Innovation en santé : le réseau fait la force
Dans le domaine de la santé, 7 pôles ont été créés en France depuis 2005 : Alsace Biovalley, Atlanpole Biotherapies, Cancer-Bio-Santé, Eurobiomed, Lyonbiopôle, Medicen Paris Region et Nutrition-Santé-Longévité. Ensemble, ces pôles regroupent 1 300 adhérents, dont 1 000 PME. De grandes entreprises, des institutions académiques, des collectivités territoriales, des hôpitaux et établissements de soins renforcent cet écosystème unique et dynamique.
Sept pôles de compétitivité en santé se raccordent en réseau
par Cécile Menu (Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.)
Temps de découverte : 8 à 10 min
Transformer la valeur scientifique et technologique en valeur thérapeutique et économique
Les projets labellisés par les pôles en santé représentent près de 5 milliards d’euros. Les projets achevés ont permis la mise sur le marché de 400 produits ou services ainsi que la création de 54 entreprises.
Pour rendre la France plus compétitive dans le domaine de la santé et renforcer sa visibilité sur le marché mondial, il était nécessaire de regrouper les pôles de compétitivité en santé. Chose faite en avril dernier. Les Pôles participent en commun à des salons, chaque pôle peut représenter l'ensemble
« Nous sommes ravis de développer ce travail en réseau des sept pôles de compétitivité en santé. Il permettra de donner un nouvel élan aux actions interpôles déjà existantes depuis 2014. Dans la perspective de la phase 4 des pôles de compétitivité, nous nous organisons afin de multiplier et structurer ces actions », déclaraient conjointement les sept présidents des pôles tout en concluant : « Ensemble, nous sommes plus forts et donnons plus d’opportunités à nos adhérents. Les chiffres consolidés montrent l’impact qu’ont les pôles sur le tissu économique français. Nous allons continuer notre mission pour dynamiser l’emploi, améliorer l’attractivité des territoires et réindustrialiser la France
Des synergies et des coopérations porteuses
- Alsace BioValley participe activement aux projets structurants et collaboratifs du Grand Est. Il contribue notamment à la mise en relation des différents acteurs et à la création de partenariats régionaux, nationaux et internationaux. Le Pôle s’appuie sur un réseau dynamique d’entreprises, une recherche académique et clinique de premier plan, ainsi qu’un réseau intégré de partenaires, acteurs-clés de l’innovation. Il s’insère dans la BioValley, un cluster qui concentre plus de 600 entreprises françaises, allemandes et suisses, propice aux coopérations transfrontalières.
- Atlanpole Biotherapies est un pôle de compétitivité interrégional Pays de la Loire – Bretagne – Centre Val de Loire, d’envergure internationale centré sur les biothérapies, labellisé par le ministère de l’Industrie (juillet 2005). Le pôle participe à la construction de la médecine de demain autour de quatre axes : l’immunothérapie, les radiopharmaceutiques, la médecine régénératrice, les technologies innovantes pour les biothérapies, qui concernent notamment la médecine personnalisée avec l’exploitation des smart data.
- Cancer-Bio-Santé est un pôle bi-régional : Midi-Pyrénées et Limousin. Créé en 2005 sur la thématique de l’oncologie, le périmètre d’action s’est élargi en 2013 à la double thématique oncologie et vieillissement. Les axes d’action se déclinent autour de quatre domaines d’activité atratégiques (DAS) :
→ DAS1 : « Prévention Nutrition Environnement »,
→ DAS2 : « Molécules d’intérêt thérapeutique et diagnostique »,
→ DAS3 : « Innovations technologiques – Imagerie – Dispositifs médicaux »,
→ DAS4 : « Maintien à domicile - e-santé».
Depuis début 2016, de nombreuses actions contribuent à l’émergence de projets de santé s’appuyant sur les technologies de l’aérospatial. - EUROBIOMED, fondé en 2009 par l’ensemble des acteurs de la filière santé des régions Occitanie Est et Provence Alpes Côte d’Azur, le pôle de compétitivité EUROBIOMED fédère à ses côtés tous les acteurs du territoire : enseignement, recherche fondamentale, translationnelle et clinique, centres d’innovation technologique, start-up et success stories industrielles. EUROBIOMED est avant tout un collectif qui vise à développer les interactions entre acteurs de la filière, à accompagner l’innovation et la croissance de la filière et des acteurs publics et privés et à être un interlocuteur pour les pouvoirs publics afin de les accompagner dans la mise en place de réponses adaptées aux enjeux du secteur.
