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La Communication non violente : une clef dans la relation du médecin à son patient

Fatigue, lassitude, énervement, perte de confiance en soi sont des signes avant-coureurs du burn out. Pour l’éviter et continuer à s’épanouir dans son travail, le médecin peut agir sur ses relations avec ses patients. Pascale Molho, docteur en médecine et formatrice certifiée en Communication Non Violente (CNV) nous éclaire sur la question.

Propos recueillis par Laure Martin

LaureMartin

Face à quelles difficultés relationnelles le médecin peut-il être confronté dans le cadre de son exercice ?

Dr Pascale Molho : Le médecin peut tout d’abord faire face à des patients qui se plaignent de manière répétitive par exemple d’un mal de dos, et quoi qu’il fasse ou dise, le patient revient toujours avec son mal de dos. Il reçoit aussi des patients qui se plaignent mais qui ne suivent pas les traitements ou ses consignes hygiéno-diététiques. Ils ne sont pas observants. Le médecin peut également avoir des patients pour lesquels il multiplie les examens mais ne parvient pas à trouver d’où vient le problème.
Il est par ailleurs confronté à une autre catégorie de patients, ceux qui sont agressifs ou exigeants. Ils n’hésitent par exemple pas à dire au médecin: « votre traitement ne sert à rien », « vous devez me prescrire un nouveau scanner », « j’ai besoin d’un arrêt de travail ». Ils peuvent reprocher aux médecins de ne jamais être à l’heure ou lui dire que les délais pour obtenir un rendez-vous sont trop longs. Dans cette catégorie, nous pouvons aussi classer les patients qui ont regardé tous leurs symptômes sur Internet et qui donnent l’impression au médecin de ne pas avoir confiance en lui et de vouloir diriger le traitement. Enfin, autre catégorie difficile à gérer : les patients avec une maladie grave à qui le médecin doit annoncer le diagnostic.

De quelle manière la CNV peut-elle aider le médecin ?

Dr Pascale Molho : Dans un fonctionnement « habituel », on considère généralement que la cause du ressenti est l’autre. Avec la CNV, l’objectif est de différencier le stimulus – le patient arrive en retard –, de la cause du ressenti, qui va être mon besoin, mes aspirations profondes. La première étape est d’abord de prendre conscience de l’impact de ces plaintes sur soi. Le médecin est exposé à d’innombrables stimuli de la part des patients auxquels s’ajoutent les lourdeurs administratives, les contrôles de la Cpam. S’il n’écoute pas les signaux d’alarme, il va être en épuisement. Son ressenti peut être de la lassitude, de la fatigue, de l’agacement. Il est vital d’en prendre conscience afin de ne pas le déverser à l’état brut à l’autre, par respect tant pour le patient que pour soi-même. Reconnaître qu’en voyant le nom d’un patient dans son agenda, sa première pensée est de se dire « oh non, pas encore lui, il va se plaindre » et prendre 30 secondes pour constater son ressenti de lassitude ou d’agacement en accueillant la sensation corporelle, est une première étape. Cela permet de désamorcer la réactivité en temps réel, et contribue à la qualité de congruence du médecin.

"L’écoute en elle-même est un soin."

C’est difficile notamment lorsque le médecin est face à un patient atteint d’une maladie chronique : il le reçoit en consultation fréquemment et a l’impression de ne pas pouvoir faire grand-chose. Son besoin en tant que médecin va être de contribuer au bien-être de son patient et d’avoir la satisfaction de servir à quelque chose, d’obtenir des retours positifs. Lâcher l’objectif du résultat pour se centrer, lors d’une consultation, sur une écoute empathique, en reformulant le vécu du patient est source de satisfaction. L’écoute en elle-même est un soin.

Que se passe-t-il si le médecin ne tient pas compte de son ressenti ?

Dr Pascale Molho : Dans ce cas-là, il peut basculer dans une réaction de défense car il peut percevoir le comportement du patient comme de l’agressivité. Il peut alors imposer son pouvoir, et menacer le patient en lui disant par exemple qu’il ne peut rien pour lui ou d’aller voir un autre médecin s’il n’est pas content.

Comment le médecin doit-il se comporter vis-à-vis du patient ?

