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Vers un "Espace numérique de santé" 

La question du numérique en santé est l’un des chantiers phares du plan gouvernemental « Ma Santé 2022 » avec notamment la volonté de mettre en place un « Espace numérique de santé ». Un projet ambitieux pour une France qui semble « fâchée » depuis de nombreuses années avec le numérique dans le secteur… Comment sortir de l’ornièrec (1) ?

Par Laure Martin

LaureMartin

Dominique Pon, responsable stratégique de la Task force numérique en santé – avec Annelore Coury – a rendu en septembre le rapport Accélérer le virage numérique. Loin d’être « tendre » avec le système actuel, il dénonce des usagers oubliés, une offre professionnelle morcelée, des outils inexistants et prône la mise en place d’un mécanisme de changement. C’est d’ailleurs l’objectif de « l’Espace numérique de santé ». Une solution qui paraît audacieuse lorsqu’on constate le temps qu’ont pris le déploiement et l’adoption du Dossier médical partagé (DMP). Et encore… si aujourd’hui les Français semblent y adhérer, c’est moins le cas des professionnels de santé. Un Espace numérique ne serait-il alors pas trop ambitieux ? « Je ne l’espère pas », reconnaît Dominique Pon. Et d’expliquer : « On fantasme une solution qui viendrait résoudre tous les problèmes du numérique mais comme ce n’est pas possible, cela génère une frustration. La solution va être dans un mouvement collectif. Il n’y aura pas de grand soir du numérique. Il faut construite ensemble ce virage, avec humilité, pas à pas. »

Dominique Pon propose de présenter les services numériques de manière simplifiée c’est-à-dire sous la forme d’un bouquet de services numériques car actuellement selon lui « le grand manque, c’est la simplicité »

Médecins, patients, sont-ils prêts ?

« L’Espace numérique de santé, c’est offrir un bouquet de services, un portail d’informations ou encore des informations personnalisées aux patients, et nous y sommes complétement favorables », rapporte Magali Léo, responsable du plaidoyer de l’association Renaloo, membre de France Assos Santé. Et de poursuivre : « Les patients sont prêts. On le voit avec le taux d’ouverture des DMP. Cela fonctionne même si c’est lent. Ils se sont emparés des outils numériques, on observe une montée en charge des blogs, des forums, des associations de patients. » Néanmoins, il faut faire attention à la dématérialisation de tous les services.

Les Français et le numérique 

Un sondage réalisé par BVA* pour les Contrepoints de la santé sur les Français et le numérique révèle que la confiance des répondants en l’action de l’exécutif en matière de santé en hausse par rapport à la fin de l’année 2018 (37 % vs 32 %). Pour deux tiers des Français, le numérique est un atout évident pour améliorer le système de santé. D’ailleurs, ils se sont largement appropriés le DMP. 77 % des répondants savent ce dont il s’agit, un quart des Français en ont ouvert un et bientôt, le cap des 2/3 sera franchi. Néanmoins, l’enthousiasme des répondants reste mesuré pour un espace numérique grand public dédié à la santé, puisque seuls 17 % se disent fortement intéressés.
* Enquête quantitative réalisée par internet du 5 au 6 mars 2019. 1005 Français âgés de 18 ans et plus ont été interrogés. 


Le blocage viendrait donc davantage du côté des professionnels de santé. « Je crains que l’Espace numérique de santé soit une voiture qui aille trop vite et qui passe derrière la barrière de sécurité », alerte Antoine Reydellet, président de lIntersyndicale nationale des internes (Isni). Et de rappeler la présence de zones blanches rendant impossible pour le moment la généralisation de l’utilisation de cet Espace numérique de santé sur l’intégralité du territoire français. La fracture numérique est réelle. « De plus, les professionnels de santé ont déjà des difficultés avec le DMP car ils n’y sont pas formés », souligne-t-il. Alors avec l’Espace numérique de santé... Peut-être faudrait-il débuter par des formations ? L’Assurance maladie aurait d’ailleurs un rôle à jouer en accompagnement les professionnels dans l’appropriation des outils.

Une situation que comprend Dominique Pon d’autant plus que les outils ne sont pas interopérables entre eux, rendant difficile la navigation entre le DMP, la messagerie sécurisée, les plateformes régionales.

Quelle solution ?

Dominique Pon propose de présenter les services numériques de manière simplifiée c’est-à-dire sous la forme d’un bouquet de services numériques car actuellement, « le grand manque, c’est la simplicité, explique-t-il. Les médecins ne veulent pas cinq ou six outils différents ». Et de poursuivre : « Si nous voulons une solution cohérente, il faut mettre en place une plateforme qui reçoivent des outils numériques développés par tous et éviter qu’elle soit mise en place par les Gafa. Les pouvoirs publics doivent donc la construire. » Son objectif est de proposer la plateforme pour janvier 2022. Pour que la plateforme fonctionne et qu’elle soit adoptée, « il faut être humble, poursuit-il, proposer un principe d’interface simple, peu couteux. Cela se fait déjà dans de nombreuses régions et c’est ce que nous appelons de nos vœux ». Il prévoit d’ailleurs la rédaction d’une doctrine, un document de référence en numérique pour l’ensemble des acteurs du secteur. Selon Dominique Pon, l’investissement pour la plateforme sera de quelques dizaines de millions d’euros. Quant à la gouvernance, qui doit se faire à l’échelon national, elle n’est pas encore arbitrée. « Il faut déjà définir ce que nous souhaitons comme doctrine et nous allons d’ailleurs mobiliser l’ensemble des acteurs pour aligner une feuille de route d’ici la fin de l’année, sur la politique du numérique en santé », explique-t-il. Viendra ensuite le temps du « comment faire pour y parvenir » avec une réflexion sur une gouvernance lisible, visible et simple, avec un bras armé au niveau de l’Etat. « Les professionnels de santé veulent consacrer du temps aux soins et le numérique doit les y aider », conclut-il.

Note

(1) Question débattue  aux Contrepoints de la santé le 14 mars 2019

 

par Laure Martin

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