Le CNRS ou valoriser la recherche française et lutter contre l'obscurantisme

Le CNRS fête en 2019 ses 80 années d’existence et d’expériences. L’année-anniversaire du CNRS a débuté le 1er février, en présence d’Edouard Philippe premier ministre, à l’occasion de la première convention des directeurs et directrices de laboratoires du CNRS et de ses partenaires. Plus de 800 d’entre eux ont participé à cette journée d’échanges, occasion pour les différents intervenants de revenir sur les priorités fixées par l’organisme : maintenir l’excellence de la recherche française et la faire rayonner sur la scène internationale, multiplier les partenariats socio-économiques et promouvoir la science ouverte.

Par Cécile Menu. 

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« Nous devons pouvoir lutter à arme égale pour que la France conserve sa place sur la scène internationale. » rappelait Antoine Petit, président-directeur général du CNRS, qui a présenté les cinq ambitions du CNRS à savoir développer : plus de partenariats académiques forts, plus de relations avec le monde économique - avec la création récente de la délégation générale liée à l’innovation et l’étude d’un fonds d’investissement deep tech-, plus de lien avec la société- avec la naissance d’une fondation CNRS-, plus de pluridisciplinarité (notamment sur les questions de l’intelligence artificielle, de la santé, du développement durable…) et enfin plus d’ouverture à l’international. « Avec ses partenaires, le CNRS doit mettre, au cœur de son ambition, l’avancée des connaissances pour le rayonnement de la France, pour une société de progrès et pour des innovations de rupture, la France continuera à être fière de son CNRS » concluait A. Petit.

Édouard Philippe annonçait quant à lui que 400 millions d’euros seraient injectés dans les laboratoires de recherche d’ici 2025 et a demandé « l’élaboration de la loi de programmation pluriannuelle pour la recherche pour donner des moyens et de la visibilité ».

LES CENTRES DE RECHERCHE

Le CNRS (1939)
Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), créé en 1945 pour développer toutes les applications issues des sciences de l’atome, est un organisme public de recherche à caractère scientifique, technique et industriel – EPIC (http://www.cea.fr/). 

Le Centre National d’Études Spatiales (CNES – 1961), EPIC, propose aux pouvoirs publics la politique spatiale de la France et la met en œuvre dans 5 grands domaines stratégiques : Ariane, les Sciences, l’Observation, les Télécommunications et la Défense (https://cnes.fr/fr).

L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm -1964), ex-Institut national d’hygiène (INH), dédié à la recherche biologique, médicale et à la santé humaine, il se positionne sur l’ensemble du parcours allant du laboratoire de recherche au lit du patient (https://www.inserm.fr/).

L’Institut de Recherche en Informatique et Automatique (Inria – 1967) devenu l'Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria – 1979) aujourd’hui Institut national de recherche dédié aux sciences du numérique, promeut l'excellence scientifique et le transfert pour avoir le plus grand impact (https://www.inria.fr/). 

L’Agence nationale de valorisation de la recherche (Anvar – 1967), un EPIC qui avait pour mission de soutenir le développement industriel et la croissance par l'aide à l'innovation, notamment technologique, et de contribuer à la mise en valeur des résultats de la recherche scientifique et technique, a été transformé Oseo SA elle-même absorbée par Bpi France (dont les deux actionnaires à parts égales sont l’État et la Caisse des dépôts). Bpi France (https://www.bpifrance.fr/) agit en appui des politiques publiques conduites par l’État et par les Régions pour accompagner la croissance des entreprises, préparer la compétitivité de demain et contribuer au développement d’un écosystème favorable à l’entrepreneuriat). 

Le Centre d’étude du machinisme agricole du génie rural, des eaux et des forêts (Cemagref – 1981), renommé en 2011 Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA https://www.irstea.fr/fr), est un établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) dont la vocation est de conduire une recherche environnementale concentrée sur l’eau, les écotechnologies et l’aménagement des territoires.

Enfin, l'Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer (Ifremer – 1984), en tant qu'institut de recherche intégré en sciences marines, l’Ifremer, contribue au système de recherche et d’innovation national, ainsi qu'à l’espace européen de la recherche (https://wwz.ifremer.fr/).

