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L'activité physique, c'est aussi pour les seniors !

Les seniors représentent un groupe de la population générale où la prévalence de la sédentarité est particulièrement élevée. Les bénéfices de la pratique d’une activité physique (AP) régulière de type endurance y ont pourtant été démontrés. Il a notamment pu être observé une baisse significative de la mortalité et de l’intolérance au glucose, une optimisation du profil lipidique, glycémique et tensionnel, une réduction des accidents vasculaires cérébraux et des accidents coronariens. Plus novateurs sont les bénéfices sur la cognition et en oncologie, tant en prévention primaire que secondaire.

Par le Dr Pierre-Olivier LANG, médecine interne, médecine gériatrique, Clinique de Montchoisi (Suisse).

Parmi les changements physiologiques observés au cours du vieillissement, le déclin de la consommation maximale en oxygène (VO2max) et la diminution de la masse musculaire sont les facteurs déterminants influençant la qualité de vie, la dépendance fonctionnelle et la mortalité. Le déclin de la VO2max est de l’ordre de 5 à 10% par décennie de façon non linéaire avec une accélération au cours du vieillissement (jusqu’à 20-25% /10 ans après 70 ans) [1]. La capacité à vivre de façon indépendante est largement sous-tendue par la conservation d’une VO2max et d’une masse musculaire suffisantes. Les personnes âgées avec de faibles capacités aérobiques évitent d’ailleurs de pratiquer des activités physiques (AP), aggravant encore leurs capacités aérobiques et générant ainsi le cercle vicieux du déconditionnement physique. L’AP est un déterminant de la dépense énergétique et est donc fondamentale pour l’équilibre énergétique, le contrôle du poids et de la composition corporelle. Selon la Haute autorité de santé (HAS), si les AP et sportives interviennent dans la prévention de nombreuses maladies non transmissibles, elles doivent aujourd’hui être considérées aussi comme une thérapeutique à part entière.

Préambule méthodologique

Parmi les trois modalités d’Aactivité physique, l’AP de type endurance (TE) se distingue des exercices anaérobies (comme la musculation) qui augmentent la force musculaire à court terme, et des exercices de flexibilité (comme les étirements) qui améliorent la mobilité musculo-articulaire. L’APTE cherche à améliorer l’endurance cardiovasculaire au travers d’activités telles que la randonnée, le vélo ou la course à pied. Par définition, ces activités doivent être pratiquées à un niveau d’intensité moyen (50 à 80 % de la fréquence cardiaque maximale) sur une durée suffisante, mais en pratique, le bénéfice résulte de la combinaison de l’intensité, de la durée et de la périodicité des séances d’entraînements (appelé le volume d’AP). L’évaluation de l’effet de l’AP sur la santé des seniors au travers d’études longitudinales d’observation se heurte à des difficultés méthodologiques [2] :
– les participants pratiquant des AP ont des profils différents de ceux qui sont non ou peu pratiquants
– en cas de périodes d’exposition longue (plusieurs décennies), il existe un biais de survie sélective
– la mesure valide et fiable de la pratique d’une AP en termes d’intensité, de fréquence et de durée est une autre difficulté rencontrée lorsqu’il n’y a pas de protocole précis de recondi-tionnement physique.

Bénéfices sur la santé et les facteurs de risque cardiovasculaire

Le bénéfice de l’APTE sur la maladie coronarienne résulte d’une amélioration de la circulation sanguine au niveau coronaire et des fibres myocardiques par plusieurs mécanismes complémentaires. D’une part, il est observé un effet de stabilisation sur les plaques d’athérome constituées (avec parfois même une régression partielle) et d’autre part un effet de vasodilatation de la microcirculation au sein même de la masse myocardique. L’APTE est ainsi maintenant reconnue comme le meilleur moyen de prévention de la maladie coronarienne. En effet, sa pratique régulière est associée à une diminution du risque d’événements coronariens chez les sujets indemnes de pathologies corona-riennes [3,4]. Le bénéfice chez des sujets atteints de pathologie coronarienne (prévention secondaire) est moins bien documenté, mais des bénéfices sont rapportés chez les jeunes seniors [5].

