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Le coordinateur des maisons et pôles de santé se doit d’être polyvalent

La structuration des professionnels de santé en maisons et pôles de santé pluriprofessionnels et plus récemment en Communautés professionnelles territoriales de santé implique une gestion administrative et financière qui peut s’avérer lourde pour eux. Pour se faire épauler, les soignants peuvent faire appel à des coordinateurs. Sonia Chouaïeb et Martin Merindol, tous les deux coordinateurs au sein d’un pôle de santé Nord 92 (Ile-de-France), nous éclairent sur leurs missions.

Propos recueillis par Laure Martin

LaureMartin

M-Soigner : Depuis quand les coordinateurs ont-ils un rôle dans le paysage sanitaire français ?

S. Chouaïeb et M. Merindol : La coordination, de manière générale, est plus ancienne que la création des maisons de santé pluriprofessionnelle (MSP). L’idée de «faire travailler ensemble» et de coordonner le travail de différents acteurs est née dans le secteur médico-social, à l’échelle des collectivités avec les ateliers santé ville (ASV), les contrats locaux de santé (CLS) ou encore les conseils locaux de santé mentale (CLSM), rattachés aux Agences régionales de santé (ARS). Ces dispositifs, avec la participation de coordinateurs, sont la genèse de la coordination des professionnels de santé, qui est marginale pour les professionnels de santé de ville, mais qui est pourtant à leur contact depuis une quinzaine d’années.
Ce qui a été déterminant pour la coordination des professionnels libéraux, ce sont les réseaux de santé, une expérience concrète d’organisation territoriale collective. Et aussi, le lancement des Expérimentations des nouveaux modes de rémunérations (ENMR) (loi santé de 2009), qui ont débloqué des crédits pour dédommager leur temps dédié à la coordination et à la gestion d’une MSP ou d’un pôle de santé. Mais si dans un premier temps les professionnels de santé pouvaient s’organiser en association, la loi Fourcade de 2011 a par la suite imposé une structuration autour d’une SISA pour pouvoir percevoir ces financements. Cela implique une organisation administrative et une gestion plus stricte, pouvant nécessiter un soutien, d’autant plus que les politiques ont de plus en plus encouragé les soignants à une organisation en MSP.

Si le coordinateur a pour rôle de mettre en place des outils opérationnels, les structures ne peuvent néanmoins pas se passer d’une part de leadership (motivation, vision de l’avenir) assurée par des personnes moteurs au sein de l’équipe de santé, un rôle qui doit être assuré par un professionnel de santé.

M-soigner : C’est ainsi que le rôle des coordinateurs a pris tout son sens…

S. Chouaïeb et M. Merindol : Avoir une personne qui, au sein d’une MSP ou d’un pôle, s’occupe de la gestion d’un projet, qui aide à l’organisation de groupes de travail, qui remplit ce rôle de chef de projet mais qui n’est pas professionnel de santé est un vrai plus pour les acteurs d’une structure de santé. Pendant un certain temps, ce sont les professionnels de santé eux-mêmes qui remplissaient ces missions. Mais l’Accord conventionnel interprofessionnel (ACI) signé par les professionnels de santé afin de recevoir des financements (en moyenne entre 40 000 et 55 000 euros par an) pour la gestion et la coordination de leur structure impose de rémunérer ceux qui remplissent des fonctions de coordination. C’est là que le coordinateur est entré en jeu car il revient moins cher de le financer que de dédommager un professionnel de santé pour son temps passé à l’organisation de la coordination. Si le coordinateur a pour rôle de mettre en place des outils opérationnels, les structures ne peuvent néanmoins pas se passer d’une part de leadership (motivation, vision de l’avenir) assurée par des personnes moteurs au sein de l’équipe de santé, un rôle qui doit être assuré par un professionnel de santé.

M-soigner : Quelles sont vos missions ?

S.Chouaïeb et M.Merindol : Il n’existe pas de fiche de poste pour les coordinateurs. Le coordinateur de santé, c’est une personne qui aide une structure. Généralement, les professionnels de santé listent leurs besoins, élaborent une fiche de poste sur cette base et façonnent ensuite le poste selon le profil de la personne recrutée. Ce sont des opportunités, des rencontres, qui mettent en lien les personnes recrutées et la MSP. Néanmoins, les coordinateurs ont souvent des missions communes comme la recherche de financements et de subvention pour la structure, l’aide à la gestion comptable, à la facturation, l’organisation de l’ingénierie informatique, l’organisation des réunions, des staff patients. Ils font aussi les liens avec les prestataires. Plus récemment, nous intervenons dans la constitution des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qui est encouragée par la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) et les Agences régionales de santé (ARS). La plupart des coordinateurs suivent et accompagnent voire représentent la structure de santé au sein des instances pour la mise en place des CPTS. Ce sont eux qui se rendent aux réunions avec l’ARS, la Cpam, qui réalisent les bilans annuels. Ce sont les personnes ressources qui travaillent pour les personnes moteurs.

La plupart des coordinateurs suivent et accompagnent voire représentent la structure de santé au sein des instances pour la mise en place des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS).

M-soigner : Existe-t-il une formation particulière pour devenir coordinateur ?

S.Chouaïeb et M.Merindol : Il existe une formation à l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP) mais elle est encore en cours de rodage. D’ailleurs, l’accès à cette formation est financé région par région, par les ARS. Les institutions tutelles poussent à ce qu’il y ait une formation de plus en plus homogène des coordinateurs de santé mais pour le moment, il n’y a aucune exigence en termes de recrutement. La majorité d’entre nous détient un Master 2 en sciences sociales, de santé publique ou de gestion.

M-soigner : Comment se passe l’intégration des coordinateurs au sein des structures ?

S.Chouaïeb et M.Merindol : C’est très structure-dépendant et lié à l’organisation de la MSP au préalable. Lorsque les coordinateurs intègrent des structures où la coordination était auparavant réalisée par quelqu’un d’autre, cela implique que certaines tâches vont devoir être revues, que des ajustements vont avoir lieu et que certains comportements vont devoir être rationalisés. Dans certains cas, cela peut s’avérer compliqué. Mais s’il est admis que les professionnels doivent s’appuyer sur des outils de coordination, cela se passe bien. Les fédérations sont enthousiastes sur la place et le rôle des coordinateurs dans les structures. Mais l’intégration sur le plan humain est fluctuant et dépend des attentes des équipes et de ce qui va être demandé au coordinateur.

Pour compléter sur le thème de l'exercice médical groupé :

 

martin merindol                       sonia chouaïeb

Martin Merindol                         Sonia Chouaïeb

Coordinateurs au sein du pôle de santé Nord 92 (Ile-de-France).

par Laure Martin