Etudiants en burn out : le programme d'aide de la faculté de médecine de Poitiers

Stress, examens… étudiants en médecine et internes sont soumis à des pressions dont les conséquences (burn out, dérives suicidaires…) commencent à être prises en compte par les ministères de la Santé, de l’Enseignement supérieur, et les structures universitaires. Etat des lieux et retour d’expérience sur le projet Come In dédié au bien être des étudiants des facultés de médecine et de pharmacie de Poitiers.

 

Le 4 février dernier, à la suite du suicide d’une jeune interne en dermatologie à l’hôpital Cochin, l’Intersyndicale nationale des internes (Isni) adressait une Lettre ouverte à Agnès Buzyn.  Jean-Baptiste Bonnet, président de l’Isni, rappelait à la ministre que « c’est le devoir de tous les acteurs de santé − étudiant, interne, médecin, professionnel de santé, hospitalier, administratif, directeur, représentant, syndicaliste, associatif, enseignant, professeur, doyen, élu, conseiller, ministre −  individuellement et collectivement, de se protéger au même titre que les patients ». « Le bien-être dans notre exercice n’est pas qu’un droit, c’est un devoir », disait-il en invitant à changer de paradigme du système de prévention.

Revoir la pédagogie

Pour les étudiants, il devient nécessaire de revoir la façon d’enseigner, de former les enseignants à la pédagogie et de donner aux médecins du travail les moyens d’être efficaces dans leur observation des risques psychosociaux et des conditions de travail. En conclusion, Jean-Baptiste Bonnet appelait « à former chaque acteur de santé à percevoir les premiers symptômes qui mèneront, s’ils ne sont pas jugulés à la source, à un nouveau drame ». Dans la foulée, Agnès Buzyn, pour qui « la souffrance des futurs soignants est une préoccupation majeure »,  a commandé un rapport à une spécialiste des risques psychosociaux chez les étudiants en médecine, la psychiatre Donata Marra. Elle est appelée à apporter des éléments constructifs pour améliorer le dépistage, la prévention, les conditions de travail et de formation. Un exercice indispensable quand on considère que 66 % des étudiants en médecine souffrent d’anxiété contre 26 % pour le reste de la population.

Des initiatives locales : Come in à Poitiers

S’il n’existe pas jusqu’à présent de stratégie de prévention coordonnée, des initiatives locales se mettent en place pour prendre en charge les difficultés des étudiants de santé. Deux  facultés ont initié des projets de lutte contre le burn out et  pour la promotion de la santé : Paris Descartes  et Poitiers. Chef du service Santé publique du CHU de Poitiers et responsable de l’enseignement Santé publique à la faculté de médecine et de pharmacie de Poitiers, le professeur Virginie Migeot  présente le projet Come In dont elle est une des instigatrices à Poitiers. « Come In signifie Comité interface étudiants enseignants et répond à une demande croissante des étudiants en difficulté de parcours ou d’orientation ». Le projet Come in comporte trois axes : favoriser le bien-être des étudiants par le développement d’un environnement propice à leur épanouissement ; promouvoir la motivation par des temps d’information, de co-développement et de partages ; accompagner les étudiants en difficulté (sociale, alimentaire, médicale…) par des interventions individuelles ou collectives. Pour Virginie Migeot, il est indispensable de faire de la faculté de médecine un lieu de vie agréable « dans lequel vont grandir les étudiants pendant plusieurs années ».

Repérer les étudiants en difficulté

Come In  propose toute une palette d’outils pour les étudiants. Après une large campagne de communication,  une boîte mail anonyme traitée par des enseignants et le doyen (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.) est à leur disposition pour exprimer leur problématique (stress, fatigue, orientation, méthodologie de travail, adaptation de calendrier à une activité sportive…).  Parallèlement, des signalements en provenance de la scolarité  identifient des étudiants en difficulté scolaire ou sociale, en particulier les étudiants qui redoublent. L’équipe Come In est réactive : « Nous avons pris l’engagement de répondre aux demandes dans un délais de cinq jours ». L’étudiant est reçu en présentiel et orienté vers le service dédié où il est suivi par un professionnel et un professeur de santé. Concernant  l’aspect « bien être » du projet, des ateliers de sophrologie et une chorale ont été créés. « L’idée de ces activités rentre dans le champs de la promotion de la santé » ajoute Virginie Migeot.

Une thèse sur la prévention du burn out

Ronan Erard, interne en psychiatrie à la faculté d emédecine de Poitiers

Ronan Enard, interne en psychiatrie,  prépare sa thèse avec le professeur Migeot. Son sujet, qu’il a dû ajuster devant la difficulté

d’avoir un groupe contrôle dans la population étudiante, est au cœur du débat : promotion de la santé et du bien-être, prévention du burn-out chez les étudiants dans le domaine de la santé. Il se propose de recenser les attentes des étudiants en matière de prévention de la santé et, en particulier, de porter un regard extérieur sur l’action de Come In et de sa chorale. Ouverte à tous, elle rassemble futurs médecins, pharmaciens, sages-femmes ou orthophonistes.  Parallèlement, Ronan Enard étudie la bibliographie sur les actions menées au sein des différentes universités en France. « Il y peu d’échange entre les facultés sur ce sujet,mais il y en a... ».

Un bon accueil des étudiants

Contacté par un de ses professeur pour participer aux ateliers de sophrologie et à la chorale, Tony, en troisième année de pharmacie à la faculté de Poitiers trouve le projet Come In « super intéressant ! ».  Pour lui, il permet d’instaurer une bonne communication entre les professeurs et les étudiants qui peuvent s’exprimer : « A la fac nous sommes trop dans le professionnalisme, il faut être parfait, ici on peut être nous-même ».

Projet pilote, Come In est soutenu par l’université de Poitiers et suivi de près par le ministère de la Santé et les autres universités. Virginie Migeot a été auditionnée récemment par Donata Marra, la rapporteuse du rapport interministériel. A terme, ces initiatives devraient se généraliser dans les facultés.

par Laurent Joyeux