Microbiote #2 : L'impact du microbiote dès le plus jeune âge

La Mutuelle du Médecin, en partenariat avec Groupe Pasteur Mutualité, a organisé la conférence "Microbiote : un partenaire-clé pour notre santé" à l'Institut Pasteur. Ici, le  Pr Gérard Eberl, éminent spécialiste du microbiote, directeur de recherche à l'Institut Pasteur démontre comment dés la naissance la constituion des micro-organismes du microbiote va être prédictive de l'état du système immunitaire adulte, notamment des futures allergies.

Propos recueillis par Laurent Joyeux.

LaurentJoyeux

 

Si vous voulez vous présenter.

Je suis Gérard EBERL, professeur à l’Institut Pasteur et je dirige un groupe de recherche sur l’immunité mucosale, plus précisément pour comprendre comment le microbiote régule les réponses immunitaires.

Quelle est l’origine de cette conférence ?

Alors, l’origine de cette conférence est multiple. Il s’agissait tout d’abord d’une première rencontre avec Monsieur Arnault OLIVIER, lors de l’inauguration du bâtiment BIOMICS ici, à l’Institut Pasteur, l’année passée, ou il y a 2 ans, je ne sais plus. C’est en discutant avec lui, en lui expliquant mes travaux, le rôle du microbiote dans le système immunitaire et autre, que s’est formé un projet de travailler plus ensemble. Et puis, est venue l’idée de Monsieur OLIVIER d’organiser cette conférence.

Quel était le sujet principal de vos travaux ?

Le sujet principal de cette conférence, c’était bien sûr, le microbiote. Il a fallu décider dans quel domaine. Finalement, on a décidé trois domaines : l’impact du microbiote sur la pédiatrie, sur le cancer, et les maladies gastro-intestinales. On a discuté d’autres possibilités. Le microbiote a un impact sur plein de choses, plein d’organes, que ce soit la neurologie, et bien d’autres. Donc, on a décidé de ces trois, et surtout, on a décidé d’un format qui, je pense, est original et intéressant, c’est d’avoir un thème, mais avec deux personnes qui présentent ce thème : un chercheur-biologiste et un médecin. Parce que ce couple chercheur-fondamentaliste d’une part, et médecin-clinicien de l’autre, est absolument essentiel pour la recherche biomédicale, parce que la clinique informe le chercheur sur quoi chercher, et le chercheur informe le médecin sur comment combattre les maladies.

Le couple chercheur-fondamentaliste d’une part, et médecin-clinicien de l’autre, est absolument essentiel pour la recherche biomédicale, parce que la clinique informe le chercheur sur quoi chercher, et le chercheur informe le médecin sur comment combattre les maladies.

Quels sont les grands points de votre intervention à retenir ?

Nous montrons, dans le laboratoire, que le microbiote a un rôle éducateur très tôt dans la vie, absolument essentiel. Nous sommes naturellement exposés au microbiote dès la naissance. Il y a des périodes pendant la vie qui sont particulières, notamment lors de la diversification nutritionnelle pendant le sevrage, quand on passe du lait seul au lait plus d’autres nourritures où là, le microbiote intestinal augmente en nombre de 10 à 100 fois.

Donc le système immunitaire réagit très fortement contre cette expansion microbienne, et on se rend compte que ce n’est pas une réponse immunitaire anodine, c’est vraiment une réponse immunitaire formative qui aura des empreintes très longtemps dans la vie de l’individu. Et c’est là que la clinique a informé le chercheur que je suis, c’est qu’on constate que moins l’enfant est exposé au microbiote dans l’environnement, ou plus a contrario il a dû être traité avec des antibiotiques, alors le système immunitaire sera déréglé et l’enfant sera plus sujet à développer des allergies ou des maladies inflammatoires de l’intestin.

Donc, c’est ce qu’on a montré et maintenant, l’objet de nos recherches, c’est de savoir comment l’organisme se rappelle de ce premier contact avec le microbiote, et puis, lorsqu’on constate qu’il y a eu un dérèglement, eh bien le corriger.

Le système immunitaire réagit très fortement contre l'expansion microbienne du microbiote [...] c’est vraiment une réponse immunitaire formative qui aura des empreintes très longtemps dans la vie de l’individu.

Est-ce qu’il y a une spécificité de la recherche française ?

La recherche française a été, je dirais, un fer de lance de la recherche microbiote. D’autres sauront mieux que moi l’historique de la recherche microbiote en France. Il y a eu des précurseurs, en tout cas, l’Inra a joué un rôle absolument clé avec les chercheurs comme Dusko EHRLICH et Joël DORÉ qui ont été les premiers à séquencer le génome du microbiote intestinal de l’homme. Le génome microbien ou bactérien de l’intestin équivaut en taille à celui de l’homme, donc ce n’était pas une mince affaire. Ils ont été les premiers à le faire et ils le font maintenant à des échelles de centaines de milliers de personnes et de patients. Ils ont donc été les premiers à le faire, ce qui a permis de voir le microbiote, de comprendre sa diversité, et surtout ensuite, de comprendre ce qu’il peut faire, quels sont les gènes qu’il porte, qu’est-ce qu’il peut nous apporter et comment s’en servir.

Des chercheurs français comme Dusko EHRLICH et Joël DORÉ  ont été les premiers à séquencer le génome du microbiote intestinal de l’homme. [...] ce qui a permis de voir le microbiote, de comprendre sa diversité, et surtout ensuite, de comprendre ce qu’il peut faire, quels sont les gènes qu’il porte, qu’est-ce qu’il peut nous apporter et comment s’en servir.

Et en quoi une journée comme celle-ci peut être importante pour vous ?

Alors, une journée comme celle-ci est importante, parce que le dialogue entre le médecin et le chercheur est absolument clé, parce qu’encore, le médecin informe le chercheur et le chercheur, on espère, peut donner des solutions au médecin. C’est vraiment un partenariat. À Pasteur, par exemple, je ne connais pas les proportions précises, mais je dirais qu’il n’y a pas loin de la moitié de médecins et la moitié de biologistes et je pense que c’est un écosystème de recherche intéressant et important en science biomédicale. Donc une journée comme aujourd’hui, où les chercheurs-médecins et les médecins-praticiens se rencontrent, est fondamentale, parce que les praticiens savent où en est la recherche, les chercheurs discutent avec les praticiens qui leur font part de la réalité clinique. Le médecin, Arnault OLIVIER, sera beaucoup plus au courant de ces faits, mais pas forcément moi, je n’ai pas tous les jours de contact avec la médecine.

 

Lors de cette conférence, trois interviews ont été menées. Retrouvez celles du Dr Bertrand Routy sur le microbiote et les traitements anticancéreux ainsi que celle de Nathalie Rolhion sur l'impact du microbiote dans les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin.
par Laurent Joyeux