Comment maîtriser le flot émotionnel d’un patient en consultation ?

Lors de ses consultations, un médecin peut se trouver dans un conflit de loyauté entre la représentation qu’il a de son rôle de soignant et le temps dont il dispose. C’est pourquoi certains évitent d’échanger avec des patients par peur d’un débordement émotionnel qu’ils considèrent comme chronophage. Les « Questions de l’ELFE », technique de communication qui a fait ses preuves, aident à canaliser les échanges d’une façon plus dynamique et satisfaisante tant pour le patient que son médecin.

La crainte de prendre du retard

Cette difficulté relationnelle se retrouve plus fréquemment auprès de généralistes qui suivent des patients atteints de pathologies chroniques. Un carnet de rendez-vous chargé, une urgence et ils redoutent les échanges qui prennent trop de temps et pénalisent les autres patients. Une certaine proximité dans la relation patient/médecin peut favoriser le monologue émotionnel qui ressemble alors à une « prise d’otage ».

Une volonté paradoxale de se tenir à distance

Repérant rapidement ces comportements, certains médecins mettent en place toutes sortes de stratégies pour tenir à distance ou éviter de provoquer ce type d’échanges à sens unique. Et en même temps, ils se reprochent de ne pas être assez disponibles sachant que l’expression des mots participe au soin des maux.

La méthode des Questions de l’ELFE

Issue des travaux de Marian Stuart, psychothérapeute, et Joseph Lieberman, psychiatre, sur la distinction entre les médecins qui possèdent un don pour communiquer et ceux qui ne l’ont pas, cette technique est très facile à apprendre. Le Dr David Servan Schreiber la présente dans son livre « Guérir » * comme étant utilisée dans les camps de réfugiés où les équipes humanitaires ont peu de temps à consacrer à chacun. C’est une façon efficace et humaine d’entrer en contact avec quelqu’un et de l’aider à se sentir mieux (cf. encadré).

4 questions et une attitude

Il s’agit de poser 4 questions dans un ordre chronologique avec une réelle empathie
Q pour Question : « Que s’est-il passé ? »
Ecouter la personne souffrante en l’interrompant le moins possible pendant trois minutes maximum pour établir une connexion. En général, un médecin interrompt son patient au bout de 18 secondes ! (travaux Stuart et Lieberman)
E pour « Emotion ». « Quelle émotion avez-vous ressentie ? »
Ecouter le ressenti de la personne qui souffre plutôt que s’en faire une idée.
L pour « Le plus difficile ». « Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour vous ? » Focaliser l’esprit de celui qui souffre et lui éviter de partir dans toutes les directions.
F pour « Faire Face ». « Qu’est-ce qui vous aide le plus à faire face ? ». Orienter celui souffre vers les ressources qui existent déjà autour de lui et qui peuvent l’aider à s’en sortir, se ressaisir.
E pour « Empathie ».
Pour conclure l’interaction, exprimer avec des mots sincères ce que l’on a éprouvé en écoutant l’autre comme : « Je suis désolé(e) de ce qui vous est arrivé » ou « j’étais ému(e), moi aussi, en vous écoutant ».

En conclusion, le flot émotionnel se gère en allant à l’essentiel. L’intention sincère d’entrer en relation de celui ou celle qui conduit l’entretien favorise la rencontre et la compréhension sans jugement de valeur. Les patients se sentent entendus et les médecins satisfaits de contribuer à un soulagement en développant leur capacité d’écoute et de rapport aux autres.
Une seule chose à faire, s’entraîner, s’entraîner …à poser les Questions de l’ELFE pour être à l’aise.

* Guérir le stress, l’anxiété et la dépression sans médicaments ni psychanalyse
Editions Robert Laffont. Mars 2003

par Marie-Laure Voisard