- Lyonbiopôle est le pôle de compétitivité santé de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Guichet unique de la santé en région, il soutient les projets et les entreprises du secteur et a pour vocation de renforcer le développement d’innovations technologiques, produits et services pour une médecine personnalisée au bénéfice des patients. Ses quatre domaines d’actions stratégiques sont : les médicaments à usage humain, les médicaments vétérinaires, le diagnostic in vitro et les dispositifs médicaux et technologies médicales. Le pôle est certifié label Gold par l’European Cluster Excellence Initiative.
- Medicen Paris Region est un pôle de compétitivité des technologies innovantes en santé, à rayonnement national et international. Il mobilise plus de 350 entreprises, organismes académiques, hôpitaux et collectivités territoriales autour d’une même ambition : positionner l’Île-de-France en premier cluster de santé d’Europe. Depuis la création du pôle en 2005, 62 produits innovants ont été commercialisés dans les domaines de l’imagerie, des dispositifs médicaux et des outils biologiques. 292 projets ont été labellisés et financés par l’État (Fonds unique interministériel, Projets structurants), Bpifrance, l’Agence Nationale de Recherche, le Fonds Européen de Développement Régional, les Investissements d’Avenir (exGrand Emprunt) et/ou par les collectivités territoriales, la Région Île-de-France.
- Le Pôle de Compétitivité Nutrition Santé Longévité (NSL) compte aujourd’hui plus de 120 membres issus des secteurs de l’agroalimentaire, de la pharmacie, des biotechnologies innovantes, ainsi que des centres de recherche investis dans le domaine de la Nutrition Santé. Sa mission est de contribuer au développement de ses membres sur deux marchés en forte croissance : celui des aliments et des ingrédients fonctionnels ainsi que celui des traitements médicamenteux des maladies métaboliques et pathologies liées au vieillissement. Le Pôle NSL a accompagné plus de 20 projets du Programme d’Investissement d’Avenir avec notamment un soutien de la recherche académique d’excellence sur le diabète et les maladies neurodégénératives. Il a ainsi contribué à la mise sur le marché de plus de 30 produits et services.
La valorisation de la santé en marche, pour rendre la France attractive
Pour renforcer l’impact des acteurs de santé sur le tissu économique français, d’autres acteurs de poids interviennent : la division Healthcare de la French Tech : « S’appuyant sur les French Tech Hubs et le partage d’expérience, le réseau « Santé » contribuera à la renommée internationale de la France dans un secteur où elle ne cesse de s’illustrer. », France Biotech, l’association des entrepreneurs français en sciences de la vie et de leurs partenaires experts, qui soutient le développement de l’innovation santé et le Comité Stratégique de Filière Industries et Technologies de santé, CSF Santé, dont l’une des missions est de veiller à renforcer la présence et le positionnement de la filière sur des projets européens de R&D (Horizon 2020).
Les pôles de compétitivité : combiner le territoire, l’innovation et l’industrie
« La politique des pôles de compétitivité a été initiée en 2004 pour mobiliser les facteurs clefs de la compétitivité et pour développer la croissance et l'emploi sur les marchés porteurs … Un pôle de compétitivité a vocation à soutenir l'innovation. Il favorise le développement de projets collaboratifs de recherche et développement (R&D) particulièrement innovants. Il accompagne également le développement et la croissance de ses entreprises membres grâce notamment à la mise sur le marché de nouveaux produits, services ou procédés issus des résultats des projets de recherche. »
Source :http://competitivite.gouv.fr/politique-des-poles-471.html
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A quoi servent (vraiment) les pôles de compétitivité en santé ?
