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Cinq initiatives innovantes pour un meilleur management à l’hôpital

La Chaire de gestion des services de santé du Conservatoire national des arts et métier (Cnam) a accueilli le 17 mai dernier la soirée-débat « Au cœur de l’hôpital ». Cette initiative participative pour l’amélioration des conditions de travail dans les établissements de santé a permis à cinq professionnels de santé de présenter leur projet.

Par Laure Martin.

LaureMartin

Au Centre hospitalier de Nîmes, Patricia Boissin, cadre de santé issue de la filière biologie, a proposé à sa direction la mise en place d’une matrice de compétences au service de la polyvalence. « Cet outil m’a servi à garantir les compétences nécessaires des préparateurs en pharmacie, à une prise en charge de qualité et de sécurité des activités en pharmacie », a-t-elle expliqué au cours de la soirée, révélant être arrivée au sein de la structure en octobre 2016 dans un climat tendu.

"La cadre de santé a créé des outils permettant de définir la durée d’affectation des préparateurs aux différents secteurs de l’hôpital."

« Les préparateurs en pharmacie se sont demandés pourquoi, alors que je ne suis pas issue de leur filière, j’allais revoir leur organisation. Ma crédibilité a été questionnée. » La cadre de santé a créé des outils dont un cycle de rotation permettant de définir la durée d’affectation des préparateurs aux différents secteurs de l’hôpital. « Lorsque j’ai pris mon poste au CH, il y avait beaucoup de sectorisation, le taux d’absentéisme des préparateurs était supérieur à 10 %, ils étaient en burn out et démotivés, a-t-elle fait savoir. De nombreux préparateurs n’étaient jamais allés dans d’autres secteurs que le leur et ne savaient pas ce qu’il s’y passait. » Ce projet a donc créé de l’équité. « Les professionnels ont désormais l’impression de partager des secteurs qu’ils considèrent comme étant "nobles" à savoir les secteurs de production, et ceux qui ont plus de contraintes. L’organisation a été régulée. »

Médiation en interne

A l’Institut Curie, à Paris, Louise Massing, cadre de santé, a proposé à sa Direction des ressources humaines la création d’une cellule de médiation interne. « Lorsque j’étais infirmière, j’ai été confrontée à des conflits, a-t-elle souligné. Ces tensions entre soignants sont compliquées à gérer. C’est pourtant nécessaire car au sein d’une équipe, les difficultés relationnelles et l’absence de confiance peuvent avoir des conséquences sur la prise en charge des patients. » Après avoir suivi une formation de médiateur, elle met en place la cellule de médiation au sein de l’établissement. « J’ai été confrontée à des résistances et j’ai dû faire preuve de pédagogie », a-t-elle reconnu. La médiation est une mode de résolution alternatif des conflits. Le médiateur n’a pas vocation à proposer des solutions, mais doit faire en sorte que les personnes concernées par un conflit choisissent la solution qui va tous les satisfaire. Il doit donc être neutre, impartial et travailler en toute confidentialité. En intervenant au sein de l’équipe, il encourage à la verbalisation du conflit pour, à terme, fluidifier et sécuriser les soins.

Une réglette pour prévenir le burn out

Le Dr Gilbert Vanco, praticien hospitalier au CH de Brest, aujourd’hui à la retraite, a fini sa carrière sur un burn out. « J’ai pu constater le gâchis personnel, psychologique, financier, que cela génère, a-t-il confié non sans émotion. Cela m’a aussi poussé à réfléchir sur comment mettre en place des moyens de prévention. » Il a imaginé une réglette d’auto-évaluation de l’exposition du stress au travail. L’outil, qui aurait vocation à être informatisé, serait relié à la médecine du travail afin de prévenir et réagir rapidement à la surexposition au stress. « L’intérêt de ce travail est double, a soutenu le médecin. Il permet de faire comprendre aux soignants que nous prenons en compte leur souffrance au travail. C’est aussi un outil en lien avec la médecine du travail pour co-construire un projet et trouver des solutions. »

Le stand-up meeting

En arrivant au service de chirurgie orthopédique à l’hôpital Bicêtre, Raphaëlle Scarpin et Magali Massard, cadres de santé, ont constaté que le service était en grande difficulté. Pour rétablir le dialogue et la communication, elles ont proposé une méthode innovante, le stand-up meeting tous les lundis et jeudis pendant 15 minutes. Le lundi, les courtes réunions, debout, ont permis à l’équipe pluridisciplinaire de reprendre contact et de redéfinir les rôles de chacun, « mais cela n’enlève pas les irritants du quotidien », ont fait savoir les deux cadres de santé. Les stands-up du jeudi ont apporté une réflexion sur la manière d’améliorer la situation avec des actions correctrices. « Nous avons proposé aux participants de débuter les réunions avec leur humeur du jour », ont-elles expliqué.

"Nous avons proposé aux participants de débuter
les réunions avec leur humeur du jour
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Certains n’ont pas compris l’intérêt, nous leur avons fait comprendre que cela leur permettait d’exprimer leur ressenti. » Puis, elles ont organisé des jeux en travaillant notamment sur la qualité des relations avec les patients. « Cette méthode a permis de redonner du sens au travail de l’équipe, de gagner du temps et de rompre la monotonie », ont conclu les deux cadres de santé.

Vers une meilleure coordination médico-soignante

Pour améliorer le fonctionnement des unités de soins du CH de La Rochelle, Nathalie Boutier, directrice des soins de l’établissement, propose la mise en place d’un projet pour une meilleure coordination médico-soignante. « Cela implique l’ensemble des acteurs de la prise en charge des patients afin de gagner en performance collective », a-t-elle souligné. Encore à la phase de projet, le dispositif cherche à agir sur les pertes de temps dans la prise en charge des patients, qui se révèlent être aussi des pertes de chance. A titre d’exemple, lorsqu’une infirmière réalise un pansement, puis deux heures après le chirurgien vient voir le patient et mais qu’il faut le refaire, l’infirmière peut mal le vivre. « Cette perte de temps agit sur la pénibilité que représente la non-prise en compte du travail de chacun », a-t-elle rappelé. L’objectif est donc d’analyser les points critiques dans l’activité quotidienne des soignants, les forces et faiblesses des services et de travailler sur l’organisation de chacun pour élaborer une stratégie commune. « Nous avons des services pilotes au sein du CH et la démarche repose sur le volontariat des équipes, a précisé Nathalie Boutier. Chaque service va travailler à sa propre organisation. »

 

 

par Laure Martin