(c) PHANIE

Le cannabis thérapeutique et la filière chanvre

Le cannabis bientôt examiné à la loupe ! Grâce à une expérimentation de deux ans sur les effets du cannabis médical décidée par un comité spécialisé scientifique temporaire (CSST) de l’ANSM qui devrait débuté en janvier 2021 et une mission parlementaires sur les différents types de cannabis : médical, bien-être et récréatif.

Par Laurent Joyeux.

LaurentJoyeux

Cette mission commune relative à la réglementation et à l’impact des différents usages du cannabis a repris ses travaux le 3 juin dernier. La crise du Covid-19 qui a bloqué ses auditions, a aussi montré la nécessité d’étudier l’usage du cannabis sous ses différents aspects. Pour le député Robin Reda, président de la mission, il faut tout à la fois « organiser une audition sur l’activité policière et judiciaire liée au trafic de stupéfiants […] et inscrire notre réflexion sur le cannabis bien-être et sur la filière chanvre dans un contexte de reprise d’activité ». Le député Jean-Baptiste Moreau, rapporteur général de la mission résume parfaitement la situation, « […] Les travaux de notre mission sont plus que jamais nécessaires pour dépassionner et démystifier le débat autour de cette substance et mieux articuler science, économie et société ».

Cannabis thérapeutique, médical ou bien-être ?

Premier constat, il ne s’agit pas de commercialiser des joints sur ordonnance. Le cannabis thérapeutique – ou plus précisément « médical » – relève de la classe des stupéfiants, comme la morphine. Il est prescrit part les médecins et vendu en pharmacie avec une posologie bien précise. Parmi d’autres composants, on distingue le CBD (cannabidiol) et le THC (tetrahydrocannabidol). « Lorsque l’on parle de cannabis médical, on parle non pas d’une substance isolée mais d’une association de molécules dans une indication précise. On fabrique des médicaments très différents les uns des autres de par leur composition », explique le Pr Nicolas Authier, médecin psychiatre, Chef de service de pharmacologie médicale et du centre d’évaluation de la douleur du CHU de Clermont-Ferrand.

Le « cannabis bien-être », pour sa part, est tiré du CDB. Pour être commercialisé en France, il doit être d’origine exclusivement synthétique. Toute une économie lucrative se développe autour de ce concept flou, à la marge entre médecine, cosmétologie et relaxation. Pour les acteurs de la filière chanvre français  « C’est du grand n’importe quoi ! »

Une expérimentation avec du cannabis d’importation

Le ministre de la Santé, Olivier Véran, l’ANSM et l’Assemblée nationale ont  donné leur feu vert pour que l’expérimentation sur le cannabis médical soit menée dans des centres hospitaliers dont les pharmacies délivreront les substances. Celles-ci seront importées car la loi française interdit plus de 0,2 % de THC dans les plants de cannabis. Un groupe de 3 000 patients souffrants de pathologies lourdes comme la sclérose en plaques fera partie de l’essai. Le cannabis leur sera administré sous forme d’huile ou de fleurs séchées. Le suivi de tous les malades sera enregistré, des évaluations permettront de juger de la pertinence du cannabis médical.

Selon les experts, entre 300 000 et  un million de personnes pourraient être concernées en France mais le cannabis viendra en complément des autres traitements. Il pourrait avoir de bonnes indications dans la douleur neuropathique, la sclérose en plaques, l’épilepsie, les complications liées aux cancers et les soins palliatifs.

Un groupe de 3 000 patients souffrants de pathologies lourdes comme la sclérose en plaques fera partie de l’essai. Le cannabis leur sera administré sous forme d’huile ou de fleurs séchées [...] Selon les experts, entre 300 000 et  un million de personnes pourraient être concernées en France.


Et la culture du cannabis en France ?

Le chef de l’État s’est déclaré favorable à la création de productions locales mais l’article R.5132-86 du Code de la Santé publique interdit formellement la culture du cannabis à usage médical. Pour Jouany Chatoux, un agriculteur creusois qui travaille au développement de la filière chanvre en France, « la production française est bloquée. Il faudrait lever de multiples freins réglementaires pour que la culture du cannabis commence en France. Le taux de 0,2 % de THC bien sûr, mais aussi les variétés de chanvre autorisées. Actuellement on ne peut utiliser que les variétés inscrites au catalogue de la politique agricole commune et elles ne sont pas sélectionnées pour leur potentiel médicinal. De plus, les producteurs ne peuvent ni recourir au bouturage, ni semer des graines féminisées. »

Il suit avec intérêt les études en cours comme la mission du CSST et l’expérimentation sur des malades, ou les travaux des trois sous-commissions de la mission parlementaire sur le cannabis thérapeutique, bien-être et récréatif. Toutefois, depuis deux ans qu’il travaille sur la filière chanvre, il s’étonne « Il faut vraiment que l’État prenne les choses en main. Il n’y a pas encore de cahier des charges ni de demande pour une filière organisée. Si nous obtenons les autorisations de produire, il nous faut un an pour être opérationnels ! Sites de production, transformation, laboratoires, tout est prêt .»

« Nous ne voulons pas d’un système à la canadienne avec quatre grosses sociétés cotées en bourses qui détiennent le monopole. [...] 80 % des gens sont favorable à ce projet mais il piétine et nous assistons à un blocage purement administratif entre ministères ! »

Vers une appellation d’origine contrôlée du cannabis

Avec ses confrères, Jouany Chatoux souhaite créer un pôle d’excellence du chanvre français, le Cannapôle 23. « Nous ne voulons pas d’un système à la canadienne avec quatre grosses sociétés cotées en bourses qui détiennent le monopole. Le modèle proposé par un groupement de coopératives françaises, comme In Vivo, nous semble un mauvais exemple. Nous nous battons pour une appellation d’origine controlée et un suivi de qualité. »  Il s’étonne, «  80 % des gens sont favorable à ce projet mais il piétine et nous assistons à un blocage purement administratif entre ministères ! »

Nul doute que le cannabis, sous ses trois formes, fasse encore beaucoup parler de lui dans les années qui viennent, même si la société et les mentalités évoluent à son sujet.

par Laurent Joyeux