Diabète : vers un « patient augmenté » ?

Le diabète représente l’une des maladies chroniques les plus répandues en France. Une nouvelle étude révèle les attentes des patients et des différents acteurs de soins pour que les patients soient correctement pris en charge.

Par Carole Ivaldi.

Carole Ivaldi

En 2017, 3,7 millions de personnes étaient suivies en France pour un diabète. 90% d’entre elles avaient un diabète de type 2, caractérisé par son insulinorésistance. Les 10% restantes étaient de type 1, c’est à dire insulino-dépendantes. Or il se trouve que le vécu et la prise en charge sont très différents selon qu’il s’agisse du type 1 ou du type 2.  

La dernière étude réalisée par Harris Interactive pour Roche Diabetes Care France est riche d’enseignements sur le parcours des patients diabétiques, depuis l’annonce de la maladie jusqu’à l’expertise qu’ils développent au fur et à mesure de leur vie. Car comme le rappelle Fédéric Jacquey, président de Roche Diabetes Care France, « la gestion du diabète se fait 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, toute une vie. Or un patient sur deux pense ne pas avoir une bonne observance. C’est la raison pour laquelle il faut connaître sans filtre ce que patients et soignants pensent sur le sujet, afin de développer des outils plus adaptés pour une meilleure observance et qualité de vie. » 

Perception de l’annonce et gestion de la maladie différentes selon le type de diabète

La gestion de l’annonce du diagnostic constitue un moment difficile pour les patients, car 63% d’entre eux ne se doutent pas qu’ils souffrent de diabète. Les diabétiques de type 1 (DT1) sont un peu plus nombreux à mal accepter l’annonce que les patients diabétiques de type 2 (DT2) (42% vs 39%). L’apprentissage est plus brutal pour les DT1 car il se fait souvent après une hospitalisation aux urgences à la suite à d’une perte de connaissance, d’un infarctus ou d’un AVC, sans signes préexistants annonçant un possible diabète. L’un des enseignements de cette étude est qu’en fonction du type de diabète, il y a deux formes d’apprentissages du point de vue des patients et deux types de perceptions par les professionnels. De plus, l’annonce de la maladie vient avec un lot d’informations concernant le nouveau mode d’alimentation et la surveillance de la glycémie à effectuer. Le patient est donc immédiatement hyper responsabilisé par les soignants. Or, 36% d’entre eux disent avoir besoin de temps pour prendre conscience de leur maladie et de ses répercussions sur leur vie. 69% des DT2 insulino-dépendants ont une prise de conscience immédiate de la maladie contre 38% des DT1. Plus inquiétant, 15% des DT1 mettent entre 6 mois et plusieurs années à réaliser leur maladie.

"L’apprentissage de la maladie est plus brutal pour les diabétiques de type 1 car il se fait souvent après une hospitalisation aux urgences à la suite à d’une perte de connaissance, d’un infarctus ou d’un AVC, sans signes préexistants annonçant un possible diabète."

Globalement, les informations reçues sont jugées utiles pour 73% des DT2 insulinodépendants contre 52% pour les DT1 ; et compréhensibles pour 71% des DT2 insulino-dépendants contre 50% des DT1.

Le patient diabétique souvent solitaire

Les complications du diabète étant multiples, le patient diabétique est au cœur d’une constellation de spécialistes. À titre d’exemples : 69% des diabétiques souhaiteraient consulter un ophtalmologue, et 47% un cardiologue une fois par an. ; 61% des DT1 et 65% des DT2 un endocrinologue au moins une fois tous les six mois. Pourtant, d’après cette enquête, la majorité des patients diabétiques ne consultent pas du tout de spécialistes ni dans les 6 mois suivant le diagnostic, ni durant les six mois ultérieurs. Les patients diabétiques, après 6 mois, tendent à être très solitaires.

Rôles des professionnels de santé auprès des patients diabétiques

Le médecin généraliste est le référent principal : 80% des patients diabétiques souhaitent le voir au moins 1 fois tous les 6 mois. Les infirmières jouent un rôle fondamental dans l’accompagnement des patients : 28% sont à l’aise pour connaître le patient (d’un point de vue psychologique, capacité d’écoute contre moins de 10% des médecins généralistes ou des endocrinologues. Les infirmières sont également les professionnelles les plus à l’aise pour fournir de l’information aux patients : 58% le sont en ce qui concerne les mesures à prendre pour mieux vivre avec sa maladie (contre 10% pour les médecins généralistes ou les endocrinologues) et 50% le sont pour expliquer les répercussions physiologiques de la maladie (contre 3% des médecins généralistes ou des endocrinologues). Ces soignantes sont aussi 42% à être à l’aise avec les dispositifs innovants et connectés.

Attentes des patients et des professionnels de santé

Premier constat : 55% des diabétiques ne reçoivent aucun support d’information lors de l’annonce du diagnostic, et seuls 9% d’entre eux utilisent les sites internet. Le déficit d’informations fait donc partie des points majeurs à améliorer lors de l’annonce et du suivi si l’on veut que les patients acquièrent un savoir et une expertise assez solides pour assurer une bonne observance. Parmi leurs attentes, 40% souhaitent avoir un accès prioritaire pour les rendez-vous avec les spécialistes et 32% sont favorables à une plus grande sensibilisation en milieu scolaire.

"Les complications du diabète étant multiples, le patient diabétique est au cœur d’une constellation de spécialistes."

Lisiane Ladj, patiente DT1 diagnostiquée à l’âge de 8 ans, raconte qu’après avoir connu un parcours complexe dû à une difficile acceptation de la maladie, elle décide de voir un diabétologue à l’âge de 22 ans. Le discours beaucoup trop scientifique de celui-ci et le manque visible d’intérêt pour ses besoins furent une déception et la détournèrent du spécialiste. Deux ans plus tard, elle rencontre une autre diabétologue qui s’intéresse à son parcours et à ses difficultés d’observance. Une relation très positive s’instaure alors avec la spécialiste qui va l’aider à atteindre à un bon suivi du traitement. Elle est même aujourd’hui une patiente experte (1).

Vers un patient expert et « augmenté »

Côtés patients, le développement d’innovations pour améliorer leur quotidien est plébiscité par 54% des DT1 et 52% des DT2 insulino-répondants. Les capteurs de glycémie et les pompes à insuline ont déjà changé leur quotidien et amélioré leur qualité de vie. Lisiane Ladj insiste sur « l’importance de l’anticipation permanente des conséquences sur le diabète de ce que l’on va manger, d’une émotion, d’un stress, d’un accès de colère, d’une insomnie, d’une grippe… Tout peut affecter un diabétique ».

Quant aux professionnels de santé, ils sont 74% à déclarer avoir des attentes en termes d’innovations technologiques dans le champ de la mesure de la glycémie, des traitements et des dispositifs médicaux. Enfin un professionnel sur deux est favorable à la sensibilisation au diabète en milieu scolaire et en milieu professionnel pour mieux intégrer les patients.


Note

(1) Il existe un diplôme universitaire de « patient expert ». 

 

par Carole Ivaldi