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Médecin militaire : quel cursus pour quel type d’exercice ?

Comment devenir médecin militaire ? Le médecin en chef Rémy, professeur agrégé du Val-de-Grâce, adjoint au commandant des Ecoles militaires de santé de Lyon Bron et coordonnateur des formations, nous éclaire sur la question.

Propos recueillis par Laure Martin.

LaureMartin

Les jeunes qui souhaitent devenir médecin militaire doivent-ils suivre un cursus particulier ?

La spécificité de la filière commence avant même le début des études de médecine. Pour les futurs médecins et pharmaciens militaires, nous organisons un concours d’admission à l’Ecole de santé des armées (ESA), qui constitue, avec l’Ecole du personnel paramédical des armées (EPPA), les Ecoles militaires de santé de Lyon Bron (EMSLB). Le concours d’admission se déroule généralement en avril pour les élèves de Terminale. Nous recevons entre 1800 et 2000 candidats pour 115 places. Le concours s’organise autour d’épreuves écrites sur la base du programme du baccalauréat (épreuves de français, de mathématiques, de physique/chimie et de SVT). 300 candidats environ sont admissibles. Ils passent alors une épreuve orale avec du sport et un entretien avec un jury. C’est l’occasion de vérifier leurs motivations et nous assurer qu’ils ont bien conscience de l’engagement qu’ils prennent pour la suite de leur parcours. Lorsqu’ils rentrent à l’école, ils signent un lien au service de 20 à 25 ans en fonction des spécialités, avec une période probatoire de six mois. La première année, ils sont élèves officiers avant de devenir aspirant dès la deuxième année.

Comment se déroule la première année d’étude ?

La première année, les élèves sont inscrits dans les deux facultés de médecine de Lyon. Ils suivent les cours comme les étudiants civils, mais disposent d’un soutien pédagogique supplémentaire, avec l’accompagnement de huit enseignants. La première année est intense. Ils sont logés au sein des EMSLB et n’ont pas le droit de sortir sauf le vendredi de 18h à 22h. Tous les dimanches soir, ils ont des colles pour se préparer au concours, qu’ils passent, comme les civils, en fin de première année. Concernant ce concours, les militaires sont hors quota. Néanmoins, de nos élèves, passeront en deuxième année tous ceux qui seront devant le dernier civil reçu. Si un élève échoue au concours, le conseil d’instruction se réunit et peut décider de le garder malgré son redoublement ou de l’exclure de l’école. Avec la réforme du premier cycle, le redoublement ne sera plus possible. Des discussions sont en cours pour savoir quelles orientations nous allons donner.

Qu’en est-il de la poursuite du cursus ?

Durant tout le cursus, les diplômes sont universitaires. Néanmoins, les étudiants sont rémunérés, c’est pour cette raison qu’ils ont un lien avec le service.

Jusqu’en sixième année, ils suivent un double cursus. En parallèle des études de médecine « classiques », ils bénéficient d’une formation complémentaire de 1600 à 1800 heures, ce qui leur rajoute une année d’étude, lissée sur les six années. Nos élèves ont donc très peu de vacances. Cette formation complémentaire est valorisée, à l’issue de la sixième année, par l’obtention d’un Master spécialisée de médecine opérationnelle délivrée par la Conférence des grandes écoles sous réserve de rédaction d’un mémoire en lien avec leur futur métier de médecin militaire et d’une soutenance orale de ce travail.

Pour faire face à cette charge de travail, nous développons l’esprit de cohésion et d’entraide entre les élèves. Ils se soutiennent mutuellement, dès la première année, qui est indispensable pour ce type d’études. Nous avons également mis en place, il y a cinq ans environ, le plan Pastress, destiné aux étudiants de première année qui en expriment le besoin, avec des techniques d’optimisation du potentiel. Un dentiste réserviste assure aussi des séances d’hypnose et de relaxation pour ceux qui sont stressés.

Pour faire face à cette charge de travail, nous développons l’esprit de cohésion et d’entraide entre les élèves. Ils se soutiennent mutuellement, dès la première année

Les élèves bénéficient-ils d’une formation militaire spécifique ?

