Devenir gériatre
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AUDACE, un vent de jeunesse souffle sur la gériatrie 

En 2050, les personnes âgées seront deux fois plus nombreuses qu’aujourd’hui. De quoi revoir quelques idées reçues sur le gériatre et la gériatrie ! Jeunes gériatres, internes et professeurs se mobilisent pour présenter leur spécialité qui est appelée à devenir un des pivots de la santé de demain. Telle est l’ambition de la campagne AUDACE. Entretien avec le Dr Matthieu Piccoli, président de l’association des jeunes gériatres.

Propos recueillis par Laurent Joyeux.

LaurentJoyeux

 

Visionnez l'interview du Dr Matthieu Piccoli : https://youtu.be/pO8kyPJeVGA

 

 

geriatre matthieu piccoli intComment exercez-vous la gériatrie ?

Je suis gériatre depuis 2016 et praticien hospitalier à l’hôpital Broca. En quelques chiffres, ce service emploie environ 16 catégories de professionnels de santé, pour s’occuper d’une cinquantaine de lits de court séjour, 135 de moyen séjour, 300 de long séjour et nous avons 15 lits d’hôpital de jour. Chaque année, nous recevons presque 3 000 patients en consultation.

En quoi consiste le projet AUDACE ?

Il s’agit d’une campagne de promotion de la gériatrie organisée par l’Association des jeunes gériatres (AJG) et l’Association nationale des internes de gériatrie (ANAIG), pour inciter à découvrir notre spécialité. L’acronyme AUDACE est formé des valeurs de notre spécialité : avenir, unanimité, découverte, adaptation, communication et expert. Nous souhaitons montrer à quel point les clichés sur la gériatrie sont faux. Le gériatre n’est pas celui qui accompagne des mourants dans un Ehpad ! Pour mieux présenter la spécialité, le parcours et les villes de formation, nous avons créé, avec la Société française de gériatrie et gérontologie (SFGG) et le Collège national des enseignants de gériatrie (CNEG), le site devenirgeriatre.org

Quelle est la filière pour devenir gériatre ?

La gériatrie est une spécialité toute récente puisque le diplôme d’études spécialisées complémentaire (DESC) de gériatrie n’est reconnu que depuis 2004. Elle n’est une spécialité pleine et entière que depuis 2016 : les étudiants suivent un DES en fin de 6e année de médecine et se spécialisent pendant quatre années d’internat qui leur permettront de découvrir tous les aspects de la gériatrie.

La gériatrie, une spécialité qui fait ses preuves ?

Le gériatre doit avoir une vision plus large et plus générale que l’âge seul. En 2004, après la canicule, on a réalisé que certains endroits avaient de bonnes pratiques et que ce public nécessitait des spécialistes. Le suivi rapproché du gériatre diminue de 25 % la mortalité et réduit de 25 % l’entrée en institution. L’approche centrée sur un problème aigu du patient âgé est inefficace. Par exemple, on ne peut pas considérer seulement l’infarctus et pas l’état de santé global. La personne âgée peut s’adapter difficilement au stress physique ou psychologique, elle peut avoir beaucoup de mal à compenser certains points de mobilité, ou avoir des difficultés d’alimentation. Le gériatre doit donc faire jouer différents ressorts.

Où et comment exercer la gériatrie ?

Sur le plan des médecins, la demande est de plus en plus forte car cette expertise relativement nouvelle permet un maintien à domicile beaucoup plus long. Les journées du gériatre ne sont jamais routinières. Il y a de nombreuses manières d’exercer la gériatrie. On peut pratiquer à l’hôpital en court, moyen et long séjour, en hospitalisation de jour... Certains gériatres préfèrent s’installer en libéral et ouvrir leur cabinet. En Ehpad, le médecin coordinateur est gériatre de fait. Il mène les évaluations des résidents, leurs projets de vie et il est à l’initiative de certains soins de santé en cas d’urgence. Nos objectifs sont d’améliorer la qualité de vie dans ces institutions. Concernant la Recherche, chaque pays a sa spécialité et les axes de recherche sont multiples : la maladie d’Alzheimer bien sûr mais aussi le vieillissement, la longévité, la génétique, la fragilité ou encore les parcours de santé, pour voir ce qui fonctionne quand on anticipe les besoins des personnes, par exemple, avec d’autres services comme la cardiologie, l’oncologie, la chirurgie orthopédique... Les besoins en gériatres sont de plus en plus pressants. Notre spécialité est en dehors des cases mais la démographie est à l’œuvre autant chez les patients que chez les médecins.

