Équipe de soins spécialisés : efficaces pour un meilleur accès aux soins
Les équipes de soins primaires et les Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ont fait de l’ombre à une troisième forme d’organisation : les équipes de soins spécialisés (ESS), créées par la loi relative à l’organisation et à la transformation du système de santé de juillet 2019. Le point avec le Dr Luc Sulimovic, dermatologue et vénérologue, à l’origine de la première ESS de France, en dermatologie.
propos recueillis par Laure Martin.
En quoi consiste votre ESS ?
L’Ile-de-France est fortement dépourvue en dermatologues. Aujourd’hui, moins de 700 dermatologues libéraux exercent dans la région et leur nombre est amené à encore baisser puisque 62 % des dermatologues libéraux franciliens ont plus de 60 ans (étude de l’Union régionale des professionnels de santé (URPS) médecins libéraux Île-de-France 2019).
Pour répondre à ce problème, en tant que dermatologues franciliens, nous avons décidé de mettre en place une ESS en dermatologie et vénéréologie (ESSDV) avec le soutien de l’URPS médecins libéraux Île-de-France et de l’Agence régionale de santé (ARS).
Notre objectif est de faciliter l’accès de la population à un avis spécialiste en dermatologie, et d’utiliser de façon pertinente la bonne ressource au bon moment grâce notamment à une coordination des soins entre les médecins de ville et les centres de références publics et privés en dermatologie. Nous allons de cette manière pouvoir répondre à des patients en errance ou en retard de diagnostics notamment en onco-dermatologie. Notre objectif est donc d’améliorer et d’accélérer la prise en charge des patients.
Quelle offre proposez-vous ?
L’objectif premier est de désengorger l’hôpital. De fait, pour les patients qui n’ont plus à être pris en charge à l’hôpital, par exemple pour des consultations de suivi post-mélanome, leurs médecins hospitalier peuvent contacter l’ESSDV pour qu’ils soient orientés vers des professionnels libéraux qui se sont engagés à recevoir rapidement ces patients. Cela permet de libérer des places au sein des hôpitaux qui assurent de l’onco-dermatologie.
Nous répondons à des patients en errance ou en retard de diagnostics notamment en onco-dermatologie. Notre objectif est donc d’améliorer et d’accélérer la prise en charge des patients.
Le deuxième versant consiste à proposer une interactivité avec les médecins généralistes en développant la télé-dermatologie. Nous allons former ces médecins au dépistage primaire des lésions de la peau, et en cas de doute, ils pourront demander une télé-expertise en passant par l’ESSDV. Nous allons aussi les former à dispenser un message de prévention solaire auprès de leur patient afin de réduire la fréquence des cancers de la peau.
Autre axe que nous souhaiterions développer : sensibiliser les médecins sur les protocoles et l’existence des biothérapies pour la prise en charge des maladies chroniques inflammatoires (psoriasis et eczéma) afin d’améliorer la qualité de vie des patients.
Enfin, à plus long terme, nous aimerions mettre en place un car itinérant avec des assistants médico-techniques formés aux gestes techniques pour faire de la dermoscopie pour la téléconsultation ou la télé-expertise.
Nous ne sommes pas restreints. D’autres axes pourront être identifiés et déployés par la suite.
Que dit la loi ? D’après l’article 18 de loi santé de juillet 2019, une équipe de soins spécialisés est un ensemble de professionnels de santé constitué autour de médecins spécialistes d'une ou plusieurs spécialités hors médecine générale, choisissant d'assurer leurs activités de soins de façon coordonnée avec l'ensemble des acteurs d'un territoire, dont les équipes de soins primaires, sur la base d'un projet de santé qu'ils élaborent entre eux. L'équipe de soins spécialisés contribue avec les acteurs des soins de premier recours à la structuration des parcours de santé. |
De quelle manière travaillez-vous ?
Pour réaliser nos objectifs, l’ESSDV est appelée à travailler en partenariat avec toute personne physique ou morale, notamment avec les centres de références en dermatologie hospitaliers franciliens, publics et privés, les médecins de ville et des organisations telles que les CPTS dans une logique de parcours. Nous avons conclu des accords avec ces structures hospitalières et, pour le moment, avec 53 dermatologues libéraux. Nous leur proposons des solutions de prise en charge afin d’assurer le recours et la coordination des soins.
La structuration de notre déclenchement est en cours de déploiement. Nous avons un site Internet et un appel d’offre en cours pour le logiciel de télémédecine.
Trois assistants partagés - des médecins post-internat - vont dédier une partie de leur temps à l’ESSDV. Leur rôle va être de créer du lien entre les établissements hospitaliers et le secteur libéral. Établis au sein des CHU, ils effectueront aussi des actes de télémédecine, des bilans pour les patients au cours de consultations hospitalières, etc. Leur rôle va être d’améliorer les parcours de soins des patients et de les ventiler entre l’hôpital et le libéral.
L’ESSDV dispose aussi d’une coordinatrice pour toute la gestion de la partie administrative.
Trois assistants partagés - des médecins post-internat - vont dédier une partie de leur temps à l’ESSDV. Leur rôle va être de créer du lien entre les établissements hospitaliers et le secteur libéral.
De quels moyens bénéficiez-vous pour vos actions ?
Nous avons obtenu une enveloppe de 80 000 euros de l’ARS pour 18 mois, afin de lancer l’activité de l’ESSDV, nous structurer et pour financer le poste de coordinatrice. Le poste d’assistants partagés sont également financés par l’ARS.
Nous voudrions néanmoins des financements davantage pérennes, qui devraient nous être attribués par l’Assurance maladie. Car à terme, nous aimerions disposer de locaux dédiés éventuellement pour faire travailler des dermatologues retraités ou encore pour organiser des téléconsultations ou des consultations. Mais pour le moment, je travaille à la stabilisation de la structure, j’amorce les échanges entre l’hôpital et la ville, et je démarche mes confrères pour qu’ils rejoignent l’ESSDV.
- par Laure Martin