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Jeunes médecins : les clefs pour favoriser une installation en médecine libérale

La commission « jeunes médecins » du Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom), composée des structures représentatives des étudiants, internes et jeunes médecins et de conseillers nationaux (1), a publié en avril, une enquête sur les déterminants à l’installation. Les freins à lever pour accompagner les jeunes médecins à exercer dans les territoires sont connus. Pourtant, depuis de nombreuses années, ils peinent à être mis en œuvre.

par Laure Martin.

LaureMartin

La santé et les problématiques d’accès aux soins se sont imposées comme préoccupation majeure des Français dans le cadre du Grand débat national. L’étude du Cnom révèle cependant une véritable aspiration des jeunes médecins à l’installation en libéral. Ils sont 75 % des internes a envisagé ce mode d’exercice, contre 19 % en activité salariée pure. Mais dans les faits, seuls 12 % des nouveaux inscrits à l’Ordre des médecins en 2018 exercent en libéral, alors que 62 % sont salariés. Le nombre de primo-inscrits installés à cinq ans atteint 35 %. Ce décalage entre volonté et réalité s’explique par une multitude de facteurs, qui peuvent s’avérer dissuasifs.

Le profil des répondants
Lancée début janvier 2019, cette grande étude évalue les conditions de l’exercice professionnel et met en lumière les besoins, attentes et craintes des jeunes et futurs médecins. Au total, plus de 15300 professionnels y ont répondu, dont 70 % de médecins déjà installés, 16 % d’internes et 14 % de médecins remplaçants. 52 % des répondants ont moins de 40 ans, 60 % sont des femmes, et 90 % sont issus d’une spécialité médicale (60 % de médecine générale, 5 % de psychiatrie, et 4 % de pédiatrie) tandis que 10 % sont issus d’une spécialité chirurgicale (25 % de gynécologie obstétrique, 19 % d’ophtalmologie et 15 % de chirurgie orthopédique et traumatique).

 

 L’importance de la dimension territoriale

Pour les internes comme pour les médecins remplaçants, l’installation est étroitement liée à la dimension territoriale. Ils sont respectivement 62 % et 57 % à considérer que la qualité des services publics est un facteur essentiel dans leur décision de s’installer dans un territoire. Ils sont également  61% et 60 % à affirmer que la proximité familiale pèse fortement dans leur choix. Les médecins déjà installés, eux, placent en tête des facteurs favorisant l’installation, les services publics, puis les équipements culturels et sportifs, devant les transports. Cette recherche d’un cadre de vie non-isolé est d’autant plus prégnante que les jeunes médecins, lorsqu’ils sont en âge de s’installer vers 30 ans, ont bien souvent une vie de famille, avec conjoint voire enfant. 86 % des internes ayant un conjoint affirment que ce dernier influence le projet d’installation.

86 % des internes ayant un conjoint affirment que ce dernier influence le projet d’installation.

Volonté d’un exercice regroupé

Les internes sont 72 % à exprimer avoir une attente particulière sur les conditions d’exercice, en lien avec les autres professionnels de santé. Ils sont dans l’attente d’un exercice groupé, dans le cadre d’une activité mixte, libérale en groupe ou en maison de santé pluridisciplinaire. L’exercice libéral seul n’est envisagé que par 3 % d’entre eux.
Les jeunes médecins souhaitent aussi pouvoir disposer d’un réseau de professionnels de santé sur le territoire, sur lequel s’appuyer. Un point déterminant pour 81 % des internes et 87 % des remplaçants. Enfin, la recherche d’un équilibre vie privée - vie professionnelle est particulièrement saillante chez les internes et remplaçants. De fait, pour respectivement 82 % et 87 % d’entre eux, les horaires et le rythme de travail ont un impact sur la décision du lieu et du mode d’installation. Chez les médecins installés, cette attente est plus en retrait (46 % tout à fait ou plutôt déterminants).
Une inquiétude dominante en revanche : 59 % des internes et 43 % des remplaçants affirment craindre l’échec économique d’une installation. Face à cette réelle appréhension, les aides financières à l’installation sont perçues comme importantes mais pas déterminantes (48 % des internes et 47 % des remplaçants les considèrent comme peu ou partiellement déterminantes).

Pour aider les jeunes à passer de l’intention à l’action, il convient non pas de céder à l’appel des mesures coercitives, mais de les accompagner. 68 % d’entre eux aimeraient pouvoir être guidés par un confrère,  une instance....


Quelles solutions ?

Cette étude met clairement en lumière la volonté des jeunes médecins de s’installer en libéral. Mais les solutions à apporter aux problèmes de démographie médicale dépassent les mesures financières. Pour les aider à passer de l’intention à l’action, il convient, d’après l’étude, non pas de céder à l’appel des mesures coercitives qui seraient totalement contre-productives, mais de les accompagner. 68 % d’entre eux aimeraient pouvoir être guidés par un confrère ou une consœur, 53 % par les collectivités territoriales, 48 % par l’Ordre des médecins et 47 % par l’Agence régionale de santé. Il faut aussi leur permettre de travailler en groupe, au sein d’un réseau de professionnels, et dans de bonnes conditions d’exercice. Une formation précoce au management de « l’entreprise médicale », ainsi que l’idée d’un incubateur de projets d’installations mettant à leur disposition toutes les compétences nécessaires, seraient par exemple bénéfiques d’après l’enquête.
Les résultats démontrent ainsi l’urgence du changement de paradigme : pour les jeunes médecins, il ne suffit plus de s’installer dans un cabinet, mais aussi de s’insérer dans un territoire, à l’image des 81 % des répondants qui affirment s’être installés après avoir été remplaçants, dont 41 % dans le territoire où ils avaient effectué leurs remplacements.

Note
(1) La commission jeunes médecins est rattachée à la section Exercice professionnel du Cnom. Elle est composée d’un président, le Dr Bruno Boyer, de huit membres élus par le Cnom, et de huit membres de chaque organisation représentative des étudiants en médecine, des internes, des chefs de clinique et des médecins récemment diplômés (ANEMF, ISNI, ISNAR-IMG, ReAGJIR, SNJMG, ISNCCA, SIHP et SNJAR). Elle vise à favoriser les échanges et la concertation entre le Cnom et les jeunes médecins.

Source : Cnom

Pour compléter votre lecture  :

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