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La médecine du sport en quête de reconnaissance

La médecine du sport n’est actuellement pas reconnue comme une spécialité de la médecine. Il s’agit d’une compétence exercée par environ 8 000 médecins en France. Mais le président du Syndicat national des médecins du sport-santé, le Dr Marc Rozenblat, travaille actuellement à davantage de reconnaissance. Le point.

Par Laure Martin.

LaureMartin
 

marc rozenblatQuel est le rôle du médecin du sport ?

Le médecin du sport prend en charge toutes les pathologies liées à la pratique sportive. Mais il intervient aussi en prévention, ce qui explique la complexité de sa formation. Je reçois en consultation des patients qui, dans 90 % des cas, sont des sportifs pensant avoir une pathologie liée au sport. Ce n’est pas toujours le cas puisque la pathologie peut s’être manifestée par le sport, mais aussi être sous-jacente. Le rôle du médecin du sport est donc de trouver la prise en charge adaptée notamment pour permettre au patient de reprendre son activité sportive. Il délivre également le Certificat d’absence de contre-indication à la pratique sportive (CACI), ce qui implique connaître chaque spécificité de chaque sport et les risques de déclenchement de pathologies afférentes. D’ailleurs, chaque commission médicale des fédérations sportives a rédigé une liste des contre-indications au regard du sport pratiqué afin de les porter à la connaissance des médecins. Le médecin du sport doit donc adapter son examen médical à chaque patient et à chaque pratique sportive.

Comment protéger au mieux les sportifs ?

Nous voudrions pouvoir effectuer un examen cardiovasculaire avant d’autoriser la pratique d’un sport afin d’éviter les morts subites à la fois chez les enfants et chez les jeunes adultes, ce qui concernent environ 1 500 personnes par an. En Italie, les enfants ont un électrocardiogramme avant l’entrée au collège. Ils sont ainsi passés de 1 500 morts à une cinquantaine de décès par an. En France, nous n’en prenons pas le chemin malgré des décès de jeunes enfants lors de cross scolaires par exemple. Il est même probable, dans le cadre du projet de loi de financement pour la sécurité sociale pour 2020, que le certificat médical disparaisse pour les moins de 18 ans. La pratique du sport relèverait alors de la responsabilité des parents. Pour justifier cette mesure, il est mis en avant que l’enfant est supposé avoir été vu une vingtaine de fois par son médecin, ce dernier étant censé rechercher des signes pouvant laisser penser à des problèmes pour la pratique sportive. Désormais, les parents conscients iront voir un médecin et pour les autres…

Nous voudrions pouvoir effectuer un examen cardiovasculaire avant d’autoriser la pratique d’un sport afin d’éviter les morts subites à la fois chez les enfants et chez les jeunes adultes, ce qui concernent environ 1 500 personnes par an.

Par ailleurs, la validité des certificats est passée de trois ans à un an sauf pour les sports à risque comme la plongée subaquatique ou encore les sports de combat. Cela se fait déjà au Canada. C’est problématique mais il est vrai que les certificats médicaux coûtent chers à l’Assurance maladie car une majorité de médecins fait passer les consultations pour le CACI dans le cadre d’une consultation standard remboursée par la sécurité sociale. Or, comme il s’agit de prévention, elles ne devraient pas être remboursées et au frais des patients.

Quelle est la formation des médecins du sport ?

La médecine du sport n’est pas une spécialité mais une compétence. Tous les médecins peuvent dont se former, en formation continue, via une capacité de médecine du sport d’une durée aujourd’hui d’un an, contre deux ans, il y a de ça encore quelques années. Ce changement a d’ailleurs été une déception, car cela laisse à penser que la médecine du sport est considérée comme « superflue ». La capacité va peut-être être amenée à disparaître, auquel cas nous mettrions en place un Diplôme interuniversitaire (DIU) en formation continue.

Par ailleurs, un Diplôme d’études spécialisées complémentaires (DESC) avait été mis en place il y a une dizaine d’années en médecine du sport, ce qui a permis de former plus spécifiquement les médecins de fédérations sportives, des Centres de ressources, d’expertise et de performance sportive (CREPS) ou de l’Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP). Il a été supprimé il y a un an et remplacé par une Formation spécifique transversale (FST) permettant à tous les médecins, dans leur cursus de formation initiale, de suivre une année de formation dans une autre spécialité que celle choisie, dont la médecine du sport.

