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Partis pour une maison de santé? Les étapes clefs pour réussir !

Monter une maison de santé est à l’heure actuelle fortement encouragé par les tutelles. Qu’est-ce que cela implique pour les professionnels de santé ? Au niveau local les fédérations ou associations des pôles et maisons de santé accompagnent les professionnels dans leur projet de regroupement, du premier contact à la reconnaissance officielle de la structure. Voici les conseils éclairés d’Emmanuelle Chaidron, chargée de mission à l’association des pôles et maisons de santé en Pays de Loire (APMS-PDL).

Etape 1 : La volonté du regroupement

Lorsque les professionnels de santé ont une volonté de regroupement au sein d’une MSP, il est impératif qu’ils sachent quel sens donner à cet exercice regroupé : se réunir sur un même lieu, partager des moyens, se coordonner ensemble autour d’un projet commun. Beaucoup souhaitent un regroupement physique, ce qui n’implique pas nécessairement une MSP. Il y a aujourd’hui une ambiguïté autour du terme “maison de santé”. Lorsque je demande aux professionnels de santé ce qu’ils entendent par MSP, pour certains, il s’agit d’une équipe pluriprofessionnelle, pour d’autres, un site sur lequel se réunir. Alors attention, une MSP n’est pas un cabinet de groupe (qu’il soit mono ou pluriprofessionnel), ce n’est pas non plus un centre de santé puisque dans les MSP, les professionnels sont libéraux, et ce n’est pas un simple local.

Une MSP est avant tout une équipe pluriprofessionnelle – une personne morale – qui se compose de médecins (il faut au moins deux médecins généralistes), de paramédicaux et de spécialistes. Ensemble, ils vont s’associer et collaborer avec des professionnels médico-sociaux ou des associations ainsi qu’avec d’autres professionnels de la santé. Cette équipe va se structurer géographiquement sur un territoire: elle peut être mono-site, les professionnels qui se coordonnent vont donc se réunir sur un seul lieu. Mais il peut s’agir d’une MSP multisites, il va donc y avoir plusieurs antennes, des cabinets de groupes ou isolés, tous articulés entre eux. En Pays de la Loire, par exemple, il y a de nombreuses MSP multisites en raison de la géographie de la région. »

Etape 2 : définir un piLotage mobilisateur

« Pour être une MSP, une certaine chronologie est à respecter. Il faut tout d’abord que les professionnels qui sou- haitent monter une MSP commencent par informer les autres professionnels du terri- toire de leur intention afin qu’aucun ne soit mis de côté. Le territoire s’entend comme celui qui est le plus pertinent par rapport aux habitudes des professionnels de santé concernés par le projet et la population. Généralement, ceux qui souhaitent se réunir ont déjà tissé des liens entre eux.

Ensuite, il faut absolument mobiliser la totalité des professionnels intéressés car il ne peut pas y avoir trois professionnels qui pensent pour 20. Il est toujours opportun de déterminer un comité de pilotage de cinq à six personnes représentatives des diffé- rentes professions, des lieux géographiques et des partenaires. Il est là pour créer une impulsion et faire en sorte que tous les professionnels connaissent les tenants et les aboutissants du projet. Mais cela ne veut en aucun cas dire qu’il porte tout le projet et prend toutes les décisions. Mobiliser, c’est aussi créer une première identité au groupe, à savoir la forme asso- ciative. Il s’agit d’un premier niveau qui est un prérequis. »

Etape 3 : échanger et apprendre à se connaître

« Les professionnels doivent échanger sur la complémentarité de leurs compétences et définir un but commun. Il est fondamental de communiquer sur le fait de partager le souhait de travailler ensemble, car les envies ne sont pas toujours identiques. Pour que les racines de la MSP soient solides, il est indispensable de s’interroger mutuellement sur les besoins des uns et des autres, car si un professionnel ne se retrouve pas dans les objectifs fixés, le projet peut devenir pesant au quotidien et, de fait, il aura moins l’envie d’y consacrer du temps. Il faut également avoir conscience que dans le groupe il y a des forces et faiblesses, il faut se le dire, c’est fondamental.»

Etape 4 : construire ensembLe Le projet de santé

«Les professionnels doivent construire ensemble le projet de santé sur lequel va reposer la MSP. Il faut y réfléchir et le définir.

Le projet de santé doit répondre à un cahier des charges de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS). Il comprend six thématiques: l’accès et la continuité des soins, la forma- tion initiale et continue, la coopération interne, la coopération externe, la santé publique et l’implication des usagers. Le projet de santé va définir le chemin que va et souhaite suivre l’équipe pluriprofessionnelle de la MSP. Il faut le construire comme un outil de travail commun à l’ensemble des membres de la structure avec des objectifs à atteindre et définir ce que les professionnels vont mettre en œuvre pour y répondre. Il s’agit également d’un moyen pour fédérer les différents acteurs en santé, car cela permet à chacun de définir sa place et son rôle à jouer.

Ce projet de santé doit pouvoir être adaptable car il va se modifier avec l’évolution du territoire, des professionnels de santé installés, des problématiques qui vont apparaître. Il n’est jamais figé.

Une fois construit, il est présenté à l’Agence régionale de santé. Un comité se réunit pour analyser ce projet, vérifier son adéquation avec le cahier des charges de la DGOS et avec les objectifs de santé du territoire. Si ce comité, constitué des représentants des professionnels de santé et de l’ARS reconnaît le projet, la MSP est validée et obtient un numéro Finess(1).»

