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[INTERVIEW] « Le confinement n'est pas du tout propice au sevrage alcoolique ! »

Isolement pour les uns, surmenage pour les autres, anxiété pour tous… qu’il s’agisse des patients ou des soignants, le confinement décrété le 16 mars dernier, a des effets sur les problèmes d’addiction et de sevrage. Médecin addictologue à l’hôpital du Vinatier de Bron (69), le Dr Christophe Icard fait le point.

Par Laurent Joyeux.

LaurentJoyeux

Depuis le début du confinement, au service universitaire d’addictologie de Lyon (Sual), nous pratiquons la téléconsultation qui se développe de plus en plus. La plupart des services en addictologie sont réquisitionnés. Service de recours, nous suivons à la fois des patients réguliers et des malades extérieurs. L’offre de produits psychoactifs étant réduite, les consommateurs présentent des signes de manque. Nous observons avec surprise le nombre de patients qui veulent se sevrer ces derniers jours. Nous essayons souvent de temporiser car les problématiques du sevrage sont complexes et très différentes selon le type d’addiction dont l’alcool fait partie.

Qu’en est-il du sevrage alcoolique ?

Le sevrage alcoolique doit être très accompagné car il présente des dangers sérieux. On ne meurt pas en arrêtant de consommer de l’héroïne. L’overdose est liée à une surconsommation et même si le patient pense mourir, il ne court aucun risque pendant le sevrage. L’arrêt de l’alcool, en revanche, demande une prise en charge systématique et un sevrage sous contrôle. Les crises de delirium tremens et crise comitiales (épilepsies) peuvent se produire à l’arrêt de la consommation et être fatales. Pendant cette période du confinement, nous essayons de temporiser et je propose aux patients isolés d’attendre ou de mettre en place un accompagnement avec des infirmières, des parents ou des amis qui peuvent assurer une surveillance, recourir aux benzodiazepines, évaluer les signes cliniques du sevrage et le risque au niveau du sevrage, puis conseiller au patient de boire beaucoup d’eau et de prendre de la vitamine B1.

Et les autres sevrages ?

Avec le confinement, beaucoup de consommateurs ne peuvent plus se procurer de cannabis, d’opiacés dont la codéine. Ils nous appellent au secours car ils achetaient dans la rue et les dealers sont confinés. Concernant les produits de substitution, depuis le début du confinement et jusqu’au 31 mai, les pharmacies peuvent, par décret, renouveler la délivrance des ordonnances.

plaquette vinatier addictions

Et les patients touchés par le Covid-19 ?

L’addiction à l’alcool est pour eux un facteur de risques. Le but n’est pas un sevrage mais d’éviter des complications majeures comme le delirium tremens ou les crises d’épilepsie.

Des addictions propres aux soignants pendant le confinement ?

Jusqu’à présent, pas d’appels de professionnels de santé en détresse et nous n’avons pas de données sur des types d’addictions propres aux soignants. Les éventuelles surconsommation d’alcool ou de benzodiazepine ne sont pas liées à un dopage, mais à un besoin de calmer les angoisses, la pression, les burn out. Je n’ai pas vu de cas cocaïne parmi les consultants médecins.

Des aides propres aux professionnels de santé et aux patients ?

Au niveau de l’hôpital du Vinatier, nous avons un numéro dédié pour partager nos difficultés et recevoir des conseils. Il y a un soutien et une écoute du service de santé au travail du Centre hospitalier Le Vinatier et le président du comité médical d’établissement (CME) nous envoie un mail tous les matins qui commence par « Good morning… ». Un clin d’œil attendu avec impatience.

Pour les patients, dans le département du Rhône, l’association Espairs, constituée de pairs-aidants professionnels en santé mentale, propose un soutien téléphonique pour lutter contre l’isolement et le stress liés au confinement.

Il est encore trop tôt pour évaluer des impacts réels du confinement notamment sur les hospitalisations SPDT (soins psychiatriques demandés par un tiers) ou SPDRE ( soins psychiatriques à la demande du représentant de l’État). Les 33 CMP (centres medico- pychologiques ) et les différents services supports du Centre Hospitalier le Vinatier (dont le SUAL  mais psymobile, centre de prévention du suicide) œuvrent pour alléger les souffrances de nos patients dû au confinement.

Définitivement, la période du confinement n’est pas du tout propice au sevrage et tout particulièrement pour le sevrage alcoolique. Ce n’est pas parce qu’il ne prend plus un produit que le consommateur qui souffre d’addiction est guéri.

Rompre l'isolement pour vivre avec le confinement

L'association Espairs a mis en place une ligne d'écoute et de soutien par des pairs aidants en santé mentale

Infos pratiques :

Du lundi au vendredi

De 08h30 à 12h30

04.26.73.87.99

 

par Laurent Joyeux

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