Enfin, j’ai mis en place une formation initiale en médecine orthopédique pour les étudiants en médecine de deuxième cycle, dans le cadre d’un Master 1 de biologie santé. Il est pour le moment uniquement accessible à la Faculté de Médecine de Créteil (UPEC) dans le Val-de-Marne. J’espère que cette initiative puisse être copiée dans d’autres cursus de formation initiale.

Comme notre pratique n’est pas vraiment reconnue à sa juste valeur, nous avions constaté une baisse des inscriptions en formation initiale. Mais avec l’arrivée du sport-santé, il y a un regain d’intérêt de la part des jeunes médecins.

La médecine du sport n’est pas une spécialité mais une compétence. Tous les médecins peuvent dont se former, en formation continue, via une capacité de médecine du sport d’une durée aujourd’hui d’un an

 

La prescription du sport santé

La prescription du sport-santé concerne uniquement les patients en Affection de longue durée (ALD), c’est-à-dire ceux ayant une pathologie chronique reconnue par l’Assurance maladie. Il ne faut pas nécessairement être médecin du sport pour évaluer le patient et prescrire du sport-santé. Après l’évaluation du patient, le médecin l’adresse à un Educateur d’activité physique adaptée (EAPA), formé, qui va adapter l’activité à la pathologie. Le médecin assure une évaluation médicale, et l’EAPA une évaluation sportive. Dans l’idéal, le médecin et l’EAPA devraient être en lien mais il n’est pas toujours facile pour le médecin de trouver un EAPA à qui adresser le patient.

Quel est le mode d’exercice des médecins du sport ?

Les médecins du sport exclusifs sont peu nombreux. Généralement, cette compétence est exercée en complément de la médecine générale. Nous sommes entre 8 000 et 8 500 médecins du sport en France, et entre 400 à 500 à exercer exclusivement. Les médecins du sport exercent en libéral, en centre médico-sportif ou dans les services de médecine du sport hospitaliers mais dans ces cas-là, ils font principalement de la prévention, de la recherche d’anomalies médicales pour éviter justement les morts subites.

Nous souhaiterions débuter des négociations avec l’Assurance maladie pour demander une cotation spécifique pour la rédaction des CACI, qui prennent environ 45 minutes. Dans le cadre d’une consultation de médecine générale à 25 euros, ce n’est pas viable. Pour les autres examens, nous pouvons coter des actes techniques comme l’épreuve d’effort sur tapis roulant, le test de la marche, les échographies, les ponctions, les infiltrations, les contentions souples, les plâtres.

Quelles sont les perspectives pour une plus grande reconnaissance de cette compétence ?

Notre objectif est de faire en sorte que la médecine du sport devienne une vraie spécialité. La fédération des spécialités médicales a reconnu en 2014 le Conseil national professionnel des médecins du sport (CNPMS), qui regroupe des sociétés savantes, le Syndicat national des médecins du sport-santé et tous les organismes qui gravitent autour de la médecine du sport comme le Comité national olympique et sportif français (CNOSF). C’était une grande victoire pour nous d’avoir déjà été reconnus comme membre associé. Puis, il y a deux ans, nous avons été reconnus comme membre titulaire.

Nous allons donc lancer la procédure afin de devenir une spécialité. Pour le moment, le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) ne le souhaite pas car nous n’avons pas de Diplôme d’études spécialisées (DES) mais uniquement un DESC. Pour avoir un DES, nous devons monter un Collège national d’université (CNU) regroupant les professeurs d’universités issus d’autres spécialités, des maîtres de conférences, des professeurs associés et des maîtres de conférence associés. Je travaille à ce projet. Nous avons déjà le programme scientifique et les lieux de stage. Désormais, il va falloir obtenir la reconnaissance via les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Santé. J’ai l’espoir d’obtenir gain de cause en 2024 avec les Jeux Olympiques et parce que nous sommes sur la vague de la prescription du sport-santé. Nous avons des propositions à faire dans ce domaine et dans beaucoup d’autres, notamment celui de la recherche.

par Laure Martin

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