Permanence des soins (c) Garo Phanie

Permanence des soins ambulatoires : la fragilité perdure

Le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) a publié fin mars sa seizième enquête annuelle sur la Permanence des soins ambulatoire (PDSA). Menée auprès des Conseils départementaux de l’Ordre des médecins, elle révèle de nombreux changements organisationnels.

par Laure Martin

LaureMartin

Les Conseils départementaux de l’Ordre des médecins ont fait état, dans le cadre de l’enquête annuelle du Cnom, de nombreuses évolutions dans l’organisation de la PDSA en 2018, liés notamment à l’harmonisation plus ou moins importante des organisations au sein des nouvelles régions. 60 % des départements ont connu des changements dans l’organisation de la PDS, et cinq des sept nouvelles régions ont révisé leur cahier des charges de la PDS pour parvenir à un document unique (Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche Comté, Nouvelle Aquitaine, Normandie, Hauts-de-France).

Autre constat en termes d’organisation, le nombre de secteurs de PDS a diminué pour toutes les plages horaires. Le nombre de secteurs est ainsi passé de 1 579 à 1 442 en soirées, de 1 644 à 1 485 en weekends et jours fériés, et de 423 à 387 en nuits profondes. Une évolution qui correspond parfois aux besoins constatés puisque 6 % seulement des actes de PDSA sont réalisés en nuit profonde, selon la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam). Cependant, certains Conseils départementaux dénoncent la réduction « injustifiée » du nombre de territoires, déconnectée des besoins réels observés (notamment les départements des Alpes-Maritimes, des Bouches du Rhône, du Pas-de-Calais et de la Charente-Maritime).

Une démographie fragile

Les médecins participant à la PDSA ont réalisé en moyenne 31 gardes sur l’année 2018. La PDSA est avant tout assurée par les médecins généralistes libéraux exerçant en cabinet (93 % des médecins impliqués en 2018). La part des médecins salariés exerçant en centres de santé participant à la PDSA n’était que de 1% et celle des médecins remplaçants exclusifs de 5%.

Selon les données fournies par les CDOM, le taux de participation des médecins généralistes en 2018 a considérablement varié d’un département à l’autre, allant de moins de 10 % pour certains à 100 % pour d’autres. Selon ces données, entre 2017 et 2018, 19 % des départements ont connu une hausse de leur taux de participation (c’était notamment le cas des départements de la Corrèze, de l’Indre ou du Jura). Pour les autres départements, il est resté majoritairement stable (36%) ou a diminué (32 %). La baisse du taux de participation peut être liée à des facteaurs conjoncturels tenant à la démographie médicale ainsi qu’à des facteurs structurels tenant à l’organisation de la PDSA. La tendance à la réduction du nombre de territoires de garde peut conduire à une baisse du nombre de médecins y participant, comme cela a notamment été relevé en Indre-et-Loire. Dans certains secteurs de garde, la démographie est particulièrement fragile. Ainsi, 36% des secteurs de garde sont aujourd’hui couverts par moins de dix médecins volontaires, et 18% par moins de cinq médecins volontaires.

Pistes d’amélioration

En 2018, 62 % des CDOM considèrent néanmoins que la PDS fonctionne bien dans leur département mais 16% considèrent que la qualité du fonctionnement et mitigée et fragile. Les principales problématiques soulevées par les CDOM pour justifier de cette fragilité tiennent à la démographie médicale, à la présence de « zones blanches » au sein du département par manque de médecins ou encore aux difficultés liées à l’organisation, notamment la réduction injustifiée du nombre de territoires conduisant à des secteurs de gardes qui mettent à mal les médecins volontaires et compliquent l’accès aux soins.

En 2018, 62 % des CDOM considèrent [...] que la PDS fonctionne bien dans leur département mais 16% considèrent que la qualité du fonctionnement et mitigée et fragile.


Face à ce constat, plusieurs pistes d’amélioration émergent : mesures financières incitatives telles que l’élargissement de la défiscalisation à tous les territoires, renforcement de la participation des étudiants, thésés et médecins salariés à la PDSA, développement des points fixes de consultation accompagné de la mise à disposition de transports dédiés pour que les patients non-mobilisables puissent s’y rendre, restructuration des secteurs de garde pour une organisation axée sur une mise en cohérence de la PDSA et des besoins constatés, ou encore actions de communication auprès du grand public pour une utilisation plus efficiente du système ainsi qu’une communication institutionnelle à visée incitative auprès des médecins libéraux.

Étude complémentaire

Afin de compléter cette enquête menée auprès des Conseils départementaux de l’Ordre, le Cnom a souhaité interroger les médecins généralistes pour recueillir leur sentiment sur l’organisation de la PDSA. Menée par l’institut Elabe, cette étude complémentaire a permis d’interroger 4 973 médecins généralistes en activité régulière, retraités actifs ou remplaçants sur les motivations et les freins à la participation à la PDSA. Ils sont 68% à estimer qu’elle fonctionne bien. Une majorité relative de médecins estime cependant que la situation se détériore (36 %).

Pourquoi une participation à la PDSA ? Le sens du devoir (76%) et la solidarité avec les autres médecins de leur secteur (75%), devant les motivations financières (53%), quoique celles-ci sont plus importantes pour les médecins de moins de 40 ans et les remplaçants, chez qui la motivation financière atteint quasiment le même niveau que le devoir et la solidarité. Les principaux freins à la participation évoqués sont un emploi du temps professionnel déjà chargé (81%), la fatigue induite par les gardes (68 %) et la difficulté de concilier gardes et vie de famille – un frein plus largement évoqué (84%) auprès des moins de 40 ans, des remplaçants et des femmes.

Une organisation au plus près du territoire

66% des médecins participant à la permanence des soins estiment que les conditions d’exercice lors des gardes sont bonnes. Ils sont 75% à déclarer souhaiter privilégier avant tout les gardes postées, et 7% seulement les gardes mobiles. 67 % des 4 973 répondants estiment d’ailleurs que les maisons médicales de garde facilitent l’organisation de la PDS et 66% qu’elles facilitent l’exercice médical.

Les médecins regrettent cependant une coordination insuffisante avec les services d’urgence : seuls 35% d’entre eux la jugent bonne. Autre difficulté, particulièrement en milieu rural, les remplacements : si 81% des remplaçants estiment qu’il est facile de trouver des gardes, 56% des médecins installés considèrent au contraire qu’il est difficile pour eux de trouver un remplaçant, ils sont 65% à le penser en milieu rural.

Les médecins souhaitent par ailleurs que les décisions d’organisation de la PDSA soient prises au plus près des territoires. 60% d’entre eux estiment que les modalités d’organisation de la permanence des soins doivent être décidées au niveau du secteur de garde, contre 21% pour le niveau départemental, et 2% seulement pour le niveau régional.

Source : Cnom