Retour sur l’histoire du CNRS, plus grand organisme de recherche en Europe

Six semaines après l’invasion de la Pologne par l’Allemagne nazie, le président de la république Albert Lebrun signait, le 19 octobre 1939, un décret donnant le jour au Centre national de la recherche scientifique – CNRS. Dans ce contexte, le CNRS avait pour mission d’organiser la mobilisation scientifique à travers le pays. « Le CNRS n’est pas né ex nihilo. Il prend la suite d’un long cortège de réflexions et de réformes sur l’organisation de la recherche, qui remonte au moins à la conception de l’Académie des sciences en 1666 ». C’est sous la Troisième République que l’impulsion sera donnée souvent à l’initiative des savants eux-mêmes comme Louis Pasteur qui se plaignait de « la faiblesse de notre organisation scientifique ». Plusieurs réformes de l’enseignement supérieur verront le jour, marquées par une hausse des budgets et l’émergence des facultés et des établissements tels que le Collège de France (ancien Collège Royal), le Museum d’histoire naturelle et, l’Institut pasteur en 1888.

La naissance d’une politique scientifique

En 1901, la Caisse nationale de recherche scientifique apparaissait. En 1926, le chercheur Jean Perrin, découvreur du nombre d’Avogadro, prix Nobel, créait l’institut de biologie physico-chimique avec le soutien de la Fondation Rothschild « pour percer les secrets les plus dissimulés de la nature ». Il obtint du gouvernement Herriot la mise en place en 1930 de la Caisse nationale des sciences. Elle deviendra la Caisse nationale de la recherche scientifique. Puis le gouvernement Daladier créera le conseil supérieur de la recherche destiné à proposer les orientations d’une politique scientifique.

Avec Jean Zay, jeune ministre de l’Education nommé sous le gouvernement Léon Blum, un service central de recherche est créé en 1936, prémices de la naissance du CNRS. Jean Zay nommera Jean Perrin sous-secrétaire d’Etat à la suite d’Irène Joliot-Curie ; ensemble, ils jetteront les bases d’une politique scientifique. Ces deux pères fondateurs du CNRS, un savant et un homme politique, reposent désormais au Panthéon.

Sous l’Occupation, l’établissement comptant déjà une quarantaine de laboratoires essentiellement basés en région parisienne n’échappe pas à la loi anti-juive et se voit privé de chercheurs et ingénieurs. À la Libération, Frédéric Joliot-Curie puis son successeur Georges Teissier, « entendent associer les « travailleurs scientifiques » à la définition des enjeux de la recherche et de la politique scientifique du pays ». Sous l’impulsion du général de Gaulle de nouveaux organismes de recherche sont créés tels que le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et un Parlement de la science voit le jour en 1945. Dès la période d’après-guerre, le CNRS se ramifie de l’Île-de-France à la province (Grenoble, Marseille, Strasbourg, Toulouse…). « Il contribue au développement de domaines qui peinent à trouver leur place au sein de l’Université » telle que la génétique au campus de Gif-sur-Yvette.

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La recherche sous la Ve République devient une priorité

La recherche sous la Ve République devient une priorité, elle est sous la tutelle d’un ministère d’État et les budgets s’accroissent (+25 % pour le CNRS jusqu’en 1969).
Une réforme majeure intervient en 1966, le statut des « laboratoires associés est créé favorisant le rapprochement avec l’Université » puis les programmes interdisciplinaires de recherche se développent dont le premier est consacré à l’énergie solaire.

Le CNRS reçoit un nouvel élan sous la présidence de François Mitterrand durant laquelle la loi d’orientation et de programmation sera votée (1982), inscrivant la recherche scientifique et le développement technologique parmi les priorités nationales de la France. Le CNRS devient le premier « établissement public à caractère scientifique et technologique » (EPST) ; ses personnels sont désormais titulaires de la fonction publique. De nouveaux programmes interdisciplinaires sont consacrés à l’énergie, aux matières premières, aux matériaux, à la connaissance des océans ou à l’innovation thérapeutique. Le CNRS s’appuie sur sept départements, couvrant la physique nucléaire et corpusculaire, les mathématiques et la physique de base, les sciences pour l’ingénieur, la chimie, les sciences de l’Univers, les sciences de la vie et les sciences humaines et sociales. Dès lors, le CNRS poursuit une politique ambitieuse de valorisation lui permettant de relever les grands défis du nouveau millénaire.

