Dossier

Des moyens pérennes pour les maisons de santé et nouveaux dispositifs de coordination

L’Assurance maladie et une douzaine de syndicats de médecins ont abouti en avril à un nouvel accord conventionnel interprofessionnel avec à la clé des moyens supplémentaires pour les maisons de santé pluridisciplinaires.

Depuis un peu moins d’un an, toutes les professions de santé sont passées par la case négociation avec l’Assurance maladie, à la fois séparément et tous ensemble. Des discussions où la question des outils pour favoriser le travail interprofessionnel a été abordée à chaque fois. Les médecins ont signé leur nouvelle convention en août de l’année dernière. La négociation des chirurgiens-dentistes a échoué et s’est terminée en règlement arbitral en janvier. Celle des pharmaciens devrait aboutir au mois de juillet avant que les infirmières libérales ne terminent le bal. Dans le même temps, se sont déroulées depuis début janvier des négociations d’une toute autre échelle puisque ce sont 46 organisations syndicales issues de toutes les professions que le directeur de l’Assurance maladie a réuni pour aboutir à un accord conventionnel interprofessionnel (ACI). Le texte a été finalement signé le 20 avril par douze organisations syndicales, dans un premier temps, dont les trois plus importants syndicats de médecins (MG France, la CSMF et la FMF), les deux principaux syndicats de pharmaciens (USPO et la FSPF), deux syndicats de sages-femmes (ONSSF et l’UNSSF) mais un seul syndicat d’infirmières libérales (le SNIIL). D’autres organisations pourraient encore signer dans les prochains mois, certaines souhaitant préalablement organiser une consultation interne. Dans tous les cas, cet ACI devrait être approuvé et paraître au journal officiel avant le début de l’été. Il prendra alors la suite d’un règlement arbitral datant de 2015 qui avait permis la prolongation des « nouveaux modes de rémunération » pour les maisons et les pôles de santé.

Des outils pour favoriser le travail interprofessionnel

Ainsi, l’ACI permet de sortir définitivement ces structures de l’âge de l’expérimentation en rendant leurs financements pérennes. Les structures qui avaient signé un accord avec la Sécu pour en bénéficier vont pouvoir continuer et devraient voir leur montant augmenter. Pour l’année 2017, l’Assurance maladie a rajouté 10 millions d’euros pour ce poste. Elle a également calculé qu’avec cet accord une structure type composée de 13 professionnels de santé et ayant une patientèle de 4000 patients qui atteindrait l’ensemble de ces engagements verrait sa rémunération passer de 51 800 euros à 73 500 euros. Pour être éligibles, les maisons de mono-site ou multi-site (autrement dit ce qu’on appelait jusqu’à présent des pôles de santé) doivent être constituées en « société dont le statut juridique permet de percevoir des rémunérations de l’Assurance maladie au nom de la structure elle-même dans le respect de la réglementation fiscale et comptable, comme la société interprofessionnelle de soins ambulatoires (SISA) » et avoir élaboré un projet de santé. Ainsi, les structures peuvent faire l’usage qu’elles souhaitent de ces rémunérations et les répartir entre les professionnels de santé qui la composent. Des rémunérations qui sont modulées en fonction d’un système d’atteintes d’objectifs plutôt complexe, sur le modèle de la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP) des médecins libéraux.

3 axes : l’accès aux soins, la qualité et la coordination des soins et l’appui d’un système d’information.

Ces indicateurs sont organisés autour de trois axes : l’accès aux soins, la qualité et la coordination des soins et l’appui d’un système d’information. Certains sont obligatoires et d’autres optionnels. Ainsi par exemple, s’agissant du premier axe, la structure doit être ouverte de 8h à 20h tous les jours de semaines et le samedi matin de 8hà 12h. En revanche, elle peut, si elle el souhaite, organiser des consultations de second recours de spécialistes ou de sages-femmes par des professionnels extérieurs à la structure pendant quelques jours par mois. Elle peut aussi mettre en place un questionnaire de satisfaction pour les patients. En termes d’organisation de la coordination des soins, il est obligatoire qu’une fonction de coordination soit assurée par un ou plusieurs professionnels exerçant dans la structure et ayant un temps dédié à cette fonction ou sinon par du personnel recruté spécifiquement. Cette fonction consiste à animer la coordination interprofessionnelle, à coordonner les parcours et les dossiers des patients, à suivre l’utilisation du système d’information et à gérer les relations avec les institutions ou les collectivités. Par ailleurs, les structures doivent établir des protocoles pluriprofessionnels pour la prise en charge et le suivi des patients et organiser au mois six réunions pluri-professionnelle par an. La structure peut également être un terrain de stages de formation pour les différentes professions qui la composent. Enfin, pour l’axe qui concerne l’informatisation, la structure doit a minima disposer d’un système d’information labellisé niveau « standard » par l’ASIP santé et les dossiers des patients doivent être informatisés et partagés. A la fin de 2016, 437 structures, soit la moitié des maisons de santé, bénéficiaient de ce type de rémunération forfaitaire. Elles savent désormais qu’elles vont pouvoir les garder. Les centres de santé dont les médecins sont des salariés peuvent également y prétendre. Autant d’éléments qui font que cet accord a été bien reçu par les organisations syndicales.

