Atlas de la démographie médicale : le renouvellement générationnel des médecins insuffisant

Le Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom) a publié en fin d’année 2018, son Atlas annuel sur la démographie médicale. La situation démographique permet à l’instance de tirer plusieurs enseignements pour le projet de loi à venir.

Par Laure Martin

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Le nombre de médecins inscrits au tableau de l’Ordre est en augmentation (296 755 au 1er janvier 2018, +2% par rapport à 2017). Cependant le nombre de médecins en activité régulière est encore en légère baisse (-0,1%), à 198 081. D’ailleurs, depuis 2010, le nombre de médecins en activité régulière a diminué de 10%.
Cette tendance à la baisse concerne en premier lieu les médecins généralistes. De 94 261 en activité régulière en 2010, ils ne sont plus que 87 801 en 2018, soit une baisse de 7,3% depuis 2010.

Dans la tendance observée ces dernières années, les médecins sont de plus en plus nombreux à opter pour l’exercice salarié : ils sont 47% à choisir ce mode d’exercice, contre 42% en 2010, tandis que la proportion de médecins libéraux à suivre le chemin inverse est passée de 47% à 42% sur la même période. L’exercice mixte reste stable, à 11%.
L’exercice salarié reste d’ailleurs plébiscité par les primo-inscrits au Cnom, puisque 83% d’entre eux font ce choix et 16% le choix du libéral.

Un manque de jeunes médecins

L’Atlas du Cnom révèle par ailleurs que le renouvellement générationnel est insuffisant. Les étudiants admis en faculté après le rehaussement du numerus clausus (à partir de 2005-2006 notamment) commencent seulement à rentrer dans un exercice plein. L’index de renouvellement générationnel - rapport des médecins de moins de 40 ans sur les médecins de 60 ans ou plus - se situe ainsi à 0.85 pour les médecins généralistes et 0.95 pour les spécialistes chirurgicaux, ce qui dénote un renouvellement insuffisant. Seules les spécialités médicales, avec un rapport de 1,21 connaissent un renouvellement réel.

Des territoires cumulant les fragilités

Ce manque de jeunes médecins explique en partie l’accroissement des inégalités entre les départements les mieux lotis en termes de densité médicale (décile 10) et les départements les moins bien lotis (décile 1). Les départements les plus mal lotis ont connu une dégradation plus rapide de leur densité médicale : alors que la densité des généralistes a chuté de 9.8% dans les départements du décile 10 entre 2010 et 2018, elle a chuté de 19.8% dans le décile 1. Si la densité des spécialistes médicaux a augmenté de 2.7% dans le décile 10, elle a chuté de 2.5% dans le décile. Enfin, si la densité de spécialistes chirurgicaux a augmenté de 4.9% dans le décile 10, elle a chuté de 6.1% dans le décile 1. Pour le Cnom, ce constat montre l’absence d’effets des mesures incitatives mises en œuvre jusqu’ici, et confirme l’urgence d’une réforme portant un véritable changement de paradigme.

"Les populations les plus en demande de soins sont le plus souvent éloignées de l’accès aux soins."

Les difficultés en termes de densité médicale viennent le plus souvent s’agréger à d’autres facteurs de fragilité territoriale. L’Ordre constate qu’il existe un lien très significatif et inversement proportionnel entre densité médicale des départements et proportion de la population générale ayant plus de 60 ans : les populations les plus en demande de soins sont le plus souvent éloignées de l’accès aux soins. Ces mêmes territoires bénéficient généralement que partiellement d’une couverture Internet mobile et les habitants souffrent souvent d’un accès difficile aux équipements de la gamme intermédiaire (collèges, supermarchés, stations-services…). Ce creusement des inégalités entre départements favorisés et défavorisés est « une remise en cause du pacte Républicain dont la santé pour tous est un pilier », estime le Cnom.

Les attentes de l’Ordre

Dès lors l’Ordre rappelle depuis plusieurs années que la transformation de notre système de santé est plus que nécessaire et appelle à un projet de loi d’envergure pour redonner une vision et un cap, aux médecins, aux professionnels de santé et à leurs patients. Il avait appelé à faire preuve de vigilance pour que « les orientations positives de la stratégie nationale de notre système de santé » soient traduites dans le projet de loi annoncé pour le printemps 2019. Pour le Cnom, plusieurs éléments fondamentaux doivent être amendés ou ajoutés au projet du Gouvernement pour que la réforme annoncée réussisse :

  • Une organisation territoriale incluant l’ensemble des acteurs du soin. 
  • Une véritable démocratie sanitaire, seule à même de faire naître une structuration territoriale au service de tous.
  • Une nécessaire réaffirmation du principe de solidarité, issu des ordonnances de 1945.

Le Cnom publiera prochainement des propositions concrètes sur les dix chantiers retenus dans le cadre du plan « Ma santé 2022 ».


Source : Cnom

 

par Laure Martin