(c) Burger/Phanie

« Il faut sanctuariser le rôle du médecin coordonnateur d’Éhpad »

La fonction de médecin coordonnateur est apparue en 1999 avec la signature des conventions tripartites qui ont transformé les maisons de retraite médicalisées en Établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Éhpad). Aujourd’hui, les médecins coordonnateurs ne sont pas suffisamment nombreux pour accomplir leur mission sur l’ensemble du territoire. Le point avec Pierre-Marie Coquet, médecin coordonnateur d’Éhpad, médecin généraliste et président du Syndicat des médecins coordonnateurs, Éhpad et autres structures (médico-sociales), généralistes ou gériatres (SMCG-CSMF).

propos recueillis par Laure Martin.

LaureMartin

photo PM COQUETQuel est le rôle du médecin coordonnateur d’Éhpad ? 

Comme son nom l’indique, le rôle du médecin coordonnateur d’Éhpad est d’assurer la coordination entre tous les acteurs de l’Éhpad. Il détient quatorze missions définies par un décret de 2005 et un décret de 2011  (lire encadré). Le médecin coordonnateur n’est pas en position de responsabilité d’équipe ou de gestion du personnel. Il est le conseiller médical de la direction et n’a qu’une autorité fonctionnelle sur les infirmières, aides-soignantes, psychologues, auxiliaires de vie ou encore masseurs-kinésithérapeutes, avec lesquels il est amené à échanger régulièrement. En revanche, il entretient des relations d’équipe, de construction, de coordination, d’animateur, et assure la qualité du suivi des résidents. Lorsque le médecin coordonnateur arrive à l’Éhpad, les différents professionnels de santé peuvent l’informer de toute urgence à traiter par exemple dans le circuit du médicament, de l’altération de l’état général d’un patient, d’un cas de maltraitance. Il vérifie aussi la fréquence des chutes, prévient la dénutrition, observe les prises de poids des résidents. La coordination est donc très importante d’autant plus qu’actuellement, les résidents arrivant en Éhpad ont des pathologies de plus en plus lourdes, et toutes les équipes ne sont pas au fait des prises en charge complexes. Le médecin coordonnateur doit donc veiller à la bonne application des règles gériatriques au sein de l’Éhpad, informer les équipes sur les risques en lien avec les chutes, la nutrition, la dénutrition, afin d’éviter les dangers en amont, et être alerté au plus vite en cas de problème. C’est la raison pour laquelle le médecin coordonnateur contribue aussi aux actions de formation pour le personnel des Éhpad.

Son rôle peut différer d’un établissement à l’autre, en fonction des effectifs de personnel comme de résidents et des différentes unités. Dans le secteur public, les Éhpad sont souvent rattachés à des établissements hospitaliers et de nombreuses questions en lien avec l’hygiène ou encore l’alimentation, sont gérées par les commissions hospitalières. Idem pour les plans de formation qui sont généralement hospitaliers.

Comment le médecin coordonnateur d’Éhpad est-il recruté ?

Généralement, par le biais d’une annonce d’emplois et de son réseau. La loi définit le nombre d’Equivalent temps plein (ETP) par Éhpad. Par exemple, dans l’Éhpad où j’interviens, il y a 80 lits, ce qui correspond à 0,5 ETP. Nous sommes deux médecins coordonnateurs à se partager ce mi-temps.

N’importe quel médecin peut devenir coordonnateur d’Éhpad, du spécialiste au généraliste, en passant par le médecin retraité. Néanmoins, un diplôme est obligatoire dans les deux ans de la prise de fonction. Nous voudrions que cette formation soit un préalable à la prise de poste. Une formation en développement professionnel continue (DPC) existe mais elle est vouée à disparaître au profit d’un diplôme universitaire.

Il est nécessaire de se former à ce poste, de se préparer à l’exercice de la coordination et aux risques spécifiques liés à la gestion de la coordination dans un Éhpad. Certains estiment que les soins en Éhpad devraient être réalisés par des médecins salariés dont le médecin coordonnateur. Pour nous, le temps du médecin coordonnateur doit être uniquement dédié à la coordination et non aux soins. Ce temps de coordination doit être sanctuarisé. D’ailleurs, le rôle du médecin coordonnateur n’est en aucun cas de faire des soins. C’est le médecin généraliste qui les réalise. Nous sommes amenés à intervenir auprès des patients pour des soins uniquement en cas d’urgence vitale.

Y a-t-il des problèmes de recrutement ?

Effectivement, certains Éhpad ne disposent pas de médecin coordonnateur. Cette problématique est notamment liée au zonage ambulatoire. Dans ces cas-là, une infirmière de coordination (Idec) pallie la fonction. Il est vrai que ce poste peut attirer, notamment les jeunes médecins en recherche de salariat. Néanmoins, la rémunération n’est pas très attractive. Dans les établissements privés, elle est fixée par la convention collective avec une grille de rémunération. Dans le secteur public, ce sont des contrats de service public avec la grille hospitalière et des primes, diverses et variées, qui s’appliquent. En ETP, le poste tourne à environ 5000 euros net. De plus, même si des jeunes peuvent être attirés par la fonction, je pense néanmoins qu’il faut faire preuve d’un minimum d’expérience pour prendre un tel poste notamment dans les échanges avec les autres professionnels de santé ou encore dans la prise en charge des personnes âgées.

