(c) Axilum robotics

Le robot allié du médecin et de l'artiste

L’intelligence artificielle prend de plus en plus de place dans notre société. Serons-nous réduits en esclavage par des machines pensantes ? Prendront-elles nos emplois ? Aux craintes et aux fantasmes qui accompagnaient l’arrivée des premiers robots ont succédé un rapport nouveau, une proximité tendant parfois au transhumanisme. Dans notre société de plus en plus connectée, savants et artistes s’interrogent sur le champ infini des possibilités offert par les logiciels. Qu’ils soient au service de la santé, de l'industrie, de la vie quotidienne ou de l'art, les robots sont parmi nous !

par Laurent Joyeux

LaurentJoyeux


Axilium Robotics, robotique et stimulation magnétique transcrânienne…

La start-up Axilum Robotics est spécialisée dans la conception et la réalisation de robots intelligents et collaboratifs au service de la stimulation magnétique transcrânienne (TMS). Cette opération, non invasive et indolore, est très utilisée pour traiter la douleur, la dépression et les pathologies psychiatriques et neurologiques résistantes aux médicaments.

Le patient bien installé dans le fauteuil, l’opérateur positionne un stylet sur ses tempes et son crâne. Les repères ainsi définis permettront à un neuronavigateur de connaître la position de la tête dans l'espace. Grâce à la neuronavigation, la bobine de stimulation positionnée par le robot enverra un champ magnétique pulsé sur la bonne cible dans le cortex cérébral, afin de stimuler le cerveau. Même si le patient bouge, la bobine reste correctement positionnée et le cobot s’arrête de lui-même si nécessaire… Le Dr Michel Berg, président d'Axilum Robotics, présente TMS cobot.

Dr Michel Berg, qu'est-ce qu'un Cobot ?

C'est le nom donné aux robots collaboratifs conçus pour travailler avec l'homme. Le dernier robot créé par Axilum Robotics utilise cette technologie et le bras du robot s'arrête de lui-même s’il heurte l'opérateur.

Pourquoi ce cobot ?

La TMS existait avant nous et se pratiquait à la main dans les centres de recherche en neurosciences qui étudient les fonctions cérébrales, ainsi que les hôpitaux, en particulier les services de psychiatrie, les centres de rééducation post-AVC et de traitement de la douleur. Cette méthode de neuro stimulation non invasive est souvent mise en œuvre de manière  suboptimale et manque de précision, d'autant que la tête du patient est toujours susceptible de bouger. Les patients suivant souvent 30 séances de 15 à 30 minutes, le robot permet une répétabilité parfaite. Il apporte de la précision et libère l'opérateur d’une tâche fastidieuse.

Le robot permet une répétabilité parfaite. Il apporte de la précision et libère l'opérateur d’une tâche fastidieuse.

 

Comment a été conçu le 1er robot Axilum ?

Notre premier projet développé, TMS-Robot,  était le premier robot au monde conçu spécifiquement pour la TMS. Il a été mis au point à Strasbourg en collaboration avec ICube (UMR7357) - le laboratoire des sciences de l’ingénieur, de l’informatique et de l’imagerie - ; un psychiatre des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg et une PME spécialisée en mécatronique. Nous sommes partis d'une preuve  de concept du laboratoire pour en faire un dispositif médical, utilisable en thérapeutique. Axilum Robotics ayant en particulier développé les logiciels du robot. Notre start-up emploie 5 personnes. Un sous-traitant industriel fabrique la partie hardware : châssis, moteurs et électronique. Nous prenons en charge ce qui relève de notre cœur de métier : les logiciels de contrôle, qui permettent ici de contrôler la position, l'orientation et le contact de la bobine.

Les réactions des opérateurs ?

Elles sont très favorables ! Déjà équipées d'un premier robot, les équipes infirmières des hôpitaux universitaires de Strasbourg attendaient impatiemment leur deuxième équipement.. Depuis un an, elles constatent qu'elles peuvent consacrer plus de temps à des tâches à plus forte valeur ajoutée. Deux à 3 journées de formations suffisent pour un apprentissage intégrant le pilotage par neuro navigateurs. Il suffit d'avoir une appétence pour les nouvelles technologies et l'ordinateur.

Quelles sont les responsabilités en cas d'erreur ?

Si la stimulation est mal localisée, c'est du ressort du praticien. S’il s'agit d'une défaillance de stimulation due au robot, nous sommes responsables. Les risques sont identifiés mais maîtrisé par l’analyse de risque effectuée dans le cadre du marquage CE médical que nous avons obtenu en 2013. Si les règles sont bien suivies il y a très peu de risque. Dans de très rares cas, 1 sur 10000, la stimulation peut provoquer une crise d'épilepsie.

Si la stimulation est mal localisée, c'est du ressort du praticien. S’il s'agit d'une défaillance de stimulation due au robot, nous sommes responsables.