Dr Pascale Molho : Plusieurs étapes sont à respecter face à la plainte d’un patient. Tout d’abord, deux étapes en parallèle : le médecin doit diriger son attention sur ce qui est important pour le patient, sur son ressenti, son besoin étant à bien différencier des demandes ou exigences. En parallèle, il doit se donner de l’empathie car la situation peut être difficile à vivre pour lui. Par exemple, si le patient exprime son mécontentement face au retard du médecin, le médecin va respirer, prendre la mesure de son exaspération et de son besoin de compréhension, afin de désamorcer la tension et la contre-attaque qu’il pourrait renvoyer au patient. Ce qui va ensuite l’aider est de reformuler la plainte du patient à voix haute et d’expliquer la situation, d’être dans l’authenticité. Cela permet d’éviter les malentendus car les interprétations sont toujours une cause de conflit. Reformuler la plainte du patient permet de remettre du mouvement dans la relation, et surtout, le médecin retrouve du sens à son travail et une qualité d’échange avec lui. Partager sa perplexité avec le patient permet de reprendre la main sur la relation, de sortir de l’impuissance pour retrouver du pouvoir d’agir et de créer un partenariat avec ce derniert, afin de ne plus avoir l’impression de le « porter ».

"Le fait de lui tendre une perche, de lui demander, lorsqu’il est agressif,
s’il y a quelque chose qui ne va pas, cela créer paradoxalement de la confiance."

Au lieu de penser que le patient ne lui fait pas confiance, il faut lui en parler. Il faut être dans l’authenticité afin de rendre les consultations plus constructives. En reformulant les plaintes du patient en disant par exemple « est-ce que ce que je vous propose ne vous paraît pas accessible ? », « préférez-vous que je vous adresse à un confrère ? », c’est aussi aider le patient à reprendre le pouvoir sur sa vie. Face à des patients vindicatifs ou exigeants, il faut avoir en tête qu’il s’agit d'un système de défense. Il ne faut pas le vivre comme une attaque mais comme une manière pour eux d’exprimer leur besoin. Il faut donc respirer profondément et faire ce que j’appelle de « l’empathie minute », en reformulant les propos pour exprimer le besoin. Par exemple : « si vous voulez de nouveau un scanner, est-ce parce que vous êtes vraiment inquiet ? ». Il est important de rentrer dans une relation honnête avec le patient. Le fait de lui tendre une perche, de lui demander, lorsqu’il est agressif, s’il y a quelque chose qui ne va pas, cela créer paradoxalement de la confiance. Cette situation va aider à trouver une solution.

Un médecin peut-il se faire aider ?

Dr Pascale Molho : Bien sûr, et il le faut. Tout médecin — comme les enseignants, éducateurs, toutes les personnes impliquées dans une forme ou l’autre de relation d’aide — a besoin d’avoir quelqu’un à qui parler, de disposer d’un lieu d’écoute. Avoir l’impression de ne servir à rien, avoir des doutes, le sentiment de ne pas être compétent sont des signes avant-coureurs de burn out.

"Avoir l’impression de ne servir à rien, avoir des doutes,
le sentiment de ne pas être compétent sont des signes avant-coureurs de burn out"

Reconnaître ce ressenti est important car il peut alors se rendre compte qu’il va avoir besoin de soutien. Il importe alors de trouver les ressources nécessaires. Lorsqu’un médecin estime qu’il est proche du burn out, pour se faire aider, il peut en parler à un collègue ou un confrère pour déposer sa lassitude, ses doutes, son ras-le-bol. Il ne faut surtout jamais avoir honte d’avoir recours à une tierce personne. Partager sa vulnérabilité est une force et non une faiblesse


Pour en savoir plus
• Lectures  

COUV MOTS
- "Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs)"Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs)", Marshall B. Rosenberg, Ed. La Découverte, avril 2016.

COUVCOM non violente
- "La communication non violente"La communication non violente", Geneviève Bouchez Wilson et Pascale Molho, Collection C’est malin, Ed. Leduc, octobre 2016.

• Formations
www.pascalemolho.fr
www.cnvformations.fr


Le mal de dos faut-il en rire ou en pleurer ?

