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L’importance de la nutrition pour les porteurs du VIH

L’Institut Pasteur de Lille a organisé le 15 février un colloque sur le VIH et la nutrition. Une journée pour aider les soignants à accompagner et conseiller les patients atteints de VIH à adopter une meilleure hygiène de vie, indispensable par rapport à leur maladie.

« La question de la nutrition au service des personnes porteuses du VIH est un problème qui est apparu il y a quelques années », rapporte le Dr Jean-Michel Lecerf, nutritionniste et endocrinologue à l’Institut Pasteur de Lille. Avant que la maladie ne soit traitable et traitée, il était surtout question de wasting syndrom, de dénutrition. Aujourd’hui, les traitements anti-rétroviraux ont fait apparaître d’autres problèmes, notamment liés à la répartition des graisses avec des lipodystrophies ou des lipoatrophies. En cause ? La maladie elle-même avec l’infection qui perturbe le métabolisme. Mais aussi « les anti-rétroviraux », qui, bien que salutaires, « entraînent des perturbations métaboliques », indique le Dr Lecerf.

Apparition de maladies cardiovasculaires

L’une des premières conséquences de ces effets sont les risques cardiovasculaires. « Les patients ne meurent plus du VIH mais nous voyons apparaître un nombre important de morbidités cardiovasculaires », rapporte le médecin. Mais ces problèmes cardiovasculaires peuvent bien entendu être causés par des facteurs plus classiques comme le tabac ou les conditions socio-économiques des patients. Une nouvelle maladie se greffe donc comme un effet secondaire de la pathologie et de son traitement.

« Il est important de dépister ces problèmes, signale le Dr Lecerf. Lors du bilan, nous allons examiner les anomalies métaboliques et cliniques. Nous devons aussi repérer les facteurs de risque. » Dans la prise en charge, trois éléments vont devoir être conjugués : l’hygiène de vie, la nutrition et l’activité physique. Les professionnels de santé doivent aider le patient à changer ses habitudes alimentaires tout en l’encourageant à avoir une activité physique, l’idéal étant de marcher 10000 pas par jour. Certes, il est toujours possible de prescrire des médicaments, mais uniquement en deuxième ou troisième intention car les patients ont déjà de nombreux médicaments à prendre avec les anti-rétroviraux.

Ne rien imposer

Dans le cadre de la prévention cardiovasculaire, « pendant trop longtemps, nous avons eu des recommandations dogmatiques qui ne sont pas assez positives, selon moi », estime le Dr Lecerf. Il est impératif, selon lui, de ne rien imposer au patient car « cela peut générer un blocage ». « La maladie provoque un sentiment d’impuissance, explique Gérard Ribes, psychiatre. Le patient a l’impression que, quoi qu’il fasse, il n’a plus de pouvoir sur son environnement. Il vit une rupture de ses sentiments de sécurité et d’identité, ce qui implique la nécessité d’un processus d’adaptation psychosociale pour reprendre une forme de contrôle sur sa vie. » Il est important que les professionnels de santé disent à leurs patients qu’ils sont libres dans leur existence afin qu’ils puissent se construire. « Il faut faire attention au regard que l’on porte sur ceux que nous accompagnons, afin de leur permettre de se narcissiser et de faire du lien », rapporte-t-il.

Les recommandations alimentaires

Ainsi, plutôt que d’imposer, « il faut emprunter d’autres chemins, fixer un ou deux objectifs d’amélioration et ne pas s’occuper des kilos comme d’un objectif mais plutôt comme une conséquence du changement », conseille le Pr Lecerf. Car 5% de perte de poids, ce n’est pas beaucoup mais cela apporte d’importantes modifications métaboliques.

Le nutritionniste insiste cependant sur la nécessite de prendre du plaisir lors des repas. Certes, l’objectif est de réduire le tour de taille, d’accroître la masse musculaire, de limiter le sel, de privilégier les aliments protecteurs, de modérer les aliments pouvant altérer le risque cardiométabolique. Le principe de l’équilibre alimentaire repose néanmoins sur l’idée qu’il n’y a pas d’aliment parfait, mauvais ou indispensable, d’où la nécessité de la variété alimentaire et de la modération tout en prenant du plaisir en mangeant et en faisant attention à la qualité des aliments. « C’est tout l’intérêt de cuisiner soi-même, car on sait alors ce que l’on met dans son assiette, rapporte le Dr Lecerf. Il y a des cuissons à respecter, il ne faut pas matraquer les aliments avec des cuissons inadaptées. » Enfin, il faut écouter son corps, c’est-à-dire ne pas se resservir, ni finir son assiette ou son plat si on est rassasié. Et surtout, il ne faut pas faire de régime ni exclure des aliments, sauf en cas de nécessité formelle. « Manger sert à se nourrir, se réjouir et se réunir, conclut le nutritionniste. Il ne faut pas dissocier ces points. »

 

par Laure Martin