Votre syndicat a-t-il des revendications ?

Nous voudrions que notre fonction soit reconnue comme spécialité au sein de notre spécialité.

Mais depuis la publication du décret du 9 janvier 2019 relatif aux missions, à la composition et au fonctionnement des Conseils nationaux professionnels (CNP) des professions de santé, la question se pose déjà de savoir à quelle spécialité nous sommes rattachés. Un CNP consiste en un regroupement des professionnels issus des différents organismes représentatifs d'une spécialité donnée. Pour certains, nous relevons du CNP des médecins généralistes, ce qui n’est pas logique puisque toutes les spécialités peuvent exercer cette fonction. Pour d’autres - et nous sommes d’accord avec eux - nous relevons du CNP de gériatrie. Mais pour le moment, rien n’est encore déterminé.

 



Les missions du médecin coordonnateur d’Éhpad

Au nombre de treize, elles sont définies par un décret du 28 mai 2005 et un décret du 2 septembre 2011.

1/Il élabore, avec le concours de l’équipe soignante, le projet général de soins, s’intégrant dans le projet d’établissement. Il coordonne et évalue sa mise en œuvre.
2/Il donne un avis sur les admissions des personnes à accueillir en veillant notamment à la compatibilité de leur état de santé avec les capacités de soins de l’institution.
3/Il  préside la commission de coordination gériatrique chargée d’organiser l’intervention de l’ensemble des professionnels salariés et libéraux au sein de l’établissement. Cette commission, dont les missions et la composition sont fixées par arrêté du ministre chargé des personnes âgées, se réunit au minimum deux fois par an. Le médecin coordonnateur informe le représentant légal de l’établissement des difficultés dont il a, le cas échéant, connaissance liées au dispositif de permanence des soins.
4/Il évalue et valide l’état de dépendance des résidents et leurs besoins en soins requis à l’aide des référentiels requis (AGGIR, PATHOS).
5/Il veille à l’application des bonnes pratiques gériatriques, y compris en cas de risques sanitaires exceptionnels, formule toute recommandation utile dans ce domaine et contribue à l’évaluation de la qualité des soins.
6/Il contribue auprès des professionnels de santé exerçant dans l’établissement à la bonne adaptation aux impératifs gériatriques des prescriptions de médicaments, des produits et prestations. Il élabore une liste, par classes, des médicaments à utiliser préférentiellement, en collaboration avec les médecins traitants des résidents, et, le cas échéant, avec le pharmacien chargé de la gérance de la pharmacie à usage intérieur ou le pharmacien de la pharmacie à usage intérieur (PUI).
7/Il donne un avis sur le contenu et participe à la mise en œuvre de la ou des conventions conclues entre l’Éhpad et les établissements de santé  ainsi que sur le contenu et la mise en place, dans l’établissement, d’une organisation adaptée en cas de risques exceptionnels.
8/Il contribue à la mise en œuvre d’une politique de formation et participe aux actions d’information des professionnels de santé exerçant dans l’établissement.
9/Il élabore un dossier type de soins.
10/Il établit, avec le concours de l’équipe soignante, un rapport annuel d’activité médicale (RAMA) qu’il signe conjointement avec le directeur de l’établissement. Ce rapport retrace notamment les modalités de la prise en charge des soins et l’évolution de l’état de dépendance et de santé des résidents. Il est soumis pour avis à la commission de coordination gériatrique qui peut émettre à cette occasion des recommandations concernant l’amélioration de la prise en charge et de la coordination des soins. Dans ce cas, les recommandations de la commission sont annexées au rapport.
11/Il collabore à la mise en œuvre de réseaux gérontologiques coordonnés.
12/Il identifie les risques éventuels pour la santé publique dans les établissements et veille à la mise en œuvre de toutes mesures utiles à la prévention, la surveillance et la prise en charge de ces risques.
13/Il réalise des prescriptions médicales pour les résidents de l’établissement au sein duquel il exerce ses fonctions de coordonnateur en cas de situation d’urgence ou de risques vitaux ainsi que lors de la survenue de risques exceptionnels ou collectifs nécessitant une organisation adaptée des soins. Les médecins traitants des résidents concernés sont dans tous les cas informés des prescriptions réalisées.
14/Une quatorzième mission revient, depuis un décret du 15 décembre 2016, au médecin coordonnateur. Il doit solliciter, en cas de modification du contrat de séjour initial du résident entraînant une nouvelle limitation de sa liberté d’aller et venir, un avis de l’équipe pluridisciplinaire et faire en sorte que la personne visée ou son représentant comprenne bien les conséquences de cette mesure.


 

par Laure Martin