Alimentation déséquilibrée chez les jeunes (c) VOISIN/PHANIE

Évolutions du comportement alimentaire des jeunes [Congrès pédiatrie]

En 20 ans, les comportements alimentaires des enfants ont changé (1). Certaines familles d’aliments sont nettement moins consommées, remettant ainsi en cause l’équilibre nutritionnel pourtant essentiel à la santé des jeunes.

par Carole Ivaldi.

Carole Ivaldi

Une alimentation moins équilibrée

Entre 2007 et 2016, la consommation de viande, de charcuteries et de poisson baisse d’environ 15 à 20 % pour les enfants de 3 à 10 ans, tandis que celle des oeufs diminue de 25 à 30% (- 25 % chez les 3 à 6 ans ; -32 % chez les 6-10 ans).

Sur la même période, le lait et le fromage enregistrent également une baisse spectaculaire : -31 % chez les 3-6 ans  et - 21 % chez les 6-10 ans.

Ceci s’explique par le fait qu’en 2013, 25 % des 7-14 ans et 40 % des 15-17 ans ne prennent pas un petit-déjeuner tous les jours, or 70 % du lait est consommé au petit-déjeuner. Pour le Pr Patrick Tounian, chef du service nutrition et gastroentérologie pédiatrique à l’hôpital Trousseau, cette baisse a pour conséquence une diminution des apports en calcium : « le nombre d’enfants en dessous du BNM (besoin nutritionnel moyen) en calcium est en augmentation et est passé entre 2010 et 2016 de 4 à 20 % chez les 3 à 5 ans, et de 20 à 37% chez les 6-8 ans. » Autres facteurs incriminés : la diminution de la quantité de lait prise au petit-déjeuner, ainsi qu’un désengagement des parents lors de ce repas, les enfants se préparant eux-mêmes leur petit-déjeuner.

Côté légumes, forte baisse également : - 23% chez les 3-6 ans ; - 15 % chez les 6-10 ans. En 2016, 45 % des enfants de 3 à 17 ans consomment moins de deux portions de fruits et légumes par jour, et seuls 6 % consomment les cinq portions recommandées.

En résumé, on note pour les enfants âgés de 3 à 10 ans, une baisse de la diversité alimentaire.

A l’opposé, les produits « pratiques » comme les pizzas et quiches (+ 39 %), les sandwichs (+ 23 %), le riz, la semoule (+17 %), les plats composés (autour de 10 %) et les pâtes (+ 9%) ont par contre le vent en poupe chez les enfants de 6-10 ans.

Pourquoi ces évolutions ?

1/Évolution des modes de vie des familles

Les modes de vie des parents ont évolué : le temps consacré à l’alimentation est en baisse constante depuis les années 50. De multiples facteurs comme le travail croissant des femmes, le déploiement des hypermarchés, des fast-food, des plats préparés, des multiples robots, congélateurs, micro-ondes ont eu une incidence importante sur le comportement alimentaire des Français, parents comme enfants. Le temps passé à cuisiner et à prendre des repas en famille s’est nettement réduit à cause notamment du temps passés devant les écrans et dans les transports. Les grands gagnants de ces évolutions sont les plats rapides à préparer, les plats industriels prêts à manger.


"De multiples facteurs comme le travail croissant des femmes, l'extension des hypermarchés et des fast-food, la multiplicité des plats préparés, etc. ont eu une incidence importante sur le comportement alimentaire des Français, parents comme enfants."

2/ Apparition de comportements d’éviction

Pour Pascale Hebel, directrice du pôle consommation et entreprises du Credoc, « la crise économique de 2008 a conduit les familles à orienter l’alimentation vers des produits moins coûteux comme les pâtes, les pommes de terre et à réduire la consommation de viande. Cependant, l’évolution des assiettes des enfants est aussi liée à l’attention portée par les parents à des considérations écologiques et de prévention santé. » Le changement climatique a notamment marqué les esprits et provoqué un système de nouvelles croyances qui a eu un fort retentissement sur les pratiques alimentaires des familles. La baisse de consommation de viande en est une illustration.

En 2018, 91% des foyers interrogés pensent que la manière de manger a une influence sur leur état de santé, en hausse de 6 points depuis 2003. Cette idée s’est traduite par l’émergence de divers régimes alimentaires d’éviction. La limitation de la consommation de viande est une réelle tendance de fond puisque 35 % des adultes interrogés ont pratiqué cette baisse en 2018, en augmentation de 2 % en deux ans.

Les régimes sans gluten et sans lactose sont plus confidentiels car pratiqués respectivement par 2 et 3 % des adultes en 2018.

3/ L’environnement, préoccupation croissante des plus jeunes

L’environnement devient une préoccupation des plus jeunes (18-22 ans) à partir de la génération « low cost », c’est-à-dire de ceux qui sont nés entre 1967 et 1976. C’est encore plus vrai pour la générations des « nomades » (nés entre 1987 et 1996) qui sont 22 % à l’être et pour 27% de la génération « mieux manger » (nés entre 1997 et 2006).

Pour le Pr Patrick Tounian, « ne pas faire de mal aux animaux et les considérations environnementales sont les deux principales motivations des enfants et des adolescents pour ne plus manger de produits d’origine animale. La maltraitance animale vue dans certains documentaires, la promotion d’un repas végétarien à l’école et les prises de positions de certaines stars peuvent expliquer l’engouement des jeunes pour le végétalisme. Or une alimentation strictement végétalienne conduit inéluctablement à des carences nutritionnelles dont les enfants et les adolescents subiront les conséquences toute leur vie. »

"Ne pas faire de mal aux animaux et les considérations environnementales sont les deux principales motivations des enfants et des adolescents pour ne plus manger de produits d’origine animale."

Dangers du végétalisme

Les carences induites par le végétalisme (régime alimentaire excluant tous les aliments d’origine animales) sont multiples : fer, calcium, vitamine D, vitamine B12 et DHA. « Les conséquences sont principalement neurologiques (retard intellectuel, troubles psychiatriques, séquelles neurologiques), et osseuse (augmentation du risque de fractures). Ce régime nécessite donc une supplémentation afin que l’enfant ou l’adolescent n’en garde pas de séquelles toute sa vie. »

Note

(1) Enquête du Crédoc 2019, CCAF 2016 (comportements et consommations alimentaires en France) réalisée auprès de 1200 ménages, méthodologie équivalente à celle suivie lors des enquêtes 2004, 2007, 2010, 2013, 2016 et 2019.

 

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par Carole Ivaldi (juillet 2019)