Covid-19 : la contrefaçon des médicaments en hausse
Alors que l’épidémie de Covid-19 sévit à travers le monde, le Conseil de l’Europe – organisation intergouvernementale – alerte sur l’augmentation de la contrefaçon et de la falsification des médicaments et des produits médicaux. Le point avec Gianluca Esposito, chef du service de la lutte contre la criminalité.
Propos recueillis par Laure Martin
Une crise sanitaire est-elle propice à l’augmentation de la contrefaçon de médicaments ?
La contrefaçon des médicaments et des dispositifs médicaux est un fait, mais effectivement en période de crise, elle est beaucoup plus importante. Nous constatons une augmentation de la diffusion de produits médicamenteux falsifiés sur le marché. Les moyens utilisés sont divers mais l’informatique arrive en tête avec des offres d’achat qui surgissent par email en provenance de sources douteuses. Certains proposent des kits de dépistage rapide du virus, d’autres des médicaments qui le guérissent ou encore des protections comme des masques. Mais tous sont falsifiés ou contrefaits. Nous avons des remontées de terrains à ce sujet, notamment des sociétés pharmaceutiques, mais aussi d’Europol et Interpol.
Quels sont les risques ?
Le risque est réel pour la santé car les produits falsifiés peuvent porter atteinte à la santé et être néfastes. Ils peuvent se révéler inefficaces ou dangereux pour ceux qui les utilisent. Si on prend l’exemple des masques, s’ils ne respectent pas les normes, ceux qui les utilisent croient être protégés alors qu’ils ne le sont pas. Ils peuvent donc être contaminés ou contaminer d’autres personnes. Même constat pour les kits falsifiés qui peuvent donner un faux résultat.
La contrefaçon des médicaments et des dispositifs médicaux est un fait, mais effectivement en période de crise, elle est beaucoup plus importante. Nous constatons une augmentation de la diffusion de produits médicamenteux falsifiés sur le marché (...) Certains proposent des kits de dépistage rapide du virus, d’autres des médicaments qui le guérissent ou encore des protections comme des masques. Mais tous sont falsifiés ou contrefaits.
Les professionnels de santé sont-ils concernés ?
Face à la crise, la vigilance de chacun peut être moins importante qu’à l’accoutumée. Tout le monde est donc concerné, même les professionnels de santé. D’ailleurs, nous avons rédigé une note particulière à leur attention. Certes, ils connaissent la problématique et vont être plus alertes que d’autres personnes. Néanmoins, actuellement, ils sont soumis à une pression extraordinaire dans la gestion de cette crise et ils peuvent être amenés à faire moins attention à certains détails, penser que le produit est conforme alors qu’il ne respecte pas les critères de conformité médicale. Dans le contexte tendu que nous vivons actuellement, ils peuvent tomber dans un piège. Il faut donc prêter une importance particulière à cette question en cette période d’autant plus que les Etats font face à des pénuries de produits.
Quelle vigilance doit être mise en place ?
Toute l’attention est aujourd’hui dirigée sur le traitement de la crise. Mais il faut prendre des mesures face à ce genre de menace. Pour le Conseil de l’Europe, il est impératif que les plateformes en ligne proposant des produits médicaux au système de santé publique ou aux particuliers soient contrôlées. Les Etats doivent également collaborer pour rompre le circuit d’approvisionnement de produits médicaux falsifiés qui sont échangés entre leurs territoires. Du personnel doit être affecté à des points névralgiques notamment pour le contrôle aux frontières, afin de détecter et faire cesser ce trafic. Pour éviter que des criminels exploitent les pénuries, des mesures doivent être prises pour empêcher que les produits médicaux essentiels soient détournés sans autorisation des systèmes de santé des Etats et des circuits d’approvisionnement.
La convention Medicrime Le Conseil de l’Europe a élaboré en 2011 une convention internationale qui constitue, pour la première fois, un instrument juridique contraignant dans le domaine du droit pénal. Elle criminalise la contrefaçon mais aussi la fabrication et la distribution de produits médicaux mis sur le marché sans autorisation ou en violation des normes de sécurité. Elle a été ratifiée par treize pays membres du Conseil de l’Europe et trois non membres. |
Une étroite coopération entre les agences et les services nationaux est nécessaire pour veiller à ce que les mesures visant à empêcher que des produits médicaux falsifiés pénètrent dans les services de santé n’affectent pas l’approvisionnement légitime en produits médicaux dont doivent disposer les bénéficiaires. De même, les professionnels et les services de santé doivent veiller à ne pas se procurer de produits médicaux auprès de sources non vérifiées.
La convention Médicrime (lire encadré) a, dans ce contexte, toute son importance. Son objectif est de préserver la santé publique et de cibler les comportements criminels de ceux qui profitent des failles des systèmes et de la crise actuelle, pour ensuite permettre des actions en justice. Pour le Conseil de l’Europe, la coopération nationale et internationale doit s’intensifier afin de réunir les éléments de preuve du caractère criminel des infractions liées à des produits médicaux qui auront été commises pendant cette pandémie.
Quel rôle peut jouer le Conseil de l’Europe dans cette lutte ?
Nous pouvons attirer l’attention des Etats qui ont signé et ratifié la convention Medicrime, et encourager à la coopération entre les Etats. Il serait important à l’avenir qu’ils mettent en place des mesures préventives afin de ne pas avoir à agir sous l’effet d’une crise.
- par Laure Martin