Le mal de dos, le mal du siècle. 8 français sur 10 touchés

« Vous n’avez rien. » « Mais j’ai mal docteur. » 

Par Pascal Pistacio

PascalPistacio

Je vais mieux (comédie)
Disponible en DVD

Une comédie sur un mal qui handicape énormément de gens

Jean-Pierre Améris, le réalisateur est lui même sujet au mal de dos. Voilà pourquoi c’est avec gourmandise qu’il s’est emparé du sujet du livre Je vais mieux de David Foenkinos.
Son film est tout en tendresse pour son héros, quinqua qui se laisse flotter au gré de la vie, et qui finit par tomber sur des écueils.

Le film

De caribe en scylla

Un bel appartement parisien aux lignes épurées. Un diner entre amis. Laurent (Eric Elmosnino), le maitre de maison, arrive de la cuisine portant un plateau chargé de mets. Sa silhouette de cinquantenaire se plie brusquement pendant qu’il crie : Aiiie ! Elise (Judith El Zein), sa femme, se précipite, ainsi qu’Edouard (Ary Abittan) son meilleur ami. Laurent s’est coincé le dos. Edouard, dentiste et donc médecin se targue de le débloquer, en vain. Tout le monde y va de son conseil, tu devrais consulter, tu devrais faire des radios, tu devrais aller voir un ostéopathe…

J’en ai plein le dos !

Le lendemain, la démarche hésitante et le dos courbé, Laurent qui est architecte arrive à l’agence où il travaille. Une fois de plus, son chef de projet l’humilie et lui retire le gros dossier dont il a la charge, lui confiant à la place l’élaboration d’une passerelle dans une banlieue éloignée. En parallèle, commence un parcours du combattant pour connaître la cause du mal qui lui vrille le dos. Généralistes, radiologues ne trouvent rien. Tout cela viendrait-il d’un mental qui fonctionnerait de travers ?
Lasse de son mari qui passe sa vie à subir, Elise demande le divorce.
Laurent trouve refuge chez Edouard et sa femme, qui l’infantilisent complètement.

Le chemin de croix continu

Le dos toujours en feu, il va voir une magnétiseuse qui fait virevolter ses mains au-dessus de sa colonne vertébrale en soufflant, sans effet. Si ce n’est de croiser une jolie jeune femme dans la salle d’attente.
Laurent s’occupe enfin de son mental et consulte un psychologue pour trouver des réponses. Le praticien lui conseille de « sortir » de lui et d’envoyer balader tous ceux qui, depuis des décennies, lui gâchent la vie…

Le premier pas vers la liberté

Laurent se précipite à son bureau et casse la gueule à son chef de projet qui n’a de cesse de le harceler. Puis, il va voir ses parents et leur dit tout ce qu’il a sur le cœur à propos son enfance.
Lassé d’être hébergé sur un canapé, il prend une chambre dans un petit hôtel et travail à la passerelle qui doit relier les berges du canal en banlieue nord.

La vie comme un conte de fée

Quand tout va mieux, tout va mieux. Son dos se redresse. Laurent, en réglant ses comptes, fait de la place dans sa vie. Au détour d’une rue, il retrouve la jolie jeune femme croisée dans la salle d’attente de la magnétiseuse. Il est temps pour lui d’écrire une nouvelle page de son existence.

Bande annonce

Prescription 

Je vais mieux est la onzième réalisation pour le cinéma de Jean-Pierre Améris. C’est sa troisième comédie (Les émotifs anonymes 2010, Une famille à louer 2015). Cinéaste tout en finesse et subtilité il persiste et signe. Le ton est léger et la forme ludique. Eric Elmosnino en souffrant lunaire est parfait. Un remède cinématographique à prescrire en cas de lombalgie mentalement chronique.

Réalisation : Jean-Pierre Améris
Scénario : Jean-Pierre Améris d’après le roman de David Foenkinos
Avec : Eric Elmosnino, Ary Abittan, Judith El Zein, Alice Pol, François Berléan
Durée : 1h 26

 

La règle des 5 R
 
→ Ralentir
→ Respirer
→ Ressentir (dans le corps)
→ Reconnaître ce qu’il vit
→ Reformuler ce que l’autre vit pour éviter les interprétations erronées
+ Remercier : quand on écoute vraiment, l’autre nous apprend toujours quelque chose

 

 

par Laure Martin & Pascal Pistacio