Quel sont les perspectives de développement du robot ?

Nous sommes les seuls au monde à faire ce type de matériel pour la thérapeutique. Dans un certain nombre de pays les praticiens s'équipent ou complètent leur équipement. La tendance actuelle est à la mutualisation des équipements. Certains centres se dotent d'une plateforme avec du personnel expérimenté et un équipement de haut niveau afin de se spécialiser et de développer une expertise. Actuellement nous avons 18 robots commercialisés dans 9 pays et nous réalisons les 2/3 de notre chiffre d'affaires à l'exportation. Un résultat encourageant pour une petite entreprise qui commercialise depuis 2014. Nous attendons l'homologation américaine pour la fin de l'année ; ce marché américain constitue une opportunité cruciale de développement. L'International university of Florida de Miami est déjà équipée et plusieurs autres universités sont intéressées.

Comment se déploie la R&D chez Axilum Robotics ?

Notre premier robot, était une réponse à un besoin exprimé par un psychiatre des hôpitaux. Pour ce deuxième robot collaboratif nous avons rendu la technologie plus accessible, tout en garantissant un haut niveau de sécurité.
À Strasbourg, notre équipement est utilisé dans un projet de recherche sur des protocoles de stimulation personnalisés, après IRM fonctionnel, qui permet de définir des zones hyper ou hypo actives dans le cortex des patients. Notre équipement a également été utilisé dans un projet de recherche dans les douleurs neuropathiques chroniques mené par l’APHP, avec les Centre de traitement de la douleur du CH Ambroise Paré de Boulogne Billancourt et du CHU de Nantes. Les résultats sont attendus en fin d'année.
Nous explorons également d’autres applications, en dehors de la TMS, et sommes en particulier impliqués dans un projet collaboratif de R&D avec utilisation d'ultrasons pour l’ouverture de la barrière hémato-encéphalique.
Dans les années qui viennent, l'assistance robotisée peut trouver bien d'autres nouvelles applications et de nombreux gestes techniques médicaux et chirurgicaux peuvent être améliorés par la robotisation.

 Pour en savoir plus
https://www.youtube.com/watch?v=WuClCHec-_k
http://www.axilumrobotics.com/video-de-demonstration-de-tms-cobot/

 L.J, septembre 2018


Artistes et robots au Grand Palais

Une machine peut-elle ressentir des émotions ? Imaginer ? Créer ? La réunion des musées nationaux a accueilli pendant trois mois une trentaine de robots et leurs créateurs au Grand Palais. Les voûtes métalliques, contemporaines de Jules Vernes et du Nautilus, fraternisent avec de fascinantes machines à créer, peindre ou dessiner, aux mécanismes visibles ou invisibles pour que la magie opére, et d'étranges androïdes…

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Catherine Ikam et Louis Fléri (Visages en nuages de points, 2017)

Aux pionniers, Vera Molnar (Structure de quadrilatères, 1986) et l'art cinétique ou Jean Tinguely et ses machines à peindre (Méta-matics n°9, 1959), succède toute une génération de docteurs en interaction "homme-machine" et de franc-tireurs de l'intelligence artificielle. Ils n'ignorent rien de la programmation, des algorithmes informatiques et utilisent le digital pour réaliser en collaboration avec des programmes robotiques : tableaux, installations immersives, musique, sculptures ou cinéma.

Gaie, inquiétante ou poétique mais toujours connectée, cette fascinante rencontre du troisième type se déroule  en trois temps…
Dans un premier, dotés d’une forme de raisonnement et de capacité de perception grâce à l'informatique, les robots dessinent, peignent ou gravent (So Kanno et Takahiro Yamaguchi, Senseless Drawing Bot, 2011).

5. mail So Kanno T Yamaguchi Senseless Drawing Bot

Dans la deuxième séquence, les robots sont programmés,  invisibles pour mieux fasciner le spectateur à l'image des étranges végétaux de Miguel Chevalier qui se penchent sur le visiteur (Extra-Natural, 2018).
Enfin, dans un dernier temps, on questionne l’Intelligence Artificielle, ce deep learning qui rend la machine autonome, comme l'installation vidéo-générative de Catherine Ikam et Louis Fléri (Visages en nuages de points, 2017). D'ailleurs, certains artistes sont parfois prêts à fusionner avec la machine comme Orlan dans ORLAN ET ORLANOÏDE, Strip-tease électronique et verbal (2017).

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Robots et artistes, tous interrogent sur la relation entre l'homme et la machine. Que peut faire un robot que ne peut pas faire un artiste ? Qui décide vraiment ? L'homme, la machine, l'ingénieur ou le spectateur ? Les machines pensantes qui ont été exposées au Grand Palais nous interrogent sur nous-même.  Le robot nous rendra-t-il plus humain, plus artiste ou plus robot ?

Pour compléter votre lecture : Les nouvelles technologies au service de l'art

par Laurent Joyeux