Imaginez un cocktail où je me serais inscrit en répondant à une simple invitation ouverte reçue par courrier électronique sur ma boîte universitaire. Un pôle de compétitivité français dans le domaine de la santé a le plaisir de me convier à l’inauguration de sa nouvelle plateforme au nom futuriste mélangeant savamment le français et l’anglais, mais aux fonctions obscures. Friand d’innovation et curieux de rencontrer un des si nombreux équivalents français de la Silicone Valley — bon nombre de ces pôles de compétitivité se sont baptisées « valley » —, je donne suite à l’invitation.
Par Maël Lemoine, philosophe des sciences médicales
C’est un beau bâtiment flambant neuf, financé par la Région ce nouvel El Dorado de l’intelligence humaine s’est installé. La salle est spacieuse et bien éclairée. En y jetant un oeil depuis l’entrée, j’observe une fourmilière humaine aux comportements caractéristiques : les groupes de 4 ou 5 qui se connaissent très bien et passeront le cocktail à poursuivre la même conversation que d’habitude, les politiques qui passent en comète suivie d’une queue de quémandeurs, les solitaires timides qui serrent leur verre dans un coin en attendant que quelqu’un leur pose une question, les pique-assiettes qui n’ont rien d’autre à faire que porter un costume et manger des petits fours, et enfin, les professionnels du lobbying qui sont à leur aise dans ce milieu étrange.
"Arrivé en retard, j’ai manqué le discours introductif et la conférence."
Arrivé en retard, j’ai manqué le discours introductif et la conférence. Renseignements pris, j’ai pu reconstituer un résumé. En substance, il s’agissait de rappeler que les pôles de compétivité français sont nés d’une démarche top-down. Le constat qu’il était nécessaire d’accompagner les acteurs de l’innovation et de la recherche dans leur développement, est né au sommet de l’Etat. La décision de les constituer est née au sein de la sphère publique. Leur financement est essentiellement piloté par les régions. Mais le critère de leur succès, c’est que les activités qu’ils tentent de développer trouvent des sources de financement extérieures. En d’autres termes, ces pôles de compétitivité ne sont pas essentiellement des guichets où entreprises et équipes de recherche viennent puiser, mais des agences d’accompagnement à leur développement. La plate-forme en question en est un bel exemple…
"Mais déjà , plus personne n’écoute vraiment. L’éclat des écrans de téléphone frappe davantage que les yeux brillants cachant des cerveaux plus brillants encore, et les vibreurs rappellent davantage le chant des cigales que le silencieux labeur des fourmis."
Je m’interroge sur la fonction de ces pôles de compétitivité. Il en existe près de 70 sur l’ensemble du territoire français, dont 7 dans le domaine de la santé. Le budget total alloué à ces pôles est difficilement lisible à cause des multiples couches de financement et de la géométrie variable de ceux-ci, selon qu’il s’agit de budget de fonctionnement ou qu’on tient compte des exonérations d’impôts, des financements ministériels ou d’agence d’Etat, ou européens, qu’ils génèrent.
Il est utile pour les chercheurs, dont je fais partie, de pouvoir compter sur des professionnels du montage de projet, de la veille d’appels d’offre des diverses agences de recherche, et du réseautage privé-public et public-public — j’imagine aussi, privé-privé. C’est une jungle, et les formats de financement, les périmètres thématiques, le nombre des agences de moyens, comme on les appelle, c’est-à -dire de guichets où venir demander de l’argent, changent sans cesse. Mais même ces agences d’accompagnement commencent à se confondre les unes avec les autres. On en trouve dans les universités. Au CNRS. A l’INSERM. Au niveau des regroupements d’universités. Dans les IDEX (Initiatives d’Excellence). A la région. Au ministère. A l’Agence nationale de la recherche. Au niveau de l’Union Européenne. C’est dans ce maquis que se trouvent aussi les pôles de compétitivité, un peu plus marqués, peut-être, par la présence d’acteurs du privé que tous les précédents.
