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Exprimer la douleur

Le 15 octobre dernier, de nombreux hôpitaux ont participé à la Journée mondiale de lutte contre la douleur dont l'hôpital Lariboisière. Dans le but d'en améliorer la prise en charge, patients, médecins et infirmiers se sont efforcés de partager sur ce sujet difficile à aborder.

Par Carole Ivaldi.

Carole Ivaldi

Parmi les différents types de douleurs, la douleur chronique et les douleurs neuropathiques, périphériques (DNP) sont celles dont l’impact sur la qualité de vie est très élevé, et qui représentent des coûts de santé importants. La prévalence de la douleur chronique est estimée à 31,7%, et les douleurs chroniques issues de DNP à 6,9% (1).
L’hôpital Lariboisière était l’un des 15 centres hospitaliers français impliqués dans la Journée mondiale de lutte de la douleur du 15 octobre dernier qui a laissé avant tout la parole au patient, lui donnant la possibilité d’exprimer ce qu’étaient ses souffarnces au travers de l’art de la photographie, et de l’écriture.

La parole des patients, clé d’un diagnostic réussi

Pascale Loiseau est atteinte de neuropathie des petites fibres et d’érythermalgie. Après plusieurs années d’errance diagnostique, elle est aujourd’hui soignée dans le service du Pr Sene (2) à l’hôpital Lariboisière. Ces deux pathologies sont extrêmement douloureuses. Cette photographe amateur raconte au travers d’une série de photos symboliques les différentes phases de son vécu de la douleur. « Je peux ressentir une brûlure si intense, que je la compare à celle d’un chalumeau que l’on me passerait sous les pieds. J’immerge alors mes pieds enserrés dans des sacs plastiques – pour ne pas abîmer ma peau – dans une bassine remplie d’eau et de pains de glace. Je dois attendre environ deux heures pour que la douleur redescende à un niveau supportable. J’ai des crises de brûlures continuellement. Je ne supporte plus les chaussettes et encore moins les chaussures. C’est très fatigant car le corps lutte tout le temps contre la douleur».

"Je peux ressentir une brûlure si intense, que je la compare à celle d’un chalumeau que l’on me passerait sous les pieds"

Les médicaments la calment aussi, mais ils ne règlent pas la question et produisent à force des effets secondaires. « La photo du hublot représente l’enfermement de la personne dans sa douleur. L’érythermalgie est une maladie orpheline que très peu connaissent.  Il peut, par exemple, m’arriver de marcher pieds nus en plein hiver tant la douleur des brûlures aux pieds est forte, ce qui provoque une incompréhension qui ajoute au stress provoqué par la maladie. Le regard des autres est dur et je suis contrainte de m’y habituer pour l’accepter. Je comprends la souffrance psychologique qu’endurent les personnes différentes comme les handicapés en fauteuil, les déficients mentaux, bref tous ceux qui ne rentrent pas dans la norme » témoigne Pascale Loiseau.

Enfermé dans sa douleur

Côté infirmiers

Slimani Kheira, infirmière en hôpital de jour du service du Pr Sene explique : « comme certaines maladies ne se voient pas, les médecins ne comprennent pas toujours la douleur endurée par les patients. Cette journée contre la douleur est un moyen de redonner la parole aux patients afin qu’ils expriment leurs souffarnces au travers de l’écriture, de dessins et de photos. Le but est de faire passer un message pour mieux comprendre les changements de vie engendrés par la douleur. Les répercussions sont multiples : sur la vie personnelle, familiale, professionnelle. » L’évaluation de la douleur avec une échelle numérique fait partie des actes de l'infirmier. Puis,il administre un traitement pour soulager la douleur, en fonction de la prescription médicale. Enfin, il réévalue le niveau de la douleur dans un deuxième temps. « Au-delà de la douleur physique, il y a la douleur psychologique », poursuit Slimani Kheira. « Cet aspect est très important. Nous écoutons les patients et les orientons vers la psychologue de notre service. »

Le médecin a parfois du mal à se figurer la douleur

La problématique de la douleur est complexe car il faut parvenir à expliquer rationnellement ce qui est invisible et de l’ordre du ressenti. Le Pr Sene déplore : « la douleur est encore considérée comme un handicap honteux. On pense que les gens simulent. Nombreux sont les médecins qui disent aux patients que leurs douleurs sont psychosomatiques, ce qui les fait se sentir presque coupables de leurs propres souffrances. Le rôle du médecin traitant est fondamental car il soutient au quotidien le malade. Il doit comprendre la douleur, accompagner son patient puis faire le relai vers nous. Plus tard ce travail sera fait, pire sera la situation car la douleur se sera chronicisée. Bien parler de la douleur est essentiel, et il faut toujours se rappeler que la vérité appartient au patient. Le temps de l’écoute est primordial mais malheureusement, la durée des consultations est de plus en plus courte. Or c’est le temps de l’écoute qui va déterminer le reste de la prise en charge.

"Nombreux sont les médecins qui disent aux patients que leurs douleurs sont psychosomatiques, ce qui les fait se sentir presque coupables "

Mon rôle est d’établir dans un premier temps un diagnostic des causes de cette douleur. Comme je m’occupe de patients souffrant de maladies rares ou complexes, les patients ont parfois déjà rencontré trois à quatre médecins avant d’arriver dans mon service. Trouver la cause, le pourquoi de leur souffrance, est essentiel car ils ont besoin d’une explication. La deuxième phase de la prise en charge du patient est de lui adapter le bon traitement, qui dépend entièrement du diagnostic. Ensuite, nous travaillons avec le centre anti-douleur de l’hôpital. Les prises en charge se font soit en ambulatoire, soit en hospitalisation, ou peuvent être un combiné des deux, en fonction de l’étiologie. »


Notes

(1) http://www.sfetd-douleur.org/sites/default/files/u3349/Livres/livre_blanc-2017-10-24.pdf

(2) Pr Damien Sene, service de médecine interne, hôpital Lariboisière, et rédacteur en chef du site https://horizons-therapies.com/ 

 

par Carole Ivaldi

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