(c) Fondation Gueules cassées

Les Gueules cassées en lutte contre le trauma crânien

Chaque année, la Fondation des « Gueules cassées », créée par l’Union des Blessés de la face et de la tête (UBFT), récompense un chercheur qu’elle suit depuis plusieurs années et dont les travaux sont prometteurs. Rencontre avec Olivier Roussel, directeur général de l’association et de la Fondation des Gueules Cassées.

Visionnez l'interviewd'Olivier Roussel, directeur général de l'association et de la Fondation des gueules cassées. : en cliquant ici

propos recueillis par Laurent Joyeux.

LaurentJoyeux

Quel est votre parcours au sein de l’UBFT ?

C’est une histoire de famille ! Mon grand-père était une gueule cassée de 14-18 et j’ai été élevé dans l’esprit de cette association. Étudiant en droit, je faisais de la photo et contribuait au journal de l’association. Comme je ne voulais pas rester derrière un bureau, après mon service militaire, je suis entré au service de l’association, qui relançait alors la Loterie Nationale* au travers du Tac-O-Tac, premier billet comportant un coupon grattable. Puis j’ai pris en charge la partie associative et sociale de l’UBFT et je m’attache, depuis 35 ans, à maintenir les valeurs de l’association et celles de ses fondateurs visionnaires.

Quelles sont les actions de l’association ?

L’Union des blessés de la face et de la tête a été créée après la Grande Guerre, en 1921, pour venir en aide aux nombreux mutilés de la face. Aujourd’hui, elle accueille les blessés français de tous les conflits et ceux des opérations extérieures, mais aussi les pompiers, les policiers et les gendarmes qui mettent leur vie en danger dans le cadre du maintien de la sécurité de leurs concitoyens.
Aujourd’hui, le syndrome post-traumatique, est reconnu comme une blessure par un titre de pension militaire. Ces blessés représentent 40 % des nouveaux inscrits de notre association. Notre action concerne l’aide sociale aux blessés et à leurs conjoints, le devoir de mémoire et l’équipement médical des hôpitaux militaires. Par ailleurs les dividendes de la  Française des jeux dont nous sommes actionnaires nous permettent d’aider d’autres associations du monde combattant.

 

L’UBFT a créé cette Fondation en 2001, en signe de reconnaissance au corps médical. Ce mécénat soutient la recherche sur les traumatismes de la tête. Les travaux de la Fondation ont commencé en 2002 et nous avons déjà distribué plus de 20 millions d’euros issus des produits financiers de la dotation. Nous sommes toujours autofinancés et ne recevons aucune subvention publique.

 

Et celles de la Fondation des Gueules Cassées ?

L’UBFT a créé cette Fondation en 2001, en signe de reconnaissance au corps médical. Ce mécénat soutient la recherche sur les traumatismes de la tête. Les travaux de la Fondation ont commencé en 2002 et nous avons déjà distribué plus de 20 millions d’euros issus des produits financiers de la dotation. Nous sommes toujours autofinancés et ne recevons aucune subvention publique.

Comment travaille le comité scientifique ?

Dès la création de la Fondation, le comité scientifique a été constitué de 15 éminents médecins. Il se renouvelle au fil des ans. Les nouveaux membres, cooptés, sont issus de toutes les spécialités qui concernent la tête : chirurgie réparatrice maxillo-faciale et réparatrice, ophtalmologie, ORL, cellules souches, etc. Chaque année, le comité décide d’un thème qui est diffusé à toutes les unités de recherche au mois de décembre. En mars, les chercheurs adressent des dossiers complets. Le comité scientifique donne son avis et soumet les dossiers retenus au conseil d’administration responsable de la validation financière. Le nombre de dossier est en très forte augmentation. Il est passé de 29 en 2002 à plus de 80 en 2019. Le corps médical est reconnaissant de notre action car la recherche connaît des difficultés financières et ce type de pathologie intéresse peu les autres mécènes. En moyenne nous soutenons entre 40 et 60 dossiers par an. Le prix de la Fondation est décerné à une équipe que nous soutenons depuis plusieurs années de suite et en qui nous mettons beaucoup d’espoir.


* Entre 1931 et 1933, des associations de blessés de guerre, Les Gueules cassées et les Ailes Brisées entre autres, lancent une tombola pour récolter des fonds : « La Dette ». Son succès immense est à l’origine de la Loterie nationale en 1933. Les gueules cassées ont l’idée de racheter à l’État ses billets d’une valeur de 100 francs et de les fractionner : les 10e de la Loterie nationale sont nés. Ils sont à l’origine du patrimoine financier de l’association qui détient aujourd’hui 9,8 % du capital de la  Française des jeux.

Cette année, le prix 2019 de la Fondation des Gueules cassées, décerné au professeurCatherine Marchand-Leroux et son équipe, récompense ses travaux sur les nouvelles cibles thérapeutiques pour la prise en charge du trauma crânien.

Première cause de mortalité chez les jeunes, le traumatisme crânien concerne également les sportifs, les accidents de la route ou les chutes de personnes âgées. Environ 20 000 personnes en sont victimes chaque année en France, la moitié en gardera des séquelles.
Avec son équipe, le Pr Marchand-Leroux, membre de l’Académie nationale de médecine, travaille sur les symptômes neuro-inflammatoire et leur évolution dans le temps.
En effet, à la suite d’un choc, le cerveau subit une lésion primaire à réponse non inflammatoire, suivie, dans les jours et les mois qui suivent, d’une lésion secondaire, neuro-inflammatoire. Celle-ci provoque une altération de la substance blanche du cerveau et a des conséquences importantes en termes de déficits moteurs et cognitifs : prises de décisions altérées, troubles de l’attention et de l’apprentissage, anxiété, dépression, stress post traumatique, augmentation de la prise de risque…
L’étude porte en particulier sur la double action de la microglie. En effet cette cellule libère, d’une part, des substances toxiques détruisant la gaine protectrice des fibres nerveuses, la myéline, et d’autre part, libère des facteurs trophiques propres à leur réparation. Les chercheurs visent à faire basculer son action de la toxicité vers la protection. Ils s’intéressent également l’effet de l’enzyme PARP sur la régénération de la myéline.
Pour le Pr Marchand-Leroux, les 50 000 euros du Prix vont permettre « de démarrer des essais in vivo avec des molécules dont on sait qu’elles peuvent faire bouger le processus neuro-inflammatoire et donc le ratio démyelinisation/remyélinisation ».