La sédentarité est considérée comme un facteur de risque d’hyper tension artérielle (HTA) et la littérature apporte des évidences sur l’impact de l’APTE sur le contrôle des valeurs de tension artérielle (TA). Les auteurs sont assez unanimes sur l’absence d’un mécanisme unique à cet effet. Une modification de la fonction endothéliale combinée à une modulation neuro-hormonale est le mécanisme le plus souvent décrit. La pratique régulière d’une APTE est associée à une diminution des valeurs de pression artérielle (PA), entre 2,5 et 5 mmHg. Même si l’impact paraît faible, il a été bien montré (Framingham Heart Study) qu’une diminution de 3 mmHg est associée à une diminution de la morbidité cardiaque de 5 à 9%, du risque d’AVC de 8 à 14% et de la mortalité totale de 4% [6]. Cependant, à ce jour, les essais randomisés contrôlés évaluant les bénéfices de l’AP chez les hypertendus n’ont pas permis de mettre en évidence de bénéfices sur des critères de morbi-mortalité [7]. Mais le bénéfice de l’AP sur les valeurs de PA, spécifiquement chez les personnes âgées, a été évalué uniquement dans des études de petite envergure avec des résultats parfois divergents.

 

Les recommandations de pratique d’activité physique de l’Organisation mondiale de la santé chez les 65 ans ou plus [18] :

- de pratiquer au moins, au cours de la semaine, 150 minutes d’activité d’endurance d’intensité modérée (marche rapide), ou au moins 75 minutes d’activité d’intensité intensive (jogging), ou une combinaison équivalente d’activité modérée et soutenue l’activité d’endurance doit être pratiquée par périodes d’au moins 10 minutes
- pour  des  bénéfices  supplémentaires,  la  durée  hebdomadaire doit être portée à 300 minutes d’activité d’endurance d’intensité modérée, ou 150 minutes d’activité d’intensité intensive, ou une combinaison équivalente d’activité modérée et soutenue
- pour celles dont la mobilité est réduite, la pratique d’une AP visant à améliorer l’équilibre et à prévenir les chutes est d’au moins trois jours/semaine
- des exercices de renforcement pour les principaux groupes musculaires doivent être pratiqués au moins deux fois par semaine.Pour celles qui ne peuvent pratiquer les quantités recommandées en raison de leur santé, elles devraient être aussi actives physiquement que possible.

Attention ! Il convient de rappeler que la pratique d’une AP est associée à une augmentation du risque de syndrome coronarien aigu, d’autant plus que le sujet est sédentaire et âgé. Dans certaines situations, un avis médical voire la réalisation d’une épreuve d’effort est nécessaire (notamment en présence de facteur de risque cardiovasculaire après 45 ans chez l’homme et 55 ans chez la femme).

 Activité physique et profil lipidique

Le vieillissement est associé à des modifications de la composition plasmatique en lipides. Cela expose plus particulièrement les personnes âgées aux complications, notamment cardio et neurovasculaires et métaboliques. L’augmentation des taux de triglycérides, du cholestérol total, du low density lipoproteine-cholesterol (LDL-C) et la diminution du high density lipoproteine-cholesterol (HDL-C) conduisent à un profil lipidique défavorable pour la santé. L’APTE a démontré un effet de correction de ce profil lipidique bien que peu d’études de grande envergure en aient évalué le bénéfice spécifiquement chez le sujet âgé. Il a pu être rapporté dans des études longitudinales et dans une méta-analyse chez des sujets âgés de 50 ans ou plus, une diminution significative du LDL-C et une augmentation du HDL-C [8]. Mais les bénéfices cliniques après 80 ans restent à démontrer [9].

