« Il faut encourager l’empowerment des étudiants en santé »
Le 15 juillet 2019, Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation et Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, ont acté la création du Centre national d’appui (CNA) pour favoriser une meilleure qualité de vie des étudiants en santé. Quel est son rôle ? Comment travaille-t-il ? Le point avec sa présidente, Donata Marra.
Propos recueillis par Laure Martin.
Le Centre national d'appui à la qualité de vie des étudiants en santé a été instauré un peu plus d’un an après la remise de votre rapport sur cette thématique. Quelles sont ses principales missions ?
A la suite de la remise de mon rapport, les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur se sont engagés à mettre en place quinze mesures (lire encadré). Le CNA est chargé de la mise en œuvre de certaines des interventions découlant de ces engagements. Il va initier et déterminer les objectifs, les modalités, les tester, les mettre en place et les diffuser auprès des universités qui vont se les approprier localement. Le CNA va par ailleurs coordonner le suivi d’autres interventions mises en œuvre par d’autres structures.
Le rôle du CNA se concentre sur les étudiants en santé, mais il va néanmoins veiller à ce que les actions et recommandations utiles aux étudiants des autres filières soient connues et transmises. Ainsi, au sein du comité de direction siègent un membre de la conférence des présidents d’universités et au niveau du comité plénier, un représentant des vice-présidents étudiants universitaires, qui assure le lien avec l’ensemble des étudiants. Notre premier séminaire d’échange des structures d’accompagnement des étudiants en santén a eu lieu le 4 novembre en présence detous le s représentants des étudiants, et des responsables d’enseignement impliqués dans les aides aux étudiants. Cette ouverture sera constante.
De quels moyens d’actions disposez-vous ?
Si vous parlez de l’aspect financier, il n’y a pas d’enveloppe dédiée au CNA. Les deux ministères financent cependant un certain nombre d’actions : je travaille à mi-temps sur le CNA, un temps de secrétariat est également financé, nous développons en outre un site Internet dédié, etc.
Concernant la mise en œuvre des interventions découlant des engagements, certaines mesures sont gérées directement par le comité de direction du CNA. Pour d’autres, nous proposons des groupes projets ouverts à d’autres membres que le CNA.
Quatre groupes projets sont actuellement en train d’être instaurés :
– qualité de vie des étudiants en santé (QVEs) et stage,
– QVES et réformes des études,
– aide à la mise en place des structures d’accompagnement des étudiants en santé,
– Site Web du CNA.
D’autres suivront. Nous travaillerons, au sein de ces groupes, avec les responsables des structures impliquées dans la qualité de vie en santé au sens large, afin de tenir compte et d’analyser les différents déterminants qui impactent les étudiants en santé.
A titre d’exemple, l’une des interventions consécutives aux engagements ministériels est de mettre en place, au sein de chaque faculté, une structure d’accompagnement pour les étudiants. Le CNA a demandé à chaque structure de communiquer le nom de l’enseignant responsable. Si elle n’est pas encore mise en place, le CNA souhaite, en attendant, qu’un enseignant soit en charge du dossier afin de permettre le suivi. Les contacts seront communiqués aux étudiants.
L’une des interventions consécutives aux engagements ministériels est de mettre en place, au sein de chaque faculté, une structure d’accompagnement pour les étudiants.
Nous avons également demandé aux responsables des structures d’accompagnement de participer au séminaire du 4 novembre afin de déterminer ensemble comment avancer dans le soutien aux étudiants. L’objectif du CNA est d’être au plus proche du terrain. La volonté d’aider les étudiants est réelle. Des structures sont déjà en place avec une volonté de partage d’expérience.
Chaque filière en santé ayant ses spécificités, comment le CNA va-t-il s’organiser pour proposer des mesures communes qui pourront être adaptées à la particularité de chaque filière ?
Nous prévoyons une mise en commun de notre réflexion, de l’expérience et de l’expertise mais également des propositions d’intervention pour toutes les thématiques concernant la qualité de vie des étudiants en santé. Ainsi, tout ce qui doit être abordé de manière pluridisciplinaire et transdisciplinaire le sera. C’est d’ailleurs une demande des étudiants.
Des interventions seront plus spécifiques pour certaines filières et seront contextualisées en rapport aux besoins.
La 1ère formation sur la qualité de vie des étudiants en santé pour les coordonnateurs de DES en médecine, organisée par le CNA et la Conférence des Doyens a eu lieu en septembre. Comment s’est-elle déroulée ? A quoi les formateurs ont-ils été formés spécifiquement ?
La formation des coordonnateurs a été transdisciplinaire. Les représentants des internes y ont participé et ont présenté leurs différentes enquêtes sur l’état des lieux de la qualité de vie des étudiants en santé : santé mentale, nombre d’heures de travail, harcèlement, etc.
Un rappel des missions des coordonnateurs a également été effectué en insistant sur l’aspect accompagnement des internes. Les membres du CNA ont en outre présenté les difficultés vécues par les étudiants et les difficultés ressenties.
Enfin, nous nous sommes appuyés sur des situations concrètes qui se répètent – les étudiants qui craignent de ne pas avoir choisi la bonne spécialité, comment revenir après un arrêt de travail – pour définir des pistes de réponses.
Briser les tabous face au sexisme, à la maltraitance, au harcèlement, n’est pas une tâche facile. Comment comptez-vous vous y prendre pour aboutir à des résultats concrets et généralisés ?
Le CNA agit dans la transmission, la diffusion et la pédagogie. Il avance de manière cohérente et concertée avec d’autres structures. Par exemple, les missions du médiateur de la République et des médiateurs régionaux vont dans ce sens. Le CNA est également en relation avec le bureau de la cheffe du département des stratégies de ressources humaines, de la parité et de la lutte contre les discriminations au sein du ministère de l’Enseignement supérieur. Au sein des universités, des référents égalité et des structures d’accompagnement des victimes de violence ont été mis en place.
Ainsi, si un étudiant subit une situation de maltraitance, plusieurs portes s’offrent à lui : les structures locales d’accompagnement, les services de médecine de prévention, les référents égalité, les bureaux de lutte contre la maltraitance universitaire. Tous peuvent l’orienter, si nécessaire, vers d’autres structures, afin qu’ils puissent bénéficier d’un accompagnement dans l’aide individuelle et dans ses droits (démarche de plainte par exemple).
L’existence de structures pour libérer la parole est déjà une grande avancée. Il faut toutefois faire de la pédagogie auprès des encadrants, des coordonnateurs afin qu’ils prennent conscience de l’existence de comportements inadaptés et inacceptables. Mais il faut également renforcer l’empowerment(1) des étudiants, leur capacité à communiquer et à être actifs. Ils n’ont pas à accepter un certain nombre de comportements. Il est difficile de parler quand on est dans une situation difficile. Nous devons les aider.
(1) Pour le CNA, l’empowerment fait référence à une aide au développement personnel. Il s’agit d’aider à développer des compétences et des connaissances afin de soutenir un étudiant en lui donnant le pouvoir d’agir. Chacun développera ses outils personnels, en termes de compétences pédagogiques transdisciplinaires, de gestion du stress, de communication …
Les quinze engagements pour favoriser la qualité de vie des étudiants en santé1 - Créer dans toutes les universités une structure d'accompagnement des victimes de violence : FAIT Source : ministère de la Santé |
- par Laure Martin