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Obésanté : un centre de santé généraliste et spécialiste de l’obésité

Depuis le 1er février, Obésanté, centre de santé ouvert à Montpellier par la Ligue contre l’obésité, affiche un double objectif : répondre à une offre de soins de premier recours en médecine générale et proposer un centre de consultation pour les personnes atteintes d’obésité. Le point avec Mélanie Delozé, gestionnaire du centre.

Propos recueillis par Laure Martin.

LaureMartin

 

melanie deloze obesanteObésanté, de quoi s’agit-il ?

Obésanté est un centre de santé associatif, au même titre que les autres centres de santé, c’est-à-dire que nous avons un projet de santé déposé à l’Agence régionale de santé (ARS) et nous appliquons le tiers payant pour les consultations de médecine. Il s’agit d’un centre généraliste, ouvert à tous, situé dans un quartier prioritaire de la politique de la ville, qui affiche une particularité puisqu’il intègre une spécialité : l’obésité.

Pourquoi l’avoir ouvert ?

Notre association, la Ligue contre l’obésité, œuvre depuis plusieurs années à changer le regard sur l’obésité. En 2016, nous avons ouvert une ligne d’écoute pour les personnes souffrant de surpoids ou d’obésité afin de leur apporter un soutien, ainsi qu’à leur entourage et une orientation. Souvent, les appelants sont des personnes qui n’ont pas encore de prise en charge ou de suivi et qui veulent venir nous voir. Mais jusqu’à présent, nous n’avions pas de structure d’accueil à leur proposer et nous avions aussi des difficultés à les orienter vers des professionnels de santé adaptés. Car en dehors du troisième recours avec des centres spécialisés de l’obésité (CSO) en lien avec les établissements hospitaliers, la chirurgie bariatrique et les soins de suite et de réadaptation, en premier et deuxième recours, nous ne connaissions pas de professionnels dans notre réseau vers qui les envoyer.

En France, comme l’obésité n’est pas une affection de longue durée et qu’il n’y a pas de traitements médicamenteux, elle est rarement prise en charge par les médecins généralistes, car le suivi est chronophage et peu rémunérateur dans le cadre de consultations de médecine générale. De plus, dans leur formation initiale, les médecins généralistes ne sont pas formés à l’obésité. Ils vont alors généralement traiter des facteurs associés comme les maladies cardiovasculaires, mais pas de l’obésité en tant que telle.

En France, comme l’obésité n’est pas une affection de longue durée et qu’il n’y a pas de traitements médicamenteux, elle est rarement prise en charge par les médecins généralistes car le suivi est chronophage et peu rémunérateur.

Il existe certes les maisons de l’obésité, mais le terme est assez stigmatisant, et ce type de structure n’agit pas vraiment en prévention. Généralement les personnes qui passent la porte sont celles qui reconnaissent être en obésité. Enfin, les paramédicaux comme des diététiciens, des psychologues ou encore des éducateurs en activité physique adaptée (EAPA) ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale, leur accès est donc financièrement limité. C’est d’ailleurs surprenant puisque les recommandations encouragent à les consulter.  

Quelle offre proposez-vous au sein d’Obésanté ?

Nous avons réfléchi à la façon de faciliter l’accès aux soins tout en faisant de la prévention pour que les patients n’attendent pas d’être en obésité sévère avant de s’orienter vers les professionnels de santé. Le centre de santé est donc généraliste, pour répondre à un besoin du territoire, mais aussi pour ne pas faire de stigmatisation, faire de la prévention, du repérage et du diagnostic. Les consultations de médecine générale sont d’une durée standard, quant aux consultations pour la prise en charge de l’obésité, elles durent environ une heure. Toutes sont prises en charge à 100 %. Elles sont assurées par des professionnels de santé salariés : cinq médecins généralistes qui ont des formations complémentaires en gynécologie, pédiatrie et obésologie. Nous avons également un médecin psychiatre, un tabacologue et un médecin vasculaire.

Quant au suivi offert par les paramédicaux, à savoir un diététicien, un psychomotricien et un EAPA, les tarifs sont maîtrisés à 35 euros.

Quel bilan tirez-vous de vos premiers mois d’ouverture ?

Au cours du mois de février, nous avons effectué 563 consultations toutes demandes confondues, dont une centaine pour les paramédicaux, principalement pour des problématiques d’obésité.

Côté médecin, 50 % des consultations relevaient de la médecine générale et 50 % de l’obésité.

Nous avons réfléchi à la façon de faciliter l’accès aux soins tout en faisant de la prévention pour que les patients n’attendent pas d’être en obésité sévère avant de s’orienter vers les professionnels de santé.

Nos rendez-vous se prennent en ligne et de nombreux patients ont pris rendez-vous en première intention avec les paramédicaux pour l’obésité. Nous les avons donc réorientés vers les médecins, car ce sont eux qui assurent la première consultation, et qui les dirigent vers les paramédicaux si besoin. Le premier rendez-vous chez les paramédicaux est d’ailleurs gratuit. C’est uniquement en cas de suivi que la consultation devient payante.

Nous avons aussi une coordinatrice de parcours, qui aide à la mise en place du parcours au sein ou en dehors du centre de santé. Nous sommes également en train de déposer des programmes d’éducation thérapeutique afin de permettre aux patients d’accéder à des ateliers collectifs qui seront gratuits.

D’un point de vue budgétaire, comment faites-vous ?

Comme tous les centres de santé, nous appliquons le tiers payant généralisé sauf pour les paramédicaux qui ne sont pas pris en charge par l’Assurance maladie. Nous recherchons des budgets pour rémunérer les consultations longues des médecins, et celles des paramédicaux, car nous avons un manque à gagner. Nous répondons donc régulièrement à des appels à projet des collectivités, des fondations, etc.

Envisagez-vous un déploiement du modèle ?

Au sein de l’association, nous avons une quinzaine d’antennes départementales. Et déjà quatre d’entre elles à savoir Valence, Villefranche-sur-Saône, Dax et la région parisienne, souhaitent dupliquer le modèle. Nous sommes actuellement en train de rechercher des partenaires de financements et d’investissements, et de rencontrer les acteurs du territoire afin de recenser les besoins dans le domaine de l’obésité et de la médecine générale.

Pour compléter sur le thème de l'obésité :

Risque d'obésité chez les anciens sportifs professionnels

Obésité, chirurgie bariatrique et suivi postopératoire chez le médecin généraliste

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par Laure Martin