Effectivement, ils reçoivent tout d’abord une formation militaire au cours de laquelle ils apprennent à marcher au pas, le comportement militaire et autres rudiments du métier des armes.

Puis, ils reçoivent une formation médico-militaire. Dans ce cadre, nous avons développé ces dernières années l’enseignement du sauvetage au combat. Il s’agit d’une initiation organisée sur trois niveaux. Le premier est commun à tous les militaires avec une formation aux gestes de premiers secours. Le deuxième est un niveau infirmier. Quant au niveau 3, il s’agit du savoir-faire médical. L’ensemble des futurs médecins suivent l’enseignement des trois niveaux afin qu’ils aient une idée très précise de ce que le militaire tout venant et les infirmiers doivent savoir faire dans la prise en charge d’un blessé de guerre.

Ils suivent également des stages en milieu militaire en plus de stages civils exigés par l’université, qui ont bien souvent lieu pendant les périodes de vacances universitaires. Ainsi, en fin de deuxième année, ils suivent un stage en unité au sein d’un régiment de l’armée de terre, une base navale ou aérienne. En cinquième année, à la place du stage en médecine générale, ils suivent un stage au sein d’une antenne médicale. Et, en fin de sixième année, certains ont la possibilité d’effectuer un stage à l’étranger, au Gabon, au Sénégal ou au Vietnam par exemple.

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Quel type de spécialités peuvent-ils exercer ?

En fin de sixième année, les étudiants passent l’examen classant national comme les étudiants civils, mais ils choisissent sur une liste de postes spécifiques aux armées. 80 % des postes que nous proposons sont en médecine générale, les 20 % restant étant des postes de médecine hospitalière, principalement des spécialités projetables en opérations extérieures comme les anesthésistes, les chirurgiens ou encore les psychiatres.

Ainsi, 80 % des médecins militaires débutent leur carrière comme médecin généraliste mais après trois ans de pratique, ils peuvent passer un concours - l’assistanat - qui leur donne accès à une spécialité.

Pour le 3e cycle, c’est l’Ecole du Val-de-Grâce qui gère administrativement les élèves. Ils sont alors affectés dans l’un des huit hôpitaux militaires français pour réaliser leur internat, ce qui ne les empêche pas pour autant d’effectuer des stages dans le civil s’ils le souhaitent. A l’issue des trois ans d’internat, ils suivent une formation complémentaire à l’Ecole du Val-de-Grâce sur la médecine militaire et opérationnelle. A l’obtention du doctorat, les spécialistes hospitaliers sont affectés dans un hôpital militaire. Quant aux spécialistes de médecine générale, un concours de fin de cursus leur permet de choisir leur affectation au sein des centres médicaux des armées, qui disposent d’antennes médicales sur l’ensemble du territoire national.

Quels types de patients les médecins militaires sont-ils amenés à prendre en charge ?

En théorie, ils prennent en charge les militaires et leur famille. Un médecin généraliste militaire est à la fois médecin traitant et médecin du travail, ce qui peut dans certains cas compliquer la prise en charge, les militaires ne souhaitant pas nécessairement se confier à des médecins qui peuvent aussi être amenés à décider de leur aptitude.

En opération extérieure, le médecin généraliste est un soutien aux unités combattantes. Notre doctrine d’emploi est différente des autres armées. Au sein de ces dernières, ce sont les infirmiers et les paramédicaux qui vont au front et évacuent le plus rapidement possible les militaires « à l’arrière » si besoin. En France, les médecins et infirmiers sont au plus près des combats afin de permettre une prise en charge médicale immédiate. Le blessé est ensuite évacué vers le rôle 1 ou poste de secours. Si besoin, vers le rôle 2, c’est-à-dire une antenne chirurgicale. L’évacuation vers la métropole, lorsqu’elle est nécessaire, peut se faire moins de 24 heures après la survenue de la blessure.

Dans nos missions, le service de santé peut être amené à participer à la résilience de la nation, donc sur réquisition gouvernementale, nous pouvons intervenir au sein des hôpitaux civils par exemple.

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