Procédure de certification des médecins : quels enjeux ?

La loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, publiée au Journal officiel le 26 juillet 2019, prévoit, dans son article 5, la certification des médecins. Le texte se base sur les conclusions du rapport remis en novembre 2018 aux ministres de la Santé et de l’Enseignement supérieur, par le Pr Serge Uzan, doyen honoraire de la faculté de médecine Sorbonne Université, et président du comité de pilotage sur la recertification des médecins. Le point avec le Dr Patrick Bouet, président du Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom), membre de ce comité de pilotage.

Propos recueillis par Laure Martin.

LaureMartin

 

dr patrick bouet cnomDans quel contexte est née cette idée de certification des médecins ?

Le sujet de la recertification est un serpent de mer. L’idée a déjà été évoquée il y a plus d’une dizaine d’années mais rejetée par la profession, qui pensait devoir repasser un nouveau diplôme. La réflexion a donc été mise de côté, jusqu’à ce que le Cnom décide de la remettre à l’ordre du jour en 2015. C’est la raison pour laquelle la ministre de la Santé a confié une mission sur cette thématique au Pr Uzan.

Pourquoi le Cnom a-t-il souhaité aborder de nouveau cette question ?

La France est l’un des rares pays au sein duquel le fait d’avoir obtenu son diplôme un jour laisse à penser que cela garantit des compétences à vie. Ce n’est pas le cas. Néanmoins, ce qui est important, c’est d’accompagner le professionnel de santé dans son processus personnel, dans sa formation continue pour permettre sa recertification.

Quel est l’objectif à atteindre avec cette certification ?

Nous souhaitons mettre en exergue ce que les praticiens font déjà, à savoir entretenir tout au long de leur carrière leurs compétences. Mais pour le moment, rien ne le certifie. À titre d’exemple, aujourd’hui, en tant que médecin généraliste avec 36 ans d’exercice, rien ne différencie mon parcours individuel de celui d’un jeune diplômé. Au Cnom, nous estimons que l’ensemble des compétences et connaissances acquises par un médecin au cours de sa pratique doit être reconnu. L’idée n’est pas de repasser des diplômes mais d’accompagner le parcours professionnel des praticiens. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’idée a cette fois-ci été acceptée par la profession.

Nous voulons garantir à la population que le praticien a revu et validé ses compétences. Car c’est bien là, la finalité : construire un système pour améliorer la qualité des soins. Mais il va falloir créer le dispositif.

Comment le système de certification a-t-il été pensé ?

Le dispositif va être défini par voie d’ordonnance mais nous souhaitons qu’il soit construit par la profession. Nous allons faire en sorte que l’activité d’un professionnel, son activité médicale, hospitalière, libérale, soit intégrée dans un système d’analyse qui permettra, après cinq à six années, de valider le parcours qu’il a poursuivi et de reconnaître la recertification de son parcours initial.

L’Ordre en garantira la qualité et validera le processus. Nous avons donc proposé dans un premier temps que ce soit les jeunes diplômés à partir de 2021 qui soient concernés par le processus. Pour les autres, ce sera sur la base du volontariat.

Quelle est l’articulation avec le Développement professionnel continu (DPC) ?

Le DPC va constituer l’une des briques de la recertification car il valide un processus d’acquisition des connaissances, alors que la recertification valide un parcours individuel.

Aujourd’hui, en tant que médecin généraliste avec 36 ans d’exercice, rien ne différencie mon parcours individuel de celui d’un jeune diplômé [...] L’idée n’est pas de repasser des diplômes mais d’accompagner le parcours professionnel des praticiens.

Que se passera-t-il si un médecin ne valide pas sa certification ?

Notre objectif est d’accompagner le professionnel sur un parcours. De ce fait, si à l’issue de trois à quatre ans nous constatons qu’il lui manque un certain nombre d’items, nous allons le prévenir. Nous ne souhaitons pas sanctionner les praticiens mais les amener à adopter le processus. Nous voulons instaurer un mécanisme incitatif qui reconnaisse ce que font les médecins mais qui n’est actuellement pas encore reconnu.

Les médecins qui ne pratiquent pas la médecine comme les médecins-journalistes ou les médecins de santé publique, sont-ils concernés ?

Tout à fait. Ils devront être recertifiés dans leur mode d’exercice.

Quels vont être les critères d’évaluation ?

Ils ne sont pas encore définis, mais nous souhaitons qu’ils soient détaillés et proposés par la profession donc par les Conseils nationaux professionnels (CNP), qui représentent les spécialités en médecine. Leur existence explique d’ailleurs pourquoi nous estimons que la profession de médecin est la mieux préparée pour débuter le processus de recertification. L’Exécutif dispose d’un délai de 12 à 18 mois pour rédiger l’ordonnance de mise en œuvre de la recertification. Le processus devrait donc débuter en 2021.

par Laure Martin

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