Des services en aide aux professionnels de santé

Le Dr Pierre de Haas, ancien président de la Fédération française des maisons et pôles de santé, estime qu’il est impé- ratif de « dégager » les professionnels de santé libéraux de tout ce qui ne relève pas de leur métier. Il a ainsi participé au lancement en janvier 2017 d’une nouvelle société, Espage, dont il est le directeur médical, qui a pour but de décharger les professionnels exerçant en maisons de santé pluriprofessionnelles de toutes les « contraintes » quotidiennes : téléphonie, prises de rendez-vous, comptabilité, réu- nions, bail, systèmes d’information, fac- tures, congés des secrétaires, entretien du bâtiment, une activité de conciergerie au sens large. « En échange d’une redevance, nous nous occupons de tout afin que les professionnels puissent exercer leur métier sans contrainte », explique-t-il. Le Dr de Haas a également lancé Facilimed pour la coordination ainsi que le service juridique et la gestion de Sisa. « Une trentaine de coordinateurs, employés de Facilimed, se répartissent dans 80 MSP », indique-t- il. Le boom des MSP a aussi conduit de nombreuses entreprises privées à leur proposer une offre spécifique de services : recherche de terrains, aide à la construction, informatisation, portage, etc.

Etape 5 : mettre en œuvre Le projet de santé et Le faire vivre

« Une fois que le projet de santé est validé par l’ARS, les professionnels de santé doivent le saisir et le considérer comme un vrai outil au risque de mettre à mal les effets bénéfiques du regrou- pement. C’est sur l’accomplissement des objectifs du projet de santé que les professionnels doivent dans un premier temps se concentrer. Attention ! entre le premier contact des professionnels qui souhaitent s’organiser en MSP et l’élaboration d’actions sur le territoire, il peut s’écouler entre deux à cinq ans. Tout va dépendre de la dynamique et de la complexité du projet, du nombre de professionnels impliqués, et de l’existence ou non d’un projet immobilier, qui rallon- gera les délais. »

Etape facultative : Le regroupement immobilier

Il est important d’avoir en tête que l’exercice coordonné n’est pas concomitant avec un projet immobilier. Nous avons beaucoup de MSP qui ne se sont pas forcément réunies dans des murs communs. Ce sont des réflexions distinctes l’une de l’autre.

L’ensemble des membres de la MSP ne sont pas toujours tous concernés par le projet immobilier. Cette question peut donc faire émerger une réflexion pour une part seulement des professionnels de santé et non pour la totalité. Le regroupement immobilier sur un ou plusieurs lieux est une décision d’équipe. »

LES NOUVEAUX MODES DE REMUNERATION

Des critères socles sont à respecter pour béné- ficier des nouveaux modes de rémunération qui relèvent d’une convention tripartite entre une MSP, la CPAM qui verse la somme et l’ARS.
Pour y prétendre, la maison de santé doit res- pecter trois critères socles :
– l’accès aux soins dans sa notion de relais avec la permanence des soins et de proximité
– la fonction de coordination, qui doit être iden- tifiée, ce qui implique un travail collaboratif, la réalisation de protocoles ou encore la mise en place de réunions de concertation pluriprofes- sionnelles
– un système d’information partagé. La MSP doit être structurée en SISA, et les professionnels ont six mois pour la créer et un an pour être en conformité avec le système d’information.
La contractualisation au règlement arbitral n’est souvent pas immédiate dès la création de l’équipe. Pour lui permettre de s’engager dans les meil- leures conditions possibles afin de percevoir les NMR, l’ARS Pays de la Loire propose un finan- cement temporaire sur le Fonds d’intervention régional (FIR). Ces subventions visent à valoriser les actions coordonnées des professionnels de santé et à constituer une aide pour permettre de porter des actions.

 

LA STRUCTURE JURIDIQUE

Au sein d’une MSP, il y a très souvent une juxtaposition de plu- sieurs organisations juridiques : celle de la MSP et celle liée à certaines professions membres de la MSP mais qui s’organisent également entre elles. Ainsi, tout ce qui va être en lien avec le projet de santé relève du pluriprofessionnel (l’ensemble des professionnels de la MSP). La structure juridique correspondante est l’association et dans la forme la plus mature de l’équipe, la Sisa. La Sisa permet à la MSP de bénéficier de subventions publiques, elle est indispensable pour percevoir les nouveaux modes de rémunération (lire encadré ci-dessus). La Sisa ne remplace pas l’association car tous les professionnels de la MSP ne peuvent pas faire partie de la Sisa, notamment ceux qui ne sont pas reconnus par le Code de la santé publique. C’est pourquoi, généralement, l’association porte le projet de santé. Cela permet aux professionnels non reconnus par le Code de la santé publique d’y participer mais aussi de facturer à la Sisa les actes effectués dans le cadre du projet de santé (coordination, éducation thérapeutique du patient) et d’être ainsi rémunérés. Enfin, certaines professions peuvent s’organiser entre elles : c’est le cas par exemple d’un cabinet d’infirmiers ou de médecins organisés en SCM. L’association ou la Sisa ne se substituent pas à ces formes juridiques propres à certaines professions. Pour la constitution de Sisa, l’APMS-PDL conseille aux équipes de se rapprocher d’experts juridiques.

 

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