De nouvelles perspectives de coordination des soins

« L’ACI constitue une avancée pour les structures concernées, en prenant mieux en compte les outils d’organisation, comme l’informatique, et en favorisant la coordination par un financement spécifique attribué à cette activité interprofessionnelle » a ainsi commenté la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF). Même satisfaction du côté du syndicat MG France qui souligne que « si les maisons de santé pluriprofessionnelles sont aujourd’hui le modèle existant le plus développé pour les équipes des soins primaires », il « souhaite promouvoir dès maintenant des modèles de coopération entre professionnels de santé accessibles à tous, basés sur des projets de santé de patientèles ou de territoires, s’appuyant sur des financements adaptés ». Justement, à la rentrée, les professionnels de santé seront à nouveau conviés tous ensemble autour de la table par l’Assurance maladie. Il s’agira cette fois-ci de négocier un nouvel accord-cadre interprofessionnel (ACIP). À la différence de l’ACI où les syndicats des différentes professions sont représentés, pour l’ACIP, l’Assurance maladie négocie avec l’Union nationale des professions de santé (UNPS) censé représenter les intérêts communs de toutes les professions. En effet, il s’agit davantage d’une feuille de route qui sera ensuite déclinée individuellement pour chaque profession. L’organisation de la coordination des soins entre professions de santé sera au cœur des discussions. Au-delà des seules maisons de santé qui ne représentent pour l’instant, qu’à peine 5 % de l’offre de soins sur le territoire.

Des nouveaux dispositifs qui sont en train de se mettre en place

Trois nouveaux dispositifs issus de la loi Touraine pour favoriser la coordination des parcours de soins en ville sont en train de se mettre en place et viennent s’ajouter aux outils existants déjà, au risque de semer encore plus de confusion dans les esprits des professionnels de santé et encore plus de leurs patients.

# Les équipes de soins primaires (ESP) prévues par l’article 64 de la loi Touraine sont « un ensemble de professionnels de santé constitué autour de médecins généralistes de premier recours ». Ils doivent établir entre eux un projet de santé qui a pour « objet, par une meilleure coordination des acteurs, la prévention, l’amélioration et la protection de l’état de santé de la population, ainsi que la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé ». Dans les faits, il peut s’agir d’une maison ou d’un pôle de santé. Mais une circulaire de la DGOS de décembre dernier prévoit qu’une équipe de soins primaires peut également « revêtir d’autres formes de coopération, plus légère » et que tout professionnel de santé libéral peut prendre l’initiative d’en créer une.

# Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ont été créées par l’article 65 de la même loi Touraine. La philosophie des CPTS est la même que celles ESP mais l’échelle est différente : patientèle pour les secondes et populationnelle pour les premières. La CPTS prend la forme d’une communauté « composée de professionnels de santé regroupés, le cas échant, sous la forme d’une ou plusieurs équipes de soins primaires, d’acteurs assurant des soins de premier ou de deuxième recours, concourant à la réalisation des objectifs du projet régional de santé ». Il n’y a pas de forme juridique imposée mais les membres doivent écrire un projet de santé qu’ils transmettent à l’Agence régionale de santé. C’est suite aux débats parlementaires de la loi Touraine que cet article avait été amendé dans un sens laissant davantage l’initiative aux professionnels de santé libéraux comme ces derniers le réclamaient. Néanmoins, si le terrain est en friche, l’ARS peut prendre la main et lancer elle-même des projets de CPTS.

# Les plateformes territoriales d’appui (PTA) sont également issue de la même loi (article 74) avec pour objectifs l’information et l’orientation des professionnels vers les ressources sanitaires, sociales et médico-sociales du territoire, l’appui à l’organisation des parcours de soins complexes et le soutien aux initiatives en matière d’accès et de coordination des soins. Une dizaine de PTA ont déjà vu le jour et le ministère de la santé leur a alloué une enveloppe de deux millions d’euros. Certaines de ces structures sont des anciens réseaux de santé.

# Les PAERPA (parcours de soins des personnes âgées en risque de perte d’autonomie) ont été lancés en 2013 par le ministère de la santé sous la forme d’une expérimentation à grande échelle. Ces programmes sont destinés aux patients de plus de 75 ans dans le but de fluidifier la coordination de leur prise en charge grâce notamment à la rédaction d’un projet personnalisé de santé (PPS). Il existe désormais 16 expérimentations à travers toute la France dont la dernière vient de débuter à Montpellier.

# Les PRADO (programmes d’accompagnement du retour à domicile) sont un dispositif créé par la CNAMTS en 2010 pour faciliter les transitions après une hospitalisation. Dans ces programmes, c’est un conseiller de l’Assurance maladie qui propose au patient de coordonner les interventions des professionnels de santé libéraux pour son retour à domicile. Il existe des PRADO maternité pour les mères ayant accouché par voie basse et sans complication ou des PRADO « orthopédie » pour les patients ayant subi des interventions simples comme des poses de prothèses de hanche ou de genou. Le but des ces programmes est notamment de réduire la durée de l’hospitalisation.

# Les groupements hospitaliers de territoire (GHT) également créés par la loi Touraine sont également en train de se mettre en place en ce moment. Il s’agit de regroupements d’hôpitaux de tailles différentes autour d’un hôpital de référence dans le but de mutualiser les moyens (notamment l’informatique ou les achats) et de créer des coopérations entre les établissements. On compte désormais 135 GHT dans toute la France regroupant 850 hôpitaux publics. À long terme, les GHT pourraient lancer des coopérations avec la médecine de ville dans le cadre du développement des parcours de soins.

par Véronique Hunsinger