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HAD : un nouvel outil d’aide à l’orientation des patients pour les prescripteurs

Considérée comme un établissement de santé depuis 2009, l'hospitalisation à domicile (HAD) est pourtant encore sous-utilisée et encore trop peu connue des professionnels de santé. La Haute autorité de santé (HAS) a donc développé et lancé le 11 décembre un outil en ligne – le premier du type – d’aide à la décision pour les médecins prescripteurs, ADOP-HAD.

Mode d’hospitalisation à part entière, l'HAD permet d'assurer, en fonction de l'évolution de l'état de santé du patient, des soins médicaux et paramédicaux continus et coordonnés sur le lieu de vie du patient. Ces soins se distinguent de ceux habituellement dispensés à domicile par la complexité et la fréquence des interventions. Cette modalité d'hospitalisation offre les mêmes conditions de sécurité et de qualité des soins que celles exigées dans un établissement hospitalier. Elle n'est mise en place que sur prescription médicale et avec l'accord du patient et du médecin traitant - ou du médecin désigné par le patient, qui assure la coordination de la prise en charge médicale.

Malgré une politique en faveur de l’HAD menée par les pouvoirs publics, ce type d’hospitalisation occupe une place encore marginale dans le parcours de soins des patients en France, comme l’ont pointé du doigt des rapports de la Cour des comptes et de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas). « L’une des raisons expliquant le développement limité de l’HAD en France est la méconnaissance de ce dispositif et de sa spécificité par les professionnels de santé et les prescripteurs », indique le Dr Olivier Scemama, adjoint au chef de service au sein du Service d’évaluation économique et santé publique à la HAS. Actuellement, l’HAD est uniquement utilisée pour certains types de prises en charge, comme l’obstétrique, les soins palliatifs ou encore la gériatrie. « Les prescripteurs ne savent pas que cette hospitalisation s’applique à toutes les pathologies », précise Anne-Line Couillerot-Peyrondet, chef de projet au sein du même service. Et d’ajouter : « La connaissance de ce type de prise en charge dépend également de la communication qui est faite autour, sur le terrain, par les acteurs de l’HAD. »

Sensibiliser les médecins prescripteurs

« Notre objectif, à la demande de la Direction générale de l’offre de soins (DGOS), a été d’analyser la pertinence des demandes de transferts et d’admissions en HAD et de construire un outil permettant de justifier une demande d’admission en HAD », explique Isabelle Bongiovanni, chef de projet au sein du même service. La HAS cherche à améliorer la connaissance de cette forme d'hospitalisation en clarifiant les critères d'orientation des patients et en développant un outil en ligne d'aide à la décision d'orientation des patients en HAD, à destination de l'ensemble des médecins prescripteurs, de ville comme hospitaliers. Le but est de sensibiliser les professionnels de santé à l'existence de cette alternative, à la possibilité d'y recourir quand cela se justifie, et de répondre à la demande croissante des patients qui souhaitent être soignés à domicile. « Nous voulons aussi une meilleure connaissance des modalités d’hospitalisation en HAD afin d’éclaircir les critères pour lesquels les patients sont orientés vers l’HAD et d’éviter que la prise en charge soit faite à la place d’une infirmière libérale ou d’un Service de soins infirmiers à domicile (Ssiad) », rapporte Anne-Line Couillerot-Peyrondet.

Evaluer l’éligibilité du patient

ADOP-HAD est accessible en ligne via l'adresse http://adophad.has-sante.fr, à un format compatible avec les ordinateurs, les téléphones portables et les tablettes.
Il doit ainsi permettre aux prescripteurs d'identifier rapidement les patients pour lesquels une demande de prise en charge en HAD est pertinente. Grâce à cet outil, les médecins peuvent tester l'éligibilité à cette modalité d'hospitalisation de tous les patients, quelle que soit leur provenance : domicile, hôpital et établissements médico-sociaux ou sociaux avec hébergement.
L'outil peut être utilisé en amont de la décision d'orientation du patient pour permettre :

  • d'envisager la sortie du patient le plus tôt possible au cours d'une hospitalisation conventionnelle avec hébergement, afin de favoriser un retour précoce à domicile ;
  • d'éviter une hospitalisation conventionnelle avec hébergement au profit d'une prise en charge du patient sur son lieu de vie.

Si le patient est éligible à une HADl'admission effective doit ensuite être discutée entre l'équipe de l'HAD, le médecin traitant (ou celui désigné par le patient) et avec le patient lui-même. Car quelle que soit la réponse apportée par l'outil, il est indispensable de respecter les principes liés aux droits et à l'intérêt du patient, à savoir assurer le libre choix du patient et de son entourage quant aux possibilités de prise en charge et privilégier l'équipe déjà impliquée dans la prise en charge à domicile.

Simple d’utilisation

« ADOP-HAD » se présente sous la forme d'un algorithme avec différents critères de sélection à cocher par le médecin, visant à déterminer la pertinence du recours à l’HAD.
Centrés sur les besoins en soins des patients, les critères prennent en compte sa situation clinique mais aussi d'autres aspects tels que le niveau de dépendance ou la vulnérabilité psycho-sociale du patient. Ces critères ont été définis à partir de la spécificité des soins administrés en HAD et de façon à englober la diversité des modes de prise en charge qui y sont autorisés. Ils sont adaptables aux évolutions de l'activité médicale de cette modalité d'hospitalisation

Pour construire l’algorithme, la HAS a mené un travail préalable en analysant le guide méthodologie de l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH) afin de connaître les critères de prise en charge en HAD ou encore le Programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI).

Un groupe de travail, constitué de 32 experts (professionnels de l’HAD, médecins prescripteurs, infirmiers, patients), a été réuni deux fois afin de déterminer des critères génériques pour tous types de patients, pathologies et provenances. « C’était l’une des difficultés dans l’élaboration de l’algorithme, à savoir être le plus simple possible avec un nombre limité de critères », indique Anne-Line Couillerot-Peyrondet.

La version provisoire de l’algorithme a été testée par 42 prescripteurs sur 304 dossiers concrets de patients. Ils ont effectué des remontées de résultats et donné leur appréciation. « Les prescripteurs ont très bien accueilli l’outil car il répond à un vrai besoin », fait savoir Isabelle Bongiovanni. Puis, un groupe d’évaluation constitué de 16 professionnels de l’HAD a répondu à un questionnaire de satisfaction. L’ensemble des remontées et la troisième réunion du groupe de travail ont permis d'aboutir à la version finale de l’outil, un travail qui a pris environ 15 mois.

 
En pratique, le prescripteur répond à des questions successives (maximum 8 clics) du type « L'état de santé du patient nécessite-t-il l'administration de médicaments de la réserve hospitalière ? » ou « L'état du patient répond-il à l'une des situations suivantes ? ».
Au terme de l'évaluation, un document PDF est proposé, récapitulant le résultat et les différents critères sélectionnés. Celui-ci peut être conservé dans le dossier patient et utilisé dans les échanges avec l'équipe de l’HAD pour décider de l'admission effective du patient.


Depuis sa mise en ligne, ADOP-HAD a été utilisé 7651 fois.

 

 

par Laure Martin