L’amélioration du métabolisme du glucose est déjà effective après une seule séance d’APTE. Par exemple, une séance d’intensité modérée (45 minutes à 45 % de la VO2max) réduit l’incrément glycémique postprandial (taux pendant les 4 heures suivant le repas). Cet effet résulte du recrutement des transporteurs de glucose (GLUT-4) au niveau des cellules musculaires, alors que son action sur la déplétion en glycogène, l’activation de l’AMP-activated protein kinase et la réduction du stockage des lipides intramusculaires expliquent l’effet à moyen et long termes. Une augmentation du niveau de sensibilité à l’insuline est également observée avec le cumul des séances, résultat de la diminution de la masse grasse, mais aussi de l’augmentation de la masse musculaire. Une diminution de l’inflammation chronique de bas grade a également été évoquée. L’effet protecteur de l’AP sur le risque de survenue d’un diabète de type 2 a pu être observé chez des « jeunes » seniors pour des activités d’endurance (même de faible intensité), des activités de loisir et la marche [1]. Chez des sujets âgés présentant une intolérance au glucose, les APTE ont été associées à un moindre risque de développer un diabète [10]. En prévention secondaire, la pratique d’une APTE régulière diminue le risque de développer des complications cardiovasculaires chez les sujets âgés diabétiques [11]. Enfin, une association inverse entre AP et insulino-résistance chez le sujet âgé a pu être rapportée avec un effet dose [12].

Bénéfices pour les pathologies cérébrovasculaires

Le bénéfice de l’AP sur la maladie cérébrovasculaire s’explique par un meilleur contrôle des facteurs de risque vasculaire (HTA, maladies cardiaques, diabète de type 2, dyslipidémies, maladie athéromateuse, obésité, tabagisme, alcool) et son impact sur la récupération fonctionnelle (performance de marche, capacité d’endurance, augmentation de la force musculaire, amélioration de la proprioception, diminution de la fréquence cardiaque, amélioration de la consommation maximale d’oxygène – VO2max, amélioration de la perception de soi et du bien-être). L’APTE a également une action directe sur les facteurs de croissance neurogéniques, dont le Brain-derived neurotropic factor.Même si des résultats divergents ont pu être rapportés, des méta-analyses ont montré que la pratique d’une AP est associée à une diminution du risque d’accident vasculaire cérébral, qu’il soit ischémique ou hémorragique, et ceci même pour des exercices de faible intensité, dans la population générale [13]. De tels effets ont été mesurés spécifiquement chez le sujet âgé, dans des études longitudinales. Il a été également rapporté une diminution des infarctus cérébraux silencieux chez les sujets âgés pratiquant une AP [14].

Activité physique et performances cardiorespiratoires

Le niveau des performances cardio-respiratoires maximales, comme la VO2max , est associé dans la population générale et chez les sujets âgés à la mortalité totale, à l’état de santé général et aux capacités fonctionnelles [1]. Une valeur de VO2max inférieure à 15-18 ml/kg/min compromet la fonctionnalité de la personne âgée et l’expose à un risque de dépendance pour les activités élémentaires de la vie quotidienne. Le seuil de 18 ml/kg/min est d’ailleurs retenu par l’US Social Security Administration comme le seuil à risque de perte d’indépendance [15]. Si le vieillissement physiologique et de nombreuses pathologies sont associés à une baisse de la VO2max , la pratique d’une AP en endurance augmente, même chez le sujet très âgé. Dans la Baltimore Longitudinal Study of Aging, les sujets marathoniens âgés entre 60 et 80 ans avaient une VO2max 30 à 40% plus élevée que celle des personnes de même âge sédentaires [16]. Ces valeurs se sont avérées être similaires à celles de sujets sédentaires plus jeunes de 20 à 30 ans [17]. Le déclin avec l’âge de la VO2max chez les sujets athlètes âgés comparativement aux personnes sédentaires est sujet à débat ; cette diminution pourrait être plus marquée chez les athlètes [1].

