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Télémédecine : un déploiement acté mais des efforts attendus 

Introduite par la loi Hôpital, patients, santé, territoires (HPST) de 2009, la télémédecine a attendu une dizaine d’années avant d’être officiellement déployée sur le territoire en ambulatoire. Aujourd’hui, les professionnels de santé s’approprient l’outil mais des avancées sont encore attendues.

Par Laure Martin.

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« Au mois d’octobre 2019, un an après l’entrée en vigueur du remboursement de la téléconsultation, 65 000 actes ont été réalisés, ce qui est révélateur d’une forme d’appétence sur le sujet », a fait savoir Delphine Champetier, directrice de l’offre de soins à la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam), lors du 12e congrès européen organisé par la Société française de télémédecine les 3 et 4 décembre à Paris. Une série d’accords pour les médecins, les pharmaciens et les infirmières ont été conclus, dans le cadre d’avenants conventionnels pour le remboursement des actes de télémédecine et « aujourd’hui, nous travaillons à leur déploiement », a-t-elle ajouté. Parmi les axes de travail : la formation, la réglementation ou encore convaincre les patients et les professionnels de santé d’y avoir recours, la télémédecine ayant vocation à améliorer la prise en charge et la qualité de vie des patients et de réduire les recours à l’hospitalisation.

Les avancées dans le domaine de la télémédecine

Avant d’acter le remboursement de la téléconsultation, « la ministre de la Santé a saisi la Haute autorité de santé (HAS), afin d’en définir les contours et les garanties », a rapporté Marc Fumey, chef de service adjoint à la HAS. Dans la fiche mémo de la HAS, il est acté qu’il n’existe pas de situation clinique exclue, a priori, pour le recours à la téléconsultation et à la télé-expertise. Elles doivent néanmoins relever d’une décision partagée entre le professionnel de santé et son patient. « Nous avons défini des critères d’éligibilité, a rappelé Marc Fumey. Notamment la disponibilité des données du patient pour donner un avis en télé-expertise ou encore la possibilité pour le patient de communiquer à distance. » Et d’ajouter : « Dans ces guides, nous insistons sur les prérequis nécessaires à la mise en œuvre sécurisée de la télémédecine » via la formation à ces outils. L’ensemble des conditions doivent également être réunies pour réaliser l’acte, qui s’inscrit impérativement dans le cadre d’un parcours coordonné avec le médecin traitant.

Depuis que la téléconsultation est entrée dans le droit commun, la Direction générale de l’offre de soins (DGOS) avance sur plusieurs fronts. « Nous intervenons dans l’aide au déploiement de la téléconsultation et de la télé-expertise via les Agences régionales de santé (ARS), a fait savoir Yann-Maël Le Douarin, conseiller médical télémédecine à la DGOS. Celle-ci assure aussi l’accompagnement des acteurs en menant un travail avec l’Agence du numérique en santé, qui a publié des documents et des recommandations techniques. Concernant la télésurveillance, « nous avions constaté de nombreux freins juridiques et économiques », a-t-il expliqué. D’où la mise en place de l’expérimentation Etapes, qui a bénéficié, ces deux dernières années, à 33 000 patients notamment diabétiques, en insuffisance rénale ou encore insuffisance respiratoire chronique. « Les patients et les équipes sont motivées sur le terrain », a constaté Yann-Maël Le Douarin. Et après ? La loi précise que les expérimentations terminent fin 2021. « Nous réfléchissons à la manière de généraliser la télé-expertise et son financement, a-t-il fait savoir. Nous devons donc tirer les enseignements des expérimentations afin de trouver d’ici fin 2021 le bon modèle. »

Le télésoin pour les auxiliaires médicaux

Nouveauté dans le paysage depuis la loi relative à l'organisation et à la transformation du système de santé de juillet 2019 : le télésoin. Il s’agit d’une « forme de pratique de soins à distance utilisant les technologies de l'information et de la communication. Il met en rapport un patient avec un ou plusieurs pharmaciens ou auxiliaires médicaux dans l'exercice de leurs compétences ». La ministre de la Santé a également saisi la HAS sur le sujet pour définir les activités de télésoins ainsi que les conditions de réalisation afin de garantir la sécurité des patients. « Les travaux sont en cours, a fait savoir Marc Fumey. Nous auditionnons les parties prenantes, notamment les conseils nationaux professionnels, les sociétés savantes et le cas échéant, les syndicats des dix-huit professions concernées. » Aux auditions va se succéder une revue de littérature internationale puis l’élaboration d’une fiche par profession. « Elles seront publiées en mars au plus tard », a garanti Marc Fumey. « Nous sommes dans l’attente des textes structurant cette pratique, qui n’est pas éloignée de ce que font déjà les infirmières au quotidien », a rappelé Patrick Chamboredon, président de l’Ordre national des infirmiers (Oni). Et de poursuivre : « Nous sommes des opérateurs efficaces, nous participons à de nombreuses expérimentations en télémédecine, les infirmières ont été très impliquées dans la télé-expertise, sans pour autant être reconnues dans les textes. Mais le plan Ma Santé 2022 permet une évolution. » Le président de l’Ordre souhaite éviter un « empilement des textes », qui pourraient alors « contenir les pratiques ». Néanmoins, un encadrement lui semble nécessaire en raison de nombreuses pratiques se réalisant sur des plateformes non sécurisées donc non conformes.

Un rôle infirmier reconnu

En attendant les textes sur le télésoin, les infirmières, notamment libérales (idels), participent déjà activement aux actes de télémédecine. « Nous nous sommes organisés depuis de nombreuses années pour faire face à une contrainte forte, celle de la continuité des soins, a rappelé Daniel Guillerm, président de la Fédération nationale des infirmières (FNI). Aujourd’hui, nous pouvons donc représenter un atout dans le déploiement de la télémédecine. » Il manquait un cadre réglementaire. L’avenant 6 à la convention nationale des infirmiers libéraux a résolu le problème en consacrant la possibilité pour les idels de s’investir dans la téléconsultation. Ce rôle se limite aujourd’hui à « assister » les médecins dans les actes de télémédecine. Néanmoins, cet accompagnement est valorisé financièrement. « Désormais, il nous reste à nous emparer de ce nouveau cadre réglementaire », a souligné Daniel Guillerm.

Le Dr François Le Bas, vice-président du Collège des généralistes enseignants de Caen estime indispensable que les URF Santé et les universités forment les jeunes médecins à la télémédecine car « il s’agit d’une pratique de soins qu’ils vont avoir à utiliser », souligne-t-il. La formation doit aussi concerner les infirmières, qui assistent les patients et les médecins dans la réalisation de la téléconsultation. « Elles doivent également bénéficier d’une reconnaissance matérielle décente », a-t-il insisté. Pour réaliser des actes de soins de qualité, le praticien doit accéder à toutes les données de santé du patient. Le lien avec le Dossier médical partagé (DMP) apparaît alors fondamental.

 

Et pour les salariés ?

« Pourquoi ne pas faire des téléconsultations pour les salariés dans le cadre de la médecine du travail », s’est interrogé le Dr Jacques Lucas, président de l’Agence du numérique en santé. « Concernant la médecine de prévention au travail, il ne s’agit pas de patients mais d’employés, a rappelé Yann-Maël Le Douarin. Nous travaillons à faire évoluer le Code du travail pour permettre l’usage de la téléconsultation dans ce cadre. L’intérêt est important au regard du déficit du nombre de médecins du travail. »

par Laure Martin

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