Nous souhaitons montrer à quel point les clichés sur la gériatrie sont faux. Le gériatre n’est pas celui qui accompagne des mourants dans un Ehpad !

Combien de gériatres en exercice ?

Chaque année environ 200 internes passent par le DES de gériatrie mais le nombre de gériatres est difficile à estimer car certains médecins pratiquent la gériatrie sans en avoir le titre. Techniquement il n’est pas difficile de faire la démarche de requalification mais certains médecins, qui pratiquent la gériatrie, ne sont pas encore informés de cette possibilité, toute récente. Il faudra sans doute aussi faire évoluer le cadre du référentiel métier, disponible sur le site du Conseil de l’ordre, car comme la spécialité bouge beaucoup, les contours de la profession bougent aussi. Notre association des jeunes gériatres, l’AJG, comprend 200 adhérents. Elle a, parmi toutes ses autres missions, vocation à faire connaître la spécialité. Parmi nos actions, nous avons tenu notre premier congrès à Lyon en juin 2019, nous publions La Gazette du jeune gériatre et nous animons un site internet assojeunesgeriatres.fr

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Existe-t-il un profil type du gériatre ?

La spécialité est tellement vaste qu’il est bien difficile de définir un profil type. Le champ d’activités est très grand entre les problématiques liées à la maladie d’Alzheimer à orientation neurologique et cognitive ; le secteur péri-opératoire en lien avec la chirurgie orthopédique ou les soins palliatifs. Il y a également une demande croissante du secteur ambulatoire. Le point commun à tous les gériatres c’est d’être en dehors des cases et des sentiers battus. Le métier demande curiosité, capacité d’adaptation et un certain sens de l’humour car il faut chaque jour trouver des solutions et des adaptations. Pas question d’être psychorigide quand on travail en équipe pluridisciplinaire : infirmiers, aide-soignants, ergothérapeutes, kinés, diététiciens, assistants de service social ou psychothérapeutes partagent avec nous leurs notions afin de mieux cerner la personnalité du patient. Une des fonctions du gériatre est de mettre de l’huile dans les rouages entre les différents acteurs de santé.

Le suivi rapproché du gériatre diminue de 25 % la mortalité et réduit de 25 % l’entrée en institution. L’approche centrée sur un problème aigu du patient âgé est inefficace.

Et les patients ?

Ils sont de mieux en mieux informés, avec une connaissance croissante des usages numériques. Ils prennent des informations sur leurs smartphones et nous demandent notre avis. Malheureusement trop de sites ne sont pas validés au niveau scientifique et ont une finalité mercantile alors que l’information en santé doit être la plus fiable possible. Notre rôle de médecin est d’apporter notre expertise aux patients pour qu’ils fassent le meilleur choix : « La meilleure solution me semble être celle-là, mais je ne suis pas là pour vous forcer la main ».

En conclusion ?

La société doit être plus inclusive avec les personnes âgées pour faciliter le lien social. Les problématiques de vieillissement devraient attiser l’intérêt pour notre spécialité et la recherche dans les secteurs du vieillissement pathologique, du bien vieillir et de l’accompagnement de fin de vie. Cela répond aux vœux de l’OMS qui a rappelé le défi du vieillissement de la population mondiale. La gériatrie est une spécialité porteuse, j’invite les étudiants à consulter nos réseaux sociaux (ANAIG et AJG) et le site devenirgeriatre.org.

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par Laurent Joyeux

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