Immunothérapies : la révolution au cœur de notre système immunitaire

C’est vrai : le prix Nobel de médecine a été attribué aux deux chercheurs à l’origine de traitements du cancer par des immunothérapies. Mais est-ce une raison suffisante pour inonder le marché du livre de traités d’immunologie qui se concentrent sur les mécanismes des immunothérapies ? La réponse est oui. Les immunothérapies constituent peut-être l’innovation majeure en médecine ces dernières années. Il est donc justifié d’expliquer ces traitements pas comme les autres.

Avec le livre des docteurs Stéphane Champiat et Nicolas Noël, c’est clairement au public des médecins que l’on s’adresse. L’enseignement de l’immunologie est clivant au cours de leurs études : complexe, difficile à mémoriser, très fondamentale et peu cantonnée à une spécialité médicale, cette discipline n’est pas populaire. Le référentiel national rédigé par le collège des enseignants d’immunologie contient l’essentiel d’une discipline qui évolue vite, mais sous un format vraiment peu optimisé pour la compréhension et l’apprentissage. Les traités de référence contiennent bien plus d’informations qu’il n’en faut pour le médecin praticien.

Ce livre propose donc un état des lieux accessible et synthétique. Sa structure est simple : un chapitre consacré à des rappels sur les composants et le fonctionnement du système immunitaire, puis un chapitre par champ de pathologies : cancer, infections, allergies, auto-immunité et inflammation.

La structure et le propos sont clairs, et les illustrations sont sobres et agréables. On peut déplorer cependant quelques ruptures de style, sources d’ambiguïtés mineures sur le sens du texte : une phrase mentionnant des « cellules » peut être suivie d’une phrase qui commencent par un masculin pluriel : « ils ». On hésite un instant avant de se résoudre à penser qu’il s’agit bien des cellules en question. C’est dommage, mais cela ne porte pas trop préjudice à la clarté de l’ensemble.

L’immunologie de laboratoire

Le premier chapitre est un vademecum bien fait. Il contient non seulement les grands faits qu’il faut rappeler sur le système immunitaire et ses acteurs, mais aussi, des explications sur l’immunologie de laboratoire : celle de l’examen biologique de la pratique clinique, qui est aussi en partie celle du chercheur – tests ELISA et cytométrie de flux sont ainsi expliquées dans des termes clairs. On peut regretter cependant que ce chapitre très bien fait ne se conclue que sur deux pages consacrées aux immunothérapies en général. Ces traitements méritent davantage qu’on insiste sur leur grande nouveauté : il s’agit essentiellement de macromolécules, elles ont une action biologique beaucoup plus spécifique que les molécules traditionnelles, elles nécessitent un développement et des techniques de design beaucoup plus avancées, elles soulèvent des difficultés propres dans les tests précliniques et dans les essais cliniques préliminaires à la commercialisation, elles présentent des effets secondaires très différents des effets secondaires des traitements classiques, etc. On ne peut s’en tenir à une distinction simple entre traitements immunosuppresseurs et traitements immunostimulants, immunothérapies actives et passives, et enfin, immunothérapies spécifiques et non-spécifiques.

Immunothérapies des cancers et théorie de l'immunosurveillance

Le deuxième chapitre, qui porte sur les immunothérapies des cancers, commence par quelques faits fondamentaux autour de la prévalence, des facteurs de risque, des pronostics et des grands types de traitement, qui ne sont peut-être pas tous utiles à rappeler au médecin. La partie la plus intéressante commence avec la présentation de la théorie de l’immunosurveillance, sans doute beaucoup moins connue, et qui joue un rôle fondamental dans la compréhension du principe des immunothérapies. Le modèle génocentré du cancer a en effet connu de profondes mutations depuis le début des années 2000 : il ne s’agit plus aujourd’hui de comprendre l’évolution d’une tumeur comme un mécanisme réductible à une série de mutations dans une population cellulaire homogène qui prolifère hors de tout contrôle. Le cœur de ce chapitre, cependant, est consacré aux immunothérapies du cancer.

Les troisième et quatrième chapitres portent respectivement sur les maladies infectieuses et sur les allergies. De tels chapitres ne pouvaient clairement pas être absents de la table des matières d’un livre sur l’immunologie, mais on aurait pu s’en dispenser dans un livre consacré aux immunothérapies. Techniquement, la vaccination et la désensibilisation sont bien des immunothérapies, il n’est pas superflu de le rappeler. Mais les innovations sont beaucoup moins nombreuses et beaucoup moins spectaculaires, dans ces champs, même s’il n’est sans doute pas inutile de rappeler quelques faits sur la vaccination ou le VIH. Le lecteur averti pourra sans doute sauter ces deux chapitres sans préjudice… ou bien en conseiller la lecture à ses patients un peu aguerris au discours médical.

Le cinquième et dernier chapitre, consacré aux maladies auto-immunes et auto-inflammatoires, est beaucoup trop peu développé au regard des innovations dans ces domaines et de la prévalence des troubles concernés. Une seconde édition, si elle devait survenir, pourrait avec fruit prévoir de l’allonger de manière substantielle.

Au total, il s’agit d’un ouvrage utile, mais qui justifie une lecture sélective. On peut douter qu’il soit vraiment utile « au grand public », comme la quatrième de couverture le stipule : car si le début de chaque chapitre est accessible, les développements qui suivent perdront rapidement le lecteur. On peut aussi douter qu’il soit utile aux soignants « pour qu’ils puissent mieux expliquer l’immunothérapie à leurs patients », exactement pour les mêmes raisons. Il faut assumer le fait que tous les médecins ne connaissent pas les principes des immunothérapies : ce n’est pas insultant d’écrire pour les instruire, ni infamant pour eux de chercher l’information dans un livre qui fait, comme celui-ci, de vrais efforts d’accessibilité.

 

Stéphane Champiat, Nicolas Noël, Immunothérapies : la révolution au cœur de notre système immunitaire, Guy Trédaniel éditeur, Paris, 2019.

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