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Le numérique, un outil dans la formation des professionnels de santé

La Journée des Trophées de la santé mobile dédiée à l'innovation, qui a eu lieu le 9 février 2018, a été l’occasion d’aborder la formation au  numérique des professionnels en santé. Si son recours est en plein essor, des limites sont encore présentes dans la pratique.

Comment le numérique peut-il s’intégrer dans la formation initiale des étudiants en santé ? Pour les étudiants en médecine, une évolution conséquente a eu lieu avec la mise en place de la plateforme Sides en novembre 2013. « C’est pour moi le véritable top départ du numérique au niveau universitaire », a souligné le Dr Pierre-François Ceccaldi, directeur adjoint du centre de simulation en santé Ilumens Diderot, chef de service de gynécologie obstétrique à l’hôpital Beaujon et membre du Conseil pédagogique du Diplôme universitaire (DU) Santé connectée de Paris-Diderot. Cette plateforme numérique regroupe l’ensemble des examens et épreuves pour le concours à l’internat, pour l’ensemble des étudiants en médecine en France.

L’apport du numérique

« Les plateformes sont des expériences très intéressantes, soutient le Dr Nicolas Reina, chirurgien orthopédiste, membre du groupe Santé connectée de la Société française de chirurgie orthopédique et traumatique (SOFCOT). Ce n’est pas que les étudiants vont forcément mieux apprendre avec les nouvelles technologies mais aujourd’hui, elles sont devenues une nécessité. Les étudiants en ont besoin. Le support numérique est une obligation et nous l’avons fait en orthopédie. »

Le numérique a cependant vocation à s’ajouter aux outils déjà existant. « Il doit répondre à un besoin, sinon il ne sert à rien », estime Joseph Fuhrman, vice-président Informatique de l’Association nationale des étudiants en médecine de France. Selon lui, la simulation a été d’un grand apport comme dans les facultés de Nice, Angers et à Paris-Diderot. « Cela permet de respecter le paradigme selon lequel un étudiant ne doit jamais exercer la première fois sur un patient », ajoute-t-il.

Le numérique peut aussi avoir un apport dans le domaine de la formation continue notamment dans le cadre de l’interprofessionnalité. « Il est important que nous ayons la possibilité d’avoir un échange sur nos compétences, considère François Blanchecotte, biologiste médical et président du Centre national des professions de santé (CNPS). Nous ne pouvons pas ignorer ce que font les autres professionnels de santé. Les outils numériques peuvent nous y aider. »

Les limites du numérique

La mise en place d’outils numériques se heurte néanmoins à certaines limites au premier rang desquels, les bugs informatiques. La première génération d’étudiants à utiliser la plateforme Sides en a fait les frais et a manifesté un vrai mécontentement. « Il faut s’assurer d’un bon support technique et d’une maintenance pour éviter les problèmes », explique Joseph Fuhrman.

Autre bémol de la digitalisation : « Lorsque nous donnons des cours à la faculté, nous nous retrouvons de plus en plus devant des amphithéâtres vides, rapporte le Dr Jean-Victor Blanc, psychiatre à l’Assistance publique–Hôpitaux de Paris (AP-HP). Les étudiants ne voient plus l’intérêt de suivre les cours en présentiel. » « Certains sont d’ailleurs inquiets face au déploiement du e-learning pour tous les enseignements, ajoute le Dr Ceccaldi. Nous, en tant que professeurs, nous craignons leur isolement. C’est d’ailleurs notre défi, faire en sorte que le digital n’isole pas les étudiants. »

Face au numérique, le compagnonnage des étudiants reste donc un point crucial de leur formation. « Ce n’est pas parce qu’un étudiant a fait “le plein“ de simulations que cela suffit pour appréhender un problème, estime le Dr Reina. Il faut encadrer l’étudiant car le numérique n’est bien entendu pas la réalité. Il faut y faire attention. » « Utilisée à bon escient, la si mulation est très formatrice, poursuit Joseph Fuhram. Un médecin peut encadrer la simulation, puis un second palier peut être organisé, en stage, avec un pair. C’est nécessaire car l’aspect relationnel avec le patient est toujours là. D’ailleurs, pour le patient, le fait que l’étudiant soit encadré permet de réduire son stress. »

Les défis pour demain

François Blanchecotte a rappelé qu’il existe encore un vrai décalage concernant l’usage du numérique chez les professionnels de santé « aînés ». « Trois ordonnances sur cinq sont encore écrites à la main, fait-il savoir. J’attends de voir la mise en œuvre du projet de Nicolas Revel qui souhaite que d’ici 2019 toutes les ordonnances soient numérisées. » Pour le moment, il y a encore une certaine appréhension chez les professionnels de santé, liée à une culture bien ancrée. De même, « il va aussi falloir se poser la question de la présence des outils dans notre vie quotidienne, estime le Dr Reina. Car il existe un droit à la déconnexion. Or aujourd’hui, tout se mêle à la vie privée. »

« Le défi aujourd’hui, c’est aussi le soignant face à l’intelligence artificielle, explique le Dr Ceccaldi. Mais les patients ne sont pas encore prêts à être opérés uniquement par un robot. Ils ont encore besoin d’une "patte" humaine sur les résultats. » « Le fantasme, c’est le remplacement du praticien par le numérique, indique le Dr Blanc. Au contraire, la place de l’humain reste pensée et plus nous irons vers le remplacement de l’outil technique, plus nous aurons besoin de penser les choses. » D’ailleurs, comme le rappelle le Dr Ceccaldi, aujourd’hui « nous avons besoin de toutes les générations pour la transmission d’une expérience et d’une connaissance car lorsqu’un serveur lâche, nous sommes bien contents de retrouver la pratique ».

 

par Laure Martin

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