Un « Tour du CNRS » pour fêter son anniversaire

Pour fêter les 80 ans du CNRS, l’année sera marquée par des célébrations sur tout le territoire national et à l’étranger. « Nos connaissances bâtissent de nouveaux mondes », tel sera le slogan qui les accompagnera tout au long de l’année.
« Cette année-anniversaire est une opportunité de s’adresser à tous les publics : aux citoyens, aux personnels, à nos partenaires académiques ou industriels, en France et à l’étranger, au monde de l’éducation, aux décideurs politiques. »
Plus de 300 projets ont été acceptés et labellisés, à la suite d’un appel à projet auprès de ses laboratoires. Evénements de proximité, tables rondes, visites de musées et de laboratoires de recherche marqueront ce Tour du CNRS. Pour exemples, dans le cadre de la Journée nationale de l’audition du 12 mars : une soirée de musique et de conférences sur le thème la santé de nos oreilles aura lieu au Théâtre Traversière à Paris ; en septembre, l’observatoire Midi-Pyrénées (OMP) ouvrira ses portes et ses laboratoires au grand public. Un projet « punk is not dead » retracera l’histoire de la scène Punk des années 76 à nos jours. Point d’orgue de ces rendez-vous, la 7e édition du forum du CNRS accessible à tout public, se tiendra en octobre à Paris.

Chacun de ces événements célébrera les valeurs au fondement de cette grande institution : « la liberté de la recherche, l’avancée des connaissances, le travail en équipe, l’excellence scientifique, l’innovation et le transfert, le progrès social, la diffusion de la culture scientifique comme antidote aux contre-vérités et à l’obscurantisme ».


Sources :
https://80ans.cnrs.fr/ 
https://80ans.cnrs.fr/wp-content/uploads/2019/02/jdc295_complet_bd2-2.pdf

Recherche et santé, les alliances

Dans certains domaines clés, des alliances ont été créées dont la vocation est de « décloisonner, renforcer la coordination des travaux et rapprocher les différents acteurs de la recherche. Elles coordonnent les principaux acteurs d'un domaine afin, notamment, de concevoir des programmes thématiques de recherche et de développement cohérents avec la stratégie nationale ». Un Consortium de valorisation thématique (CVT) est une structure de coordination des actions de valorisation des membres d’une alliance thématique ou d’établissements de recherche publique dont ils dépendent. Il existe 5 CVT - voir organigramme - dont l'Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan) créée en 2009. Ses membres fondateurs sont l’INSERM, le CEA, la Conférence des directeurs généraux de CHU (DG-CHU), le CNRS, la Conférence des présidents d’université (CPU), l’Inra, l’Inria, l’Institut Pasteur et l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Ces 9 acteurs déterminants de la recherche ont mis en commun leurs ressources, leur savoir-faire et leurs équipes. La Présidence d’Aviesan est aujourd’hui assurée par l’Inserm. Aux membres fondateurs de l’alliance Aviesan s’ajoutent des membres associés : ARIIS (l’Alliance pour la recherche et l’innovation des industries de santé), le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI), l’ Établissement français du sang (EFS), la Fondation Mérieux, l’Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), l’Institut Curie, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), l’Institut de recherche biomédicale des armées (Irba), l’Institut Mines-Télécom et Unicancer.

Le 23 octobre 2017, les Président du CNRS et de l’Inserm d’alors signaient une convention cadre afin de poursuivre leur collaboration pour une soixantaine de structures en cotutelle. Elle concerne des infrastructures nationales, des grands programmes de recherche et le dispositif Atip-Avenir (appel d’offres visant permettre à de jeunes chercheurs de mettre en place et d’animer une équipe, au sein d'une structure de recherche affiliée à l'Inserm ou au CNRS). 


Sources :
http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid95542/les-consortium-de-valorisation-thematique-c.v.t.html
https://www.inserm.fr/actualites-et-evenements/actualites/convention-cadre-inserm-cnrs
https://www.inserm.fr/connaitre-inserm/partenariats-recherche/organismes-recherche

Le CNRS en quelques chiffres
22 prix Nobel
1 100 laboratoires
33 000 personnes
50 publications par an
21 accords-cadres avec des grands groupes
1 400 startups créées depuis vingt ans
1 200 licences actives
5 600 brevets
Le CNRS est présent dans le monde avec 38 unités mixtes internationales (UMI) et 26 unités mixtes de l’institut de recherche français à l’étranger.
30 % de chercheurs étrangers, la moitié des publications sont cosignées
CNRS : 1er au classement mondial des institutions de recherche (classement Nature Index 2017)

 

par Cécile Menu