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L’interprofessionnalité au cœur du DPC

Dans le secteur de la santé, l’interprofessionnalité est sur toutes les lèvres. Néanmoins, elle ne s’improvise pas. Les professionnels de santé peuvent s’y former et d’ailleurs, l’Agence nationale du développement professionnel continu (ANDPC) a récemment lancé un appel à projets sur cette thématique. Le point avec Anne Depaigne-Loth, chargée de mission Etudes et veille.

Propos recueillis par Laure Martin.

 LaureMartin

depaigne andpc INTPouvez-vous nous rappeler le rôle de l’ANDPC ?

Tous les médecins et tous les professionnels de santé ont une obligation éthique et légale de maintenir leurs compétences tout au long de leur carrière. Ils doivent le faire en se formant mais aussi en évaluant leur pratique par rapport aux recommandations, et en veillant à la sécurité des patients. Cela se traduit en France, dans le Code de la santé publique par le dispositif de DPC. L’ANDPC, agence sous tutelle de l’État et de l’Assurance maladie, est chargée de piloter ce dispositif pour l’ensemble des professions de santé, notamment d’évaluer la qualité des actions de DPC, c'est-à-dire des formations ou des démarches d’évaluation des pratiques élaborées par des organismes, à destination des professionnels de santé. L’ANDPC vérifie que les actions de DPC ont le niveau de qualité indispensable pour être inscrites à son catalogue en ligne sur son site. Elle existe notamment pour garantir un certain niveau de qualité des actions de DPC. L’ANDPC évalue environ 20 000 actions de formation et DPC par an avec l’aide de commissions composées de professionnels de santé. L’Agence a aussi un rôle de financeur du DPC, pour certaines professions.

L’interdisciplinarité fait-elle partie des actions de formation/DPC évaluées par l’Agence ?

Avec ce catalogue en ligne, nous avons une idée précise des actions de DPC offertes aux professionnels de santé. Nous avons d’ailleurs constaté qu’il existe de nombreuses actions s’adressant à plusieurs publics professionnels. Elles représentent 40 % du catalogue. Depuis longtemps, les professionnels ont une appétence pour ces formations. Néanmoins, la commission scientifique indépendante (CSI) interprofessionnelle, qui examine les programmes, a constaté que ces formations ne portent pas vraiment sur la coordination entre professionnels autour de la prise en charge des patients. Elles sont surtout composées de contenus pouvant être transmis à deux ou trois publics différents et non d’un apport sur la manière de travailler ensemble face à telle prise en charge, telle pathologie complexe. Ces thématiques sont pourtant intéressantes et nécessaires pour les professionnels de santé nombreux à avoir été formés en « silo » au cours de leurs études. Ces formations doivent apporter une plus value : des compétences de coordination, des compétences interprofessionnelles, et non juste un contenu qui conduit les professionnels formés à retourner ensuite dans leur pratique isolée. L’objectif est de faire en sorte que les professionnels communiquent mieux et connaissent bien les champs de compétences des uns et des autres. Pour le moment, il n’y a pas beaucoup d’actions dans ce champ. Mais c’est en train de changer.

Les instances nous ont alertés du manque de formation sur la coordination alors que les professionnels de santé se heurtent à cette méconnaissance pour échanger de manière fluide autour de leurs patients et améliorer ainsi leur prise en charge.

C'est-à-dire ?

Cette préoccupation sur le contenu de la formation a été pointée par nos instances, composées de professionnels. Elles nous ont alertés du manque de formation sur la coordination alors que les professionnels de santé se heurtent à cette méconnaissance pour échanger de manière fluide autour de leurs patients et améliorer ainsi leur prise en charge. Le ministère de la Santé nous a aussi saisis pour travailler sur le sujet afin de soutenir le déploiement progressif des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ou le fonctionnement de celles déjà constituées. L’objectif est en particulier d’offrir des formations sur des champs de la pratique et d’y incorporer un volet sur la coordination entre professionnels.

De fait, cet été, nous avons lancé un appel à projets « Développement Professionnel Continu interprofessionnel en appui de l’exercice coordonné en santé », avec un cahier des charges bien spécifique que nous adressons aux organismes pour qu’ils développent une offre de DPC interprofessionnel en soutien du déploiement de l’exercice coordonné en santé, dans le cadre des organisations territoriales de santé. Après la sélection, les premiers programmes seront publiés dès le 16 décembre. Les organismes sélectionnés pourront continuer à élaborer des formations dans ce cadre jusqu’en décembre 2022. On espère sur trois ans développer cette offre spécifiquement interprofessionnelle. Aujourd’hui, nous avons une cinquantaine de candidatures.

 Les défis à relever par les organismes de formation
  • répondre à la fois aux grands enjeux de santé et aux problématiques repérées par la communauté des professionnels de santé sur chacun des territoires,
  • identifier les méthodes pédagogiques les plus efficaces pour former des professionnels travaillant ensemble ou appelés à travailler ensemble,
  • trouver un équilibre entre le contenu organisationnel et le contenu clinique en sachant que dans la réalité, les deux sont mêlés en permanence,
  • trouver et mettre en œuvre des méthodes pour évaluer la réalité de la progression des pratiques collaboratives

 

Les professionnels sont-ils demandeurs de ce type de formation ?

Nous n’avons pas de données d’enquête sur ce sujet, mais des remontées par nos interlocuteurs professionnels. Les médecins, comme les autres professionnels paraissent l’être de plus en plus. C’est vraiment un thème qui fait écho auprès des professionnels, comme l’a montré la dynamique du groupe de travail représentant onze professions mis en place par l’Agence pour travailler sur ce sujet. Les patients et leurs représentants aussi sont dans l’attente de professionnels qui communiquent mieux entre eux.

Jusqu’à présent, nous avons eu beaucoup de formations sur l’éducation pour la santé, la prise en charge de la douleur, les soins palliatifs, la coordination en soins primaires, le repérage de la maltraitance intrafamiliale. Mais nous n’avons pas eu de formation proposées sur la prise en charge du retour à domicile des patients en sortie d’hospitalisation ou sur la coordination ville/hôpital par exemple alors que cette thématique faisait partie des orientations nationales prioritaires 2015/2018. Nous les attendons avec l’appel à projets.

par Laure Martin

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