions futures de notre système de santé.
Que peut apporter l’intelligence artificielle ? La seule exploitation possible des données en grand nombre que produisent les examens médicaux, les objets connectés, les traces des patients sur les réseaux sociaux. Pour la recherche, il s’agit de corréler pour construire de nouvelles hypothèses. Pour le soin, il s’agit de donner la possibilité d’intervenir plus tôt et de manière plus personnalisée.

Quatre séries de préconisations

La première série porte sur les professions de santé elles-mêmes : former les professionnels à l’usage des données et de l’intelligence artificielle, ouvrir le recrutement des médecins à des spécialistes de l’informatique, notamment par l’ouverture de double-cursus, et clarifier les responsabilités par la loi.
La deuxième série de préconisations porte sur la création d’un nouvel espace numérique, annexe au DMP, accessible au patient, abondé par lui-même, et partagé par lui selon ses propres projets, de normaliser les données susceptibles d’y entrer pour les rendre homogènes, et de former les patients à l’usage de leurs propres données.
La troisième série de préconisations porte sur l’ouverture d’un « bac à sable » d’expérimentations sécurisées où se mouvraient les entreprises innovantes du domaine.
La quatrième série de préconisation porte sur l’usage de l’IA par la gouvernance du système de santé. Celle-ci s’articule autour d’un rôle de monitoring de la puissance publique, laissant aux initiatives privées un champ d’action plus large, tandis qu’en parallèle, le système national des données de santé serait progressivement remplacé par une nouvelle plateforme d’accès et de mutualisation des données pertinentes.

Et l'éthique ?

Le rapport Villani laisse dans le flou, cependant, les modalités du contrôle que la puissance publique conserverait sur les initiatives privées : la « réflexion éthique » s’en chargerait. Cette réflexion éthique est cependant posée comme un processus qui devra survenir en aval, une fois entérinée l’évolution proposée, mais on ne constate pas qu’elle figure réellement en amont dans le rapport lui-même, ou qu’elle préside aux préconisations faites. S’il faut effectivement garder la maîtrise des évolutions, il serait bon d’esquisser lesquelles paraissent désirables aujourd’hui, et lesquelles, indésirables, et surtout, de détailler comment les préconisations du rapport permettraient de limiter le risque des dernières.

Le reste de l’actualité des Think Tanks en bref
• La Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) a publié une radiographie des populations médicales [http://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/er_1061.pdf] : effectifs, âge, sexe, répartition selon les spécialités et évolution.
• La fondation Terra Nova a publié un rapport de recommandations sur l’évolution du label « French Tech » [http://tnova.fr/system/contents/files/000/001/538/original/Terra-Nova_Note-Avenir-French-Tech_160318.pdf?1521631403].
• Le LIR, financé par les majors de l’industrie pharmaceutique, publie une note succincte sur l’usage des données de santé en France [https://www.lir.asso.fr/images/content/Documents/Etudes/etude_lir_ey_donnees_de_sante_nouvelles_perspectives.pdf]. Sans apporter ni faits ni démonstration nouvelle, ce rapport reflète sans nuances la position de ses commanditaires.
• Un nouveau Think Tank a été créé : « Matière(s) grise(s) » [http://www.capgeris.com/dependance-et-5eme-risque-1681/avenir-des-ehpads-lancement-d-un-think-tank-matiere-s-grise-s-a41218.htm]. Consacré à la réflexion sur les conséquences du vieillissement et à la prise en charge des personnes âgées non autonomes, ce club a été fondé par Capgeris.
• Le Think Tank « Stratégie Innovations Santé » communique sur son étude prospective sur l’avenir du système de santé en 2030. Il distingue trois scénarios : continuité, prise en charge par les mutuelles, prise en charge par les GAFAM.
[https://www.egora.fr/actus-pro/systeme-de-sante/39273-trois-scenarios-pour-eviter-la-catastrophe?page=0%2C2]
• Le Think Tank L’hétaïrie, qui s’affiche à gauche, a publié son rapport et ses préconisations sur la politique de santé [https://docs.wixstatic.com/ugd/1ed47d_e3f661f7569b480fb3f2d77e3d699675.pdf]
par Maël Lemoine