Le bénéfice des programmes de reconditionnement en aérobie a été établi chez les sujets âgés, mais souvent dans de petites séries incluant des personnes sélectionnées en bon état physiologique, sans trouble cognitif ni limitations ostéo-articulaires. Mais globalement il apparaît que ce sont les sujets âgés qui ont la VO2max la plus basse qui améliorent le plus leur capacité aérobie maximale lors des programmes d’entraînement d’endurance [1].La pratique régulière d’une APTE, même de faible intensité, apporte au sujet âgé des bénéfices considérables pour sa santé, notamment sur les pathologies cardio et cérébrovasculaires. Ces bénéfices concernent l’ostéoporose, les chutes, les fonctions cognitives, la prévention primaire et secondaire de certains cancers [1]. L’ampleur de certains bénéfices procurés par la pratique sportive dépasse les bénéfices observés par certains médicaments, notamment chez les sujets à haut risque cardiovasculaire, comme les diabétiques. La sédentarité, véritable fléau de santé publique chez les sujets âgés, doit inciter à la promotion de la pratique et surtout la pérennisation des AP chez le senior par des mesures incitatives.

Références bibliographiques

1. Vogel T et al. Bénéfices pour la santé de la pratique d’une activité physique chez le sujet âgé. Cah Ann Gérontol 2013 ; 5 :257-67.
2. Milanovic Z et al. Age-related decrease in physical activity and functional fitness among elderly men and women. Clin Interv Aging 2013 ;  8:549-56.
3. Hakim AA et al. Effects of walking on coronary heart disease in elderly men: the Honolulu Heart Program. Circulation. 1999;100:9-13.
4. Petrella RJ et al.Can adoption of regular exercise later in life prevent metabolic risk for cardiovascular disease? Diabetes Care. 2005;28:694-701.
5. Sattelmair J et al. Dose response between physical activity and risk of coronary heart disease: a meta-analysis. Circulation. 2011;124:789-95.
6. Cook NR et al. Implications of small reductions in diastolic blood pressure for primary prevention. Arch Intern Med. 1995 ; 155:701-9.
7. Semlitsch T et al. Increasing physical activity for the treatment of hypertension: a systematic review and meta-analysis. Sports Med. 2013;43:1009-23.
8. Halverstadt A et al. Endurance exercise training raises high-density lipoprotein cholesterol and lowers small low-density lipoprotein and very low-density lipoprotein independent of body fat phenotypes in older men and women. Metabolism 2007;56:444-50.
9. Kelley GA et al. Exercise, lipids, and lipoproteins in older adults: a meta-analysis. Prev Cardiol. 2005;8:206-14.
10. Laaksonen DE et al. Physical activity in the prevention of type 2 diabetes: the Finnish diabetes prevention study. Diabetes 2005;54:158-65.
11. Hu FB et al. Physical activity and television watching in relation to risk for type 2 diabetes mellitus in men. Arch Intern Med 2001;161:1542-8.
12. Evans EM et al. Aerobic power and insulin action improve in response to endurance exercise training in healthy 77-87 yrs olds. J Appl Physiol 2005;98:40-5.
13. Lee CD et al. Physical activity and stroke risk: a meta-analysis. Stroke. 2003;34:2475-81.gggeee
14. Willey JZ et al. Lower prevalence of silent brain infarcts in the physically active: the Northern Manhattan Study. Neurology 2011;76:2112-8.
15. Social Security Administration. Disability evaluation under social security. Baltimore, MD: Social Security Administration Office of Disability Programs. SSA publication 64-039.
16. Fleg JL et al. Cardiovascular responses to exhaustive upright cycle exercise in highly trained older men. J Appl Physiol 1994;77:1500-6.
17. Wilson TM et al Meta-analysis of the age-associated decline in maximal aerobic capacity in men: relation to training status. Am J Physiol Heart Circ Physiol 2000;278:H829-34.
18. Organisation Mondiale dela Santé. Recommandations mondiales sur l’activité physique pour la santé. 2010 (http://www.sports.gouv.fr/IMG/pdf/2-1_recommandations_aps_oms.pdf) 

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par Dr Pierre-Olivier LANG