Je me fais alpaguer par un de mes collègues en pleine conversation avec trois autres personnes. Présentation faite, je découvre que la conversation roule sur un sujet central pour l’innovation en santé ces dernières années, les biothérapies. Ce sujet me passionne, je reste, j’écoute, je pose des questions, j’interviens dans la conversation. Mais attendez une minute. Nous sommes dans une région qui n’a pas affiché le thème des biothérapies dans ses axes prioritaires, tandis qu’elle figure au contraire au nombre des domaines d’excellence d’un autre pôle d’excellence, dans une autre région où je connais aussi d’autres chercheurs travaillant sur cette thématique. Je pose la question. « Eh oui, me dit-on, pas de chance ! Ce n’est pas faute d’avoir essayé. Nous ne sommes pas moins bons qu’eux, pourtant. – Si, surenchérit-on, nous sommes nuls politiquement. » Je ne sais pas si cette remarque signifie que les chercheurs doivent avoir des compétences spéciales pour réussir à vendre leur projet aux politiques au niveau régional, si l’Etat a voulu répartir les thématiques au niveau du territoire en évitant les doublons, ou si c’est seulement de la récrimination gratuite. Je me dis qu’en toute hypothèse, c’est un problème évident de la territorialisation de la recherche, qui suit nécessairement celle des universités. Comme on ne peut tout mettre au même endroit, et comme il existe des institutions différentes distribuant des labels de reconnaissance, des fonds, des ressources différentes, la répartition de la recherche sur le territoire est semi-aléatoire. Il ne s’agit ni d’un modèle centralisé du type « Commissariat au plan », ni d’un modèle émergence du type « laissez faire, et voyez ce qui marche (ou crève) ».
"Comme on ne peut tout mettre au même endroit, et comme il existe des institutions différentes distribuant des labels de reconnaissance, des fonds, des ressources différentes, la répartition de la recherche sur le territoire est semi-aléatoire."
Les sept pôles de compétitivité en santé ont décidé de se regrouper en réseau : c’est sans doute une bonne nouvelle, et cela permettra probablement de multiplier les partenariats possibles et, par conséquent, d’en accroître la pertinence. Certains vont penser que d’autres voudront les absorber et, réciproquement, certains vont essayer d’en absorber d’autres. Cela ne se fera ni selon une logique thématique, ni selon le hasard : cela se fera en fonction de la proximité géographique et de la richesse des régions, qui mettent la main à la poche pour muscler leurs propres pôles de compétitivité. Car ces pôles de compétitivité sont aussi en compétition.
C’est sans doute ce qui préoccupe les politiques que je vois traverser la pièce. Les chercheurs et les entrepreneurs constituent leurs troupes. Ils ressemblent à de petits barons locaux du Moyen Âge, dont la carrière se fait au gré des luttes intestines avec leurs voisins proches et de la distinction qu’ils peuvent gagner sous la bannière d’un suzerain plus puissant.
Je me pose une dernière question. Au niveau national, l’argent versé dans ces pôles de compétitivité a été justifié par des expressions du type « créer les emplois de demain », « réindustrialiser la France », « améliorer l’attractivité de la French Tech ». A chaque fois qu’on rencontre un succès, il est survendu par ces agences qui, bien sûr, y jouent leur survie. Mais il est bien difficile d’évaluer l’efficacité de ces pôles de compétitivité en termes de création d’emploi, d’attractivité, d’industrialisation.
J’ai fait quelques recherches. D’abord, je suis allé sur le site de l’observatoire des pôles de compétitivité : malheureusement, je dois avouer que c’était du chinois pour moi (voir la capture d’écran ci-dessous). Ou plutôt, du japonais, bien sûr (filez sur http://observatoirepc.org)
Ensuite, je suis allé voir sur le site de la Cour des Comptes (https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-politique-des-poles-de-competitivite). Celle-ci « salue » une politique bien menée, une fois n’est pas coutume ! Néanmoins, je tombe sur un paradoxe. La conclusion des magistrats de la rue Cambon est qu’on ne dispose pas assez de visibilité sur les résultats des politiques menées par les pôles de compétitivité.
Mais alors, me dis-je, comment la Cour des comptes peut-elle saluer cette politique et en même temps déplorer l’absence d’indicateurs sur les résultats ?
Sans doute pourrai-je résoudre le paradoxe en lisant le rapport de la Cour des Comptes. Ce que je me promets de faire. En attendant, je vais reprendre un verre et chercher un autre groupe qui m’en apprendra peut-être davantage sur ce pôle de compétitivité.
- par